La grande évasion

Dans un oflag, pendant la Seconde Guerre mondiale, des prisonniers mettent en place une évasion d’envergure. Sur les 54 qui réussissent à s’échapper du camp, un seul ne sera pas rattrapé, 52 seront fusillés et 1 sera ramené au bercail avec seulement quelques égratignures (mais si vous vous souvenez, Steve McQueen pris dans les barbelés).

J’avais vu ce monument du cinéma mondial il y a très longtemps et je me souvenais de quelques passages : la moto de Steve McQueen et l’Américain qui se fait pincer en répondant « thank you » à un Allemand qui lui dit « good luck ». Cependant, il me manquait une clef essentielle pour comprendre ce film qui ne m’a été donnée qu’il y a peu de temps par un militaire.

Pour un prisonnier de droit commun, l’ « évasion » est une pensée légitime. C’est aussi une source inépuisable d’inspiration pour les réalisateurs puisque nous avons tous soif d’évasion et d’ailleurs, si nous allons au cinéma, c’est bien pour nous évader.
Je n’ai jamais vu abordée au cinéma la question pourtant bien réelle des prisonniers qui angoissent à l’idée de devoir sortir, ni du besoin d’évasion qui n’est pas tant de sortir des murs que d’échapper à une promiscuité qui rend la solitude impossible. Cette réalité est certainement moins jouissive que l’image de Papillon s’engouffrant dans la jungle guyanaise et est évidemment moins bankable. Peut-être en parlera-t-on un jour.

La condition d’un militaire, prisonnier de guerre est toute autre : l’ « évasion » n’est pas une pensée légitime, une certaine façon de refuser la fatalité. Pour lui, l’évasion est un devoir. Cette question est d’ailleurs abordée au tout début du film par un officier anglais et l’ officier allemand, responsable du camp. L’Allemand sait que les prisonniers vont essayer de s’évader et l’accepte, puisque c’est leur devoir de militaire. Son devoir est de les empêcher de sortir, mais pas de les empêcher d’avoir des projets d’évasion. Cette clef donne toute la dimension dramatique du film. C’est une autre guerre dont nous parle « la grande évasion », une guerre dans laquelle l’inégalité entre les combattants est flagrante. Pour les prisonniers, l’atteinte de la cible est presque impossible. S’ils arrivent à sortir du camp, encore faut-il ne pas être repris. En territoire ennemi, entouré d’une population civile qui n’a aucun intérêt à lui venir en aide, les chances d’un prisonnier sont aussi minces que celles d’un hérisson qui décide de traverser l’autoroute le 15 août. Et pourtant, le devoir, l’obligation morale reste.

« La grande évasion » rend donc hommage à tous les prisonniers de guerre. C’est un film dont j’aurais aimé parler avec mon grand-père paternel qui, lui aussi, a passé la guerre dans un oflag. J’étais malheureusement trop jeune quand il est mort.
Pour ceux que le sujet intéresse, lisez « StalagIIB », le dernier opus de Tardi dans lequel la question de l’évasion est aussi évoquée.

Edouard

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Syngué-Sabour

Dans l’Afghanistan de la guerre et des talibans, des bombardements et de la folie meurtrière des mollahs, une jeune femme tente de survivre avec ses deux filles.
Son mari, qui a reçu une balle dans la nuque, est plongé dans un coma profond. Après avoir placé ses filles chez une tante qui habite de l’autre côté de la ville, elle revient chaque jour veiller son époux qu’elle maintient en vie avec un sérum improvisé.

L’actrice et jeune et belle et l’on ne peut s’empêcher en la voyant de faire le lien avec la photo de Sharbat Gula, la jeune Afghane aux yeux verts qui avait fait la une de National Géographic et le tour de la planète au milieu des années 80 et qui a été retrouvée il y a quelques années, les traits tirés, les yeux délavés, le regard durci, mais toujours reconnaissable.

Syngué-Sabour, « la pierre de patience », selon une légende afghane, est une pierre magique qui, après avoir reçu tous les secrets d’une personne, éclate en libérant par là même de tous ses maux celui ou celle qui s’est confié à elle. Je ne sais pas de quand date cette légende, mais elle renvoie étrangement à l’essence de la démarche psychanalytique. Freud avait-il des origines afghanes ?

Bref, chaque jour, après avoir traversé la ville en burqa et slalomé entre les balles perdues, elle se raconte. À partir de là, je pense que cette histoire parlera beaucoup plus aux spectatrices qu’aux spectateurs.

Après beaucoup d’hésitations, donc, elle se décide à dire ce qu’elle a sur le cœur. Petit à petit, elle se libère des paroles convenues du quotidien. Petit à petit, la glace se craquelle et les mots remontent à la surface : ses désirs, ses peurs, ses frustrations, ses angoisses. Elle finit par livrer à son mari comateux tout ce qu’elle n’aurait jamais osé lui dire s’il avait été valide, tout ce qu’elle ne lui aurait pas dit par respect des traditions, mais aussi de peur de blesser un homme qu’elle admire et qu’elle aime à sa façon.

Je ne raconterais pas les détails du dernier volet de cette histoire et vous ne saurez pas si la pierre éclate.

Je peux tout de même vous dire que le film se ferme sur le sourire rayonnant de la jeune femme, enfin libérée.

Une très belle histoire donc. Je pense cependant que beaucoup d’hommes iront en traînant les pieds pour faire plaisir à leur conjointe…parce qu’elles le valent bien.

Edouard

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