Le nazisme et l’antiquité

En 1907, il découvre sa vocation politique après avoir vu Rienzi, un opéra de Wagner qui relate les vicissitudes d’un tribun dans la Rome du XIVe siècle et qui se termine dans une ville éternelle en flammes.17 ans plus tard, il arrêtera les bases de son projet politique. Le monde a changé, l’Allemagne n’a pas seulement perdu la guerre, mais écrasée par le traité de Versailles, se sent menacée dans son identité même. L’auteur de Mein Kampf lui donnera une histoire : le peuple allemand est constitué d’Aryens, descendants d’une race de surhommes qui combat depuis la nuit des temps en ennemi venu d’Asie : le juif.
Comment ce fait il que ces surhommes n’aient laissé aucune trace dans l’histoire allez vous me demander ? À cette question, Hitler répond que si cette race nordique n’a pas laissé de vestiges archéologiques remarquables sur le sol allemand, sa place dans l’histoire n’en est pas moins remarquable, car les Aryens ont émigré vers le sud pour procéder à la création des deux plus grands empires de l’antiquité : la Grèce et Rome.
Si Rome reste incontestablement un modèle, ce n’est pas celui que préfèrent les nazis, la place est déjà occupée par Mussolini, l’empire a incontestablement plus marqué les Français, et puis les auteurs latins n’ont pas été très tendres avec les populations vivant au-delà du limes.
La référence suprême restera donc Athènes. Ce philhellénisme correspond d’ailleurs à une longue tradition allemande, on pense à la découverte de Troie par Schliemann au siècle précédent. Tout est bon dans la Grèce : Platon, l’architecture, la fascination pour la beauté des corps, Leonidas et ses 300 spartiates qui se sacrifieront héroïquement aux Thermopyles…mais cet empire n’est plus, les Grecs du XXe siècle n’ont plus rien en commun avec les valeureux guerriers aryens. La faute en revient au métissage : le sang aryen s’est perdu et a été vicié par du sang sémite.
Même diagnostic pour Rome : un effondrement dû à un métissage racial. Comment peut-on s’étendre indéfiniment sans jamais se mélanger ? Ils n’étaient pas à un paradoxe près et d’ailleurs, l’Histoire ne leur donnera heureusement pas la possibilité de se poser la question. Avec Stalingrad, tout bascule. Les nazis sentent bien qu’il ne sera pas possible de tenir longtemps sur deux fronts : la Shoah et la lutte contre les bolchéviques se rejoignent : deux facettes de la lutte éternelle contre les Sémites orientaux : l’image des spartiates de Leonidas devient omniprésente dans la propagande nazie. Et puis enfin, le rideau tombe. Le dernier acte ne sera pas aussi apocalyptique qu’Hitler l’aurait voulu. Le IIIe Reich qui devait durer mille ans aura vécu 12 ans, c’est déjà beaucoup trop.
Un livre passionnant qui nous rappelle encore une fois que les nazis n’étaient ni des surhommes, ni des génies du mal, mais seulement une bande de brutes assoiffées de pouvoir, stupides et incultes et qui n’ont fait que mettre en scène les fantasmes de leur époque.

Edouard

 Le nazisme et l’antiquité

Johann Chapoutot

PUF

2012

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