Un roman pour quoi faire ?

Les fidèles de la première heure de ce blog se souviendront qu’il accompagnait à ses débuts la finalisation d’un premier roman. Ce dernier avait été envoyé à quelques éditeurs sans que cela aboutisse sur un contrat d’édition. Et puis, depuis novembre 2012, plus aucune référence au roman sur le blog. Il n’a pourtant pas disparu. Il est aujourd’hui bien au chaud au fond de mon disque dur. Il me gratte toujours un peu comme le scotch du capitaine Haddock, mais pas trop. Aujourd’hui, il semble y avoir mille et une façons de publier un roman à côté de l’édition traditionnelle alors, je me suis dit, pourquoi pas ?
Mais avant de le faire partir, je voulais tout de même y jeter un coup d’œil. En dépit des nombreux et judicieux conseils effectués à l’époque par mes relecteurs, il s’est avéré qu’il y avait encore beaucoup de nœuds, beaucoup de gras, beaucoup de fausses notes : des phrases mal écrites, des personnages qui ne servent à rien, des digressions inutiles… voire naïves. Il faut dire qu’à l’époque, j’avais le fantasme des 56 000 mots. Je pensais qu’un roman digne de ce nom devait faire 56 000 mots au moins. Alors, sans trop me forcer, j’étais fièrement arrivé à 57 000 mots.
Maintenant, je vois les choses autrement, un petit peu de gras, mais pas trop pour faire ressortir le muscle, la recherche d’une harmonie dans les scènes et chapitres, un objectif précis à atteindre. Pour ce dernier point, je me suis enfin résolu à faire ce à quoi je m’étais toujours refusé : un synopsis. C’est vrai que ça change tout, ça nous oblige à aller vers l’essentiel. Bref, pour lui dégager la nuque et les oreilles, j’ai retiré 18 000 mots. Shortédition considère qu’une nouvelle doit faire moins de 30 000 signes. Comme j’en ai 232 348, je considère que c’est toujours un roman.
Et maintenant, quoi faire avec ? Le publier en épisode sur mon Blog ? Bon, il y a tout de même des problèmes de droits. C’est pas que je donne beaucoup d’importance au fric, mais tout de même, je ne veux pas me le faire piquer. Sur Amazon…mouais, c’était un peu mon idée, mais maintenant que j’ai passé du temps à le toiletter, je suis plus trop motivé. Repartir à la chasse aux éditeurs ? Cela me semble la voie la mieux indiquée. Le point positif, c’est que comme l’intrigue se déroule en 1901, il y a peu de chance qu’il se démode. Il est déjà démodé.
Je n’ai plus le fantasme du papier, des plateaux télé, des interviews de star. Je n’aurai jamais une production romanesque industrielle. Peut être que je n’ai pas la compétence, mais en tout cas, j’ai pas envie. L’aspect financier sera toujours secondaire. Sauf miracle, je ne vivrai jamais de l’écriture. Ce qui me ferait kiffer par contre, serait de le voir adapté au ciné, à la télé, en BD, au théâtre… La BD, travailler avec un dessinateur, ça me ferait vraiment plaisir.
Bon, mais pour en arriver là, encore faudrait-il trouver le dessinateur, le réalisateur, le producteur…et donc, le faire connaître. Et pour le faire connaître, il faut le diffuser, le publier, l’éditer. Je me mords la queue là. Non ?
Chercher donc, se renseigner, trouver le bon moment, la bonne fenêtre de tir, ne pas se précipiter et trouver…ou pas.

Édouard

Apocalypse bébé

J’suis plongée dans Virginie Despentes en ce moment. Tu connais ?
– Le nom me parle, mais j’ai jamais rien lu d’elle. Tu me conseilles lequel ?
Un peu plus tard, je passe un coup de Wikipédia. Ah, d’accord, c’est celle qui avait écrit « baise-moi ». J’me souviens, j’étais au lycée à l’époque, ça avait fait du buzz. J’me souviens plus comment c’était le buzz avant internet, mais il y avait déjà du buzz. Je sais pas si c’est très malin un titre comme pareil. Ça te colle au cul une étiquette « provoc » dont il doit être difficile de se débarrasser.
17 ans plus tard, Despentes reçoit le prix Renaudot pour « apocalypse bébé ». Du sexe, il y en a encore pas mal, un peu trop à mon goût, mais il n’y a pas que ça. Les hommes sont quasi absents et ce sont donc des histoires de lesbiennes qui pimentent le roman. Ceci dit, ça change de l’univers très sexué de « balance ton porc » et « me too ».
Ceci dit, Virginie Despentes est un vrai écrivain.
Valentine, fille d’un écrivain en mal de reconnaissance, quitte le nid. Deux détectives privées sont chargées de la retrouver.
J’aime bien cette description des années 2010 avec l’explosion d’internet, ce monde à la recherche de nouveaux repères dont les adolescents sont les premières victimes.
Ceci dit, Lucie, l’une des deux détectives, ne semble pas y voir tellement plus clair que Valentine. « La hyène », sa coéquipière, une sorte de cousine de Lisbeth Salander y semble beaucoup plus à l’aise : elle vit pour le chaos, il est fait pour elle.
J’aime cette construction du roman à travers une galerie de portraits qui vont en profondeur dans chaque personnage principal.
J’aime la fin apocalyptique comme il se doit. La notion de réalité a explosé. L’individu, pour survivre dans cet univers, ne peut plus compter sur une réalité toute faite et doit se construire sa propre réalité.
Aujourd’hui, les fakes news font partie de notre quotidien et, en voyant l’annonce de la mort de Stallone sur Facebook émanant d’un site douteux, on va automatiquement la recroiser via Google avec une source plus officielle. Je rassure mes lecteurs, Stallone n’est pas mort, je ne vois pas trop quel peut être l’intérêt d’annoncer sa mort, mais bon, il y en a sans doute un. Sinon, il n’y aurait pas eu de fake new. Maintenant, je ne vais pas chercher plus loin. Sans doute notre cerveau s’est-il formaté avec internet. Sans doute des clapets « pas la peine d’essayer de comprendre » ce sont-ils mis en place pour nous permettre de naviguer dans notre univers quotidien. En 2010, les esprits n’étaient peut-être pas complètement formatés.
Édouard
Virginie Despentes
2010
Le livre de poche

La servante écarlate

Déception.

Le livre qui ferait trembler l’Amérique de Trump, pas moins.

Les éditeurs n’en sont pas à une exagération près.

Dans une république du futur, la fécondité est confiée sous haute surveillance à des servantes devenues esclaves sexuelles présumées fertiles.

Les éditeurs:
« Paru pour la première fois en 1985, La Servante écarlate s’est vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde. Devenu un classique de la littérature anglophone, ce roman, qui n’est pas sans évoquer le 1984 de George Orwell, décrit un quotidien glaçant qui n’a jamais semblé aussi proche,
nous rappelant combien fragiles sont nos libertés. La série adaptée de ce chef-d’oeuvre de Margaret Atwood, avec Elisabeth Moss dans le rôle principal,
a été unanimement saluée par la critique. »

Votre serviteur:
C’est aussi long qu’emmerdant.
Moi peut-être pas compris.
Si cela ne tient qu’à ce livre, Donald Trump peut dormir tranquille.

Amitiés on passe à autre chose,

Guy

Survivants

Comment homo sapiens a-t-il fini par devenir la seule espèce humaine sur Terre ?

L’année 2014 a été une riche année éditoriale en paléoanthropologie. Suite aux révélations scientifiques de 2010 concernant l’hybridation partielle entre Néandertal et Sapiens, de nombreux scientifiques ont en effet proposé des théories concernant non pas l’origine des premiers hommes préhistoriques, mais celle de notre espèce : « homo sapiens ».

Je n’ai pas lu « Sapiens : une brève histoire de l’humanité » de Yuval Noah Harari publié la même année (en 2015 en France) avec un très fort retentissement médiatique, dressant, d’après ce qu’en a dit mon cher co-blogueur Guy et un certain nombre de personnes qui m’ont fait part de leur impression, une charge violente contre notre espèce.

L’ouvrage de Stringer semble beaucoup plus modéré, laissant une très grande part aux incertitudes qui planent encore aujourd’hui. Il est assez proche à ce titre de « qui a tué Néandertal ? », également publié en 2014. Stringer ne se limite pas cependant aux rapports entre « Sapiens » et « Néandertal » même s’il s’y attarde beaucoup.

Pour ceux qui s’intéressent de près à l’actualité de la paléoanthropologie, le premier tiers de l’ouvrage pourra sembler passablement obsolète. En effet, Stringer ne parle pas d’homo Naledi, nouvelle espèce d’hominidés découverte en Afrique du Sud l’année suivante, ni des fascinantes découvertes au Maroc en 2017 de restes d’homo sapiens, vieux de 300 000 ans qui semblent plaider pour une origine ouest-africaine de notre espèce.

L’approche de l’auteur n’en reste pas moins intéressante. Pour ceux qui prennent le train en marche, retenez qu’on ne pense plus aujourd’hui l’histoire du genre Homo sous forme de frise dans laquelle le singe s’élève peu à peu pour devenir l’aboutissement parfait : nous. Ce schéma, encore très largement accepté jusque dans les années 90 est aujourd’hui remplacé par celle du buisson au milieu duquel de nombreuses espèces se sont succédé et/ou croisées au cours de l’histoire. De ce buisson, une seule espèce a survécu, pourquoi ?

Stringer ne pense pas que Sapiens était forcément plus méchant que les autres, mais qu’il a bénéficié d’un contexte génétique et climatique particulièrement favorable à son extension. L’auteur s’attarde aussi sur un facteur, selon lui déterminant pour assurer le succès de Sapiens : sa capacité à interagir avec ses semblables et à fonctionner en réseau. Il fait à cet effet les louanges du phénomène religieux. C’est peut-être ce qu’il a voulu dire, mais « système de représentation » me semblerait plus approprié. En effet, il me semble évident que notre environnement est moins stressant si on lui donne un sens, nous permet de mieux vivre et de mieux appréhender l’avenir. Après, savoir si le meilleur système de représentation est le communisme, le catholicisme, le scientisme, l’islam…c’est une question que Sapiens a probablement eu longtemps la chance de ne pas se poser.

Édouard

Chris Stringer
Gallimard
2014

Voyage d’Hiver

La Catalogne, ce sont les soubresauts politiques récents. C’est aussi un auteur exceptionnel et universel.

J’avais été soufflé par son superbe roman Confiteor.

Ces quatorze nouvelles indépendantes et pourtant intimement liées ont été écrites avant Confiteor. Elles n’ont été traduites que récemment. On retrouve la façon dont Jaume Cabré fouille les manifestations du mal, de l’amour, du destin et de ses mauvais tours.

Viaje de invierno es un homenaje literario a Schubert, a Bach y a la música y, al mismo tiempo, una celebración de la pintura, simbolizada por Rembrandt. Por otra parte,
es también un repertorio de pasiones humanas, un repaso de la historia interior de Europa y un recorrido geografico desde Viena hasta Treblinka y desde Oslo hasta
Bosnia pasando por el Vaticano. Una pequeña maravilla que confirma, una vez más, a Cabré como uno de los autores que cuentan entre los grandes nombres de la
literatura europea contemporánea.

Cet hommage écrit en espagnol démontre que les convulsions récentes du pays catalan ne peuvent pas faire oublier l’unité profonde d’une nation qui a survécu à une guerre civile meurtrière, suivie d’un régime franquiste détestable.

Amitiés pacifiques,

Guy

Jaume Cabré – Actes Sud – 304 p.

Les bottes suédoises

La suite des chaussures italiennes, ce livre représente une manière de testament pour Mankell, décédé en 2015 à l’âge de 67 ans.

Fredrik Welin, médecin à la retraite, vit reclus sur son île de la Baltique. Une nuit, une lumière aveuglante le tire du sommeil. Au matin, la maison héritée de ses grands-parents n’est plus qu’une ruine fumante.
Réfugié dans la vieille caravane de son jardin, il s’interroge : à soixante-dix ans, seul, dépossédé de tout, a-t-il encore une raison de vivre? Mais c’est compter sans les révélations de sa fille Louise et, surtout, l’apparition d’une femme, Lisa Modin, journaliste de la presse locale.

Méditation sur la solitude, la vieillesse, l’amour et la mort, sans l’air d’y toucher, l’auteur suédois nous laisse un livre linéaire, passionnant, et très humain.

J’ai lu ce livre après un titre de Victor Del Arbol, dont je vous parlerai bientôt. Cet auteur écrit des livres catalogués de choraux. La simplicité de Mankell fait merveille, comparée aux effets de manche du prénommé Victor.

Amitiés baltes,

Guy (15/11/2017)

Henning Mankell – Seuil – 368 p.

Suite et fin des aventures de Fredrik Welin, le chirurgien déchu des « chaussures italiennes », sur son île de la mer Baltique.
Le premier opus de ce diptyque avait fait l’objet d’un post sur ce blog il y a maintenant un peu plus de 7 ans. J’ai gardé un très bon souvenir de ce roman. A l’époque, j’avais effectivement noté qu’il devait y avoir une suite, mais à force d’attendre, j’avais fini par l’oublier. Et puis, le 5 octobre 2015, Henning Mankell est mort d’un cancer avec lequel il se bâtait depuis deux ans. En août 2016, Seuil a publié la traduction française des « bottes suédoises ».
Sur la forme, je trouve que le roman n’est pas très bien écrit. Il y a des lourdeurs et des scènes qui tombent comme un cheveu sur la soupe. Je n’ai jamais considéré que Mankell était un très grand écrivain, mais tout de même, c’était un écrivain confirmé et ses erreurs de débutant sont surprenantes. Ça sent un peu le bouquin ficelé à la va-vite, comme si son éditeur lui avait forcé la main alors qu’il agonisait. Peut-être même que d’autres mains se sont glissées dans l’ouvrage, ce qui expliquerait les erreurs.
Sur le fond, on retrouve l’univers des chaussures italiennes, c’est certain, mais les directions de l’intrigue s’entremêlent, nous plongent dans la confusion, tant est ci bien que l’on finit par ne plus savoir où l’auteur veut nous mener. Le titre est par contre bien trouvé. Esthétiquement, le roman est effectivement au premier opus ce que les bottes de jardinage sont aux Berluti.
Bref, « les bottes suédoises » a tout du succès de librairie assuré et publié dans l’urgence.
Je ne vais pas cracher sur les éditeurs : c’est leur métier, il faut bien vivre. Je peux comprendre Mankell et son souhait de laisser ses royalties à ses ayants droit.
Toutefois, « les bottes italiennes » ne sont pas la dernière image que je veux garder de Mankell. Il y a le commissaire Wallander bien entendu, mais je n’étais pas un grand fan. Je pense surtout à l’homme politiquement engagé, un engagement que l’on ressentait notamment dans l’excellent « tea-bag ». Et puis, « les chaussures italiennes », bien entendu. Je ne veux pas croire qu’il y ait une fin. D’ailleurs, « les bottes suédoises » n’en est pas vraiment une. Je pense que je vais essayer d’oublier ce livre, de penser qu’il n’était qu’un conglomérat de brouillons avec plusieurs pistes qui auraient pu être suivies par l’auteur, mais en aucun cas un roman finalisé. Je préfère continuer à attendre la suite des « chaussures italiennes »
Seuil
Août 2016
Édouard (10/07/2017)