Un homme

Critique publiée sur le blog le 27 mai 2013

L’histoire d’un homme, mais le titre original (Everyman) convient mieux. Le livre commence dans un cimetière. On y enterre un homme de 75 ans, dont on ne connaîtra le prénom que vers le milieu de l’ouvrage. Sa vie matérielle: plutôt réussie. Sa vie affective, un triple naufrage. Trois mariages, trois divorces. Deux fils indifférents, une fille adorable et adorée. Un frère à qui tout réussit. Philip Roth raconte une vie somme toute plutôt commune. Un homme. Sa force: stimuler l’attention du lecteur en provoquant son empathie.
Ses connaissances médicales sont stupéfiantes, et probablement autobiographiques, comme dans d’autres livres récents. On apprend tout sur les pontages, les stents, les symptômes cardiovasculaires. De façon
inhabituelle, les scènes de cul ne sont pas légion (ce qui devrait faire plaisir à une certaine amie à moi). Le vieillissement et la mort, thèmes évidemment peu propices à la galipette. Pour moi, voici un livre fort, profondément humain, et désespéré.
À vous de voir.
Amitiés obituaires,
Guy
Philip Roth – Folio – 182 p.

Le 10/02/2017

Relecture, après une dizaine d’années, de ce chef d’œuvre de Philip Roth.

Pas un mot à retirer.
Avec 10 ans de plus à mon compteur, le côté désespéré est encore plus marquant.
‘La vieillesse n’est pas une bataille, c’est un massacre’.
Et à propos de Everyman, le mot signifie plutôt: voilà ce qui nous attend tous.

Avec l’espoir fou de relire cet hymne à la vie dans 10 ans.

Amitiés fidèles au poste,

Guy.

La mort de la mort

À la fin des années 90, les perspectives que laissait entrevoir l’avènement d’internet couplé avec les progrès scientifiques tout particulièrement dans la génomique ont abouti sur l’idée que l’homme du futur n’aurait plus grand-chose à voir avec ce qu’il est aujourd’hui et qu’il serait donc un « post-humain ». Au dire des partisans de cette théorie, le post-humain se caractériserait par sa très forte interconnexion avec l’informatique qui en ferait une sorte de cyborg. Par ailleurs, cette créature (pas certain qu’on puisse encore parler d’individu à ce stade) serait dotée d’une longévité exceptionnelle qui le rendrait quasi immortel, ne pouvant rejoindre l’au-delà que par accident, assassinat ou suicide.

Nous n’en sommes pas là aujourd’hui. C’est pourquoi les partisans du « post-humaniste », déterminés à assurer son avènement, qualifient de « transhumaniste » la période séparant l’homo sapiens actuel du cyborg du futur. Le transhumanisme se résume en quatre lettres : NBIC. Ce serait en effet de la combinaison entre les Nanotechnologies, la Biologie, l’Informatique et les sciences Cognitives que devrait naître le post humain.

Force est de constater aujourd’hui que le monde évolue à une vitesse vertigineuse et que les progrès de l’informatique et de la génomique sont bien là. S’agissant des nanotechnologies et des sciences cognitives, les progrès sont moins médiatisés.

Comme toujours face à ces phénomènes, les attitudes des uns et des autres sont divisées : il y a ceux qui voudraient inverser la tendance, ceux qui pensent que rien ne doit entraver la marche du transhumanisme (dont Laurent Alexandre fait visiblement partie) et l’immense majorité qui tente de s’adapter aux transformations de la société sans attacher à celles ci, plus de crédit que leur valeur factuelle.

Je ne pense pas qu’un retour en arrière soit possible et je suis convaincu que des évolutions scientifiques majeures changeront effectivement l’être humain en profondeur. Ceci dit, l’abolition de tout garde-fou me semble extrêmement dangereuse. L’auteur fustige beaucoup l’Europe qui, selon lui, serait en passe de rater le tournant transhumaniste avec ses réserves bioéthiques, ce qui devrait la mettre à la traîne de la Chine et des États-Unis.

À tout bien réfléchir, le nazisme était un projet comparable au transhumanisme et ne s’en distinguait que par le contexte des années 30. Les nazis étaient eux aussi friands de ce qui était considéré alors comme des nouvelles technologies, notamment l’endocrinologie. Tout comme les nazis, les transhumanistes semblent particulièrement favorables à l’eugénisme et dans une certaine mesure à l’euthanasie sans prôner toutefois (au moins officiellement) l’extermination industrielle. Ces éléments expliquent certainement la position de l’Europe, plus échaudée que ces partenaires, qui doit rester un garde fou.

Pour ceux que le sujet intéresse, je conseillerais plutôt « le transhumanisme » de Béatrice Jousset-Couturier aux éditions Eyrolles qui m’a paru nettement plus sérieux.

 

Dr Laurent Alexandre

JC Lattès

2016

Édouard

La succession

Depuis de nombreuses années, le Toulousain Jean-Paul Dubois nous régale avec des livres doucement mélancoliques, et bourrés d’humour.
Il a fait attendre ses lecteurs fidèles pendant 5 ans, et le cru 2016 se montre digne de ses oeuvres précédentes.

Paul, prénommé comme la majorité des personnages de Dubois, est le fils d’un médecin peu conventionnel, et le petit-fils du médecin de Staline. Tous deux sont morts par suicide.
Paul a trouvé sa façon à lui d’échapper à cette malédiction: il est champion de cesta punta (pelote basque), et joue à Miami dans le circuit professionnel. Son diplôme de médecin lui semble parfaitement superflu.

Quand il doit retourner en France pour régler la succession de son père, il sera rattrapé par ses gênes, et il reprendra le cabinet de son père à son corps défendant. Avec toutes les conséquences que l’on devine.

Un livre qui sonne juste, et qui m’a pris aux tripes.
Peut-on échapper à son destin?
Sous un écran de fumée ironique, on trouve une série de questions existentielles.

Dans une interview récente, l’auteur réclame le droit à la dépression.
C’est probablement l’explication de son silence pendant 5 ans.
J’espère qu’il est bien soigné.

Amitiés méditatives,

Guy

Jean-Paul Dubois – Ed. Olivier – 234 p.

La fuite de Monsieur Monde

La grande force de Simenon: un monde en clair-obscur, avec les détails qui font mouche.
Norbert Monde dirige une société de transports.
Il quitte son bureau un soir, passe à la banque, et disparaît.
On le retrouve à Marseille, puis à Nice, où il se trouve un travail dans une brasserie interlope fréquentée par des amateurs de jeu et chair fraîche.
Il se met en ménage (boiteux) avec une jeune femme encore plus paumée que lui.
Au bout de quelques mois, il retourne chez lui, et se remet au travail comme si rien ne s’était passé.

Écrit en 1944, le récit n’a pas vraiment vieilli.
On ne peut pas reprocher à Simenon d’avoir le premier raconté une histoire de disparition.
La littérature et l’actualité se sont emparées de ce thème pendant les 70 ans qui ont suivi.
Mais je préfère quand même bon-papa Maigret et ses déductions rocambolesques.

Amitiés au commissaire,

Guy.

 

Georges Simenon – Poche – 188 p.