La dictature en danger


Au commencement était la souffrance. Une souffrance bien réelle, mais dont les causes n’étaient pas toujours bien claires : chômage, difficultés professionnelles, familiales, psychologiques… Et puis il y avait cette société de consommation arrogante, demandant de répondre à un standard de vie dont ils se sentaient toujours plus exclus, générant des frustrations qui devenaient de moins en moins supportables. L’arrivée au pouvoir d’un jeune président de la République auquel tout semblait réussir attisa haine et jalousies et acheva de mettre le feu aux poudres.
Ceux qui décidèrent de faire face à cette souffrance entrèrent en « résistance ». C’est un mot qui est très chargé dans notre beau pays renvoyant à l’héroïsme de la Seconde Guerre mondiale et s’inscrivant dans sa tradition révolutionnaire. Et qui dit « résistance » dit « dictature ». L’ennemi était tout trouvé : l’État. La souffrance initiale avait maintenant un sens et était plus facile à supporter.
Les gilets jaunes parlaient déjà de « dictature ». La pandémie donna un nouveau souffle au concept. Les privations de liberté étaient une preuve éclatante que le pays était bel et bien en dictature. Bien entendu, cela supposait un escamotage des raisons réelles ayant motivé ces mesures, à savoir : la situation sanitaire mondiale qu’il convenait à moins de minimiser et au mieux d’ignorer en faisant référence à un complot mondial ayant ourdi cette vaste supercherie.
L’armature de la dictature commençait à avoir des bases solides. Tout était bon pour rendre son existence toujours plus éclatante : couvre-feu, fermeture des commerces, port du masque…
Et puis arrivèrent les vaccins et avec eux, l’espoir de mettre fin à la pandémie. Se faire vacciner, c’était non seulement se protéger et protéger ses semblables, mais aussi limiter la diffusion du virus et contribuer à l’émergence d’une immunité collective. Dès lors, la vaccination se mit en marche avec un certain succès et les vaccinés se mirent à espérer une fin rapide de la pandémie.
À l’inverse, les « résistants » y ont vu une privation supplémentaire de liberté, nouvelle preuve de l’autoritarisme du pouvoir dictatorial en place. Ils furent toutefois surpris de devoir faire face aux réprobations du reste de la société voyant leurs comportements comme des freins à l’émergence de l’immunité collective devant aboutir à la fin de la pandémie et à la levée totale des restrictions.
On peut se demander si les « résistants » souhaitent vraiment la fin de leur « dictature ». Finalement, c’est elle qui donne un sens à leur action. Reconnaître que la « dictature » n’a jamais existé, c’est aussi prendre le risque d’être renvoyé à leurs souffrances irrationnelles.
Heureusement, beaucoup pourront prétexter que les nouvelles contraintes de la dictature gouvernementales ne leur permettent pas d’avoir d’autre choix que la vaccination.
La « dictature » survivra-t-elle à la fin de la pandémie ? Une affaire à suivre.
 
Édouard