Gone girl

Nick et Amy, journalistes et écrivains new-yorkais, décident de se retirer dans le Missouri suite à un revers de fortune. Le matin de leur cinquième anniversaire de mariage, Amy disparaît. Très vite, les soupçons se portent sur le mari.

Ce film m’a beaucoup fait penser à un western, ce qui peut paraître surprenant à première vue puisque l’histoire se passe aujourd’hui, sans Stetson, sans Indiens ni longues chevauchées, sans regards silencieux interminables échangés entre des individus crasseux et sans musique crépusculaire.

Mais on est bien à l’ouest. Certes, il y a plus à l’ouest que le Missouri, mais le genre western est très peu friand de précisions géographiques : l’ouest, c’est ce qui n’est pas les grandes villes de la côte est. Les westerns ne s’arrêtent généralement pas non plus sur les raisons ayant poussées des individus à venir peupler des contrées hostiles, mais il est probable que tous ne soient pas venus par simple goût de l’aventure. Beaucoup sont probablement arrivés contraints et forcés comme Nick et Amy. Enfin, on y rencontre bien le lot classique de paumés, de barges et de petits délinquants.

Mais ce qui m’a fait songer au western, c’est le thème global du film qui est récurrent dans les films de cow-boys : la justice. Quel est le rôle de la justice et qui la rend ?

Tout le monde sait que le rôle de la justice n’est pas uniquement de punir l’auteur d’une infraction, mais est au moins autant de maintenir un équilibre social. Heureusement, les deux sont liés, mais on sait aussi que l’opinion publique a plus besoin de coupables que de vérité : toutes les sorcières brûlées au moyen âge et tous les innocents qui attendent leur heure dans le couloir de la mort vous le diront. La vérité, c’est une affaire d’avocats et donc une affaire d’argent. Cette réalité très noire, très désabusée est une des clefs de lecture du film.

Qui rend la justice ? Depuis La Fontaine, rien n’a vraiment changé, la raison du plus fort est toujours la meilleure, ce qui veut donc dire in fine que c’est le plus fort qui décide de ce qui est juste ou de ce qui ne l’est pas. Par contre « le plus fort » n’est pas toujours le même en fonction des époques et des cultures. Dans les westerns, mais aussi dans les films de gangsters, la force physique et brutale est beaucoup mise en avant. Toutefois, elle n’est pas suffisante et sans cerveau, elle serait de peu d’effet. « le plus fort » aujourd’hui c’est celui qui sait deviner les attentes de l’opinion publique et qui sait manipuler ceux qui in fine sont devenus les seuls juges, les seuls susceptibles de donner à l’opinion publique l’illusion que tout est rentré dans l’ordre, qu’ils n’ont plus à s’inquiéter : les médias. Tout le monde déteste Nick parce qu’il trompe sa femme, mais le jour où il vient s’excuser en pleurant à la télé, tout le monde l’adore. La voisine de Nick et Amy qu’ils connaissent à peine se fera un plaisir de se faire passer pour la confidente d’Amy. Elle deviendra populaire et personne ne mettra en doute ses déclarations…puisque ce sont celles de la meilleure amie.

Comme dit Renaud, « la mentalité est la même, y a que le décor qui évolue ».

Edouard

Rejoignez Azimut sur Facebook en cliquant ici et soyez prévenu de toute nouvelle publication.

 

The two faces of January

1962, Rydal (Oscar Isaac) vivote à Athènes en arnaquant les touristes jusqu’au jour où il croise la route de Chester MacFarland (Viggo Mortensen) ,un escroc de plus haut vol en voyage avec sa femme Colette (Kirsten Dunst).

Superbe adaptation du roman de Patricia Highsmith et magnifique mise en scène 60’s, très hitchcockienne (la musique fait beaucoup penser au maître). Trois niveaux de lecture.

Premier niveau, le film de truands avec violence, stress permanent, cavales et poursuites. Le rythme est haletant et on reste scotché de bout en bout. Les paysages de la Grèce et de la Turquie (le film se termine à Istanbul) des années 60 sont par ailleurs délicieusement vintage. Enfin, le soleil et la Méditerranée cristallisent le charme.

Deuxième niveau, Colette. Les deux hommes liés malgré eux l’un à l’autre la convoitent tous deux. A-t-elle vraiment un petit faible pour Rydal ou joue-t-elle cette comédie uniquement pour attiser la jalousie de son époux ? Peut-être aussi, comme le dit Chester, ne voit-elle dans Rydal qu’une porte de sortie inespérée qui lui permettra d’échapper à la spirale infernale dans laquelle le couple s’est engagé. Bien entendu, le scénario ne tranche pas et il reviendra à chacun de se faire sa propre opinion.

Troisième niveau, la relation qu’entretiennent les deux hommes. Tout comme « le talentueux Mr Ripley » (autre ouvrage de la romancière), ces deux hommes poursuivent une quête identitaire. On l’apprend au tout début du film, Rydal vient de perdre son père avec lequel il avait coupé les ponts. L’autobiographie servie au couple semble un peu romancée, mais cette histoire reconstruite et policée contient probablement quelques morceaux de vérité : il est peu vraisemblable qu’un père puisse obliger ses enfants à apprendre une nouvelle langue tous les mois, mais si ce n’est pas vrai, d’où lui vient son incontestable talent pour les langues ?

De l’histoire de MacFarland, on en sait encore moins. Le changement d’identité semble être devenu son quotidien et quand Rydal lui demande si « Colette » est le vrai prénom de son épouse, il se contente de lui jeter un regard condescendant. Chester déclame à un moment que son père était chauffeur routier. Bien entendu, on ne sait quel crédit accorder à cette affirmation qui a surtout pour but de mettre en évidence une qualité de self-made-man dont il est particulièrement fier. Entre ces deux déracinés, un lien étrange va se créer. Pour Rydal, Chester est un rival, une proie, mais aussi un aîné (une bonne quinzaine d’années sépare les deux hommes) qu’il admire est dans lequel il voit peut être un père de substitution (il se fera d’ailleurs passer pour son fils pour détourner l’attention des douaniers). Pour MacFarland, Rydal est un bleu, un rival de pacotille qu’il pourrait briser d’une pichenette, mais peut-être aussi un élève doué pour lequel il a une certaine affection.

Bref, un joli film très bien taillé : un travail d’orfèvre.

Edouard

Rejoignez Azimut sur Facebook en cliquant ici et soyez prévenu de toute nouvelle publication.

Dans la maison

Germain (Fabrice Luchini) est prof de français. Comme tous les ans à la rentrée, il se désole sur la pauvreté des productions littéraires de ses élèves. Une rédaction écrite par un certain Claude attire cependant son attention tant pour ce qui concerne la forme que le fond : la qualité stylistique est incontestable, mais les faits qu’elle relate et qui concernent Rapha, un autre élève de la classe, sont pour le moins troublants. Une étrange relation va alors s’établir entre Germain et Claude.

Le dernier Ozon est un très bon cru. Le réalisateur monte d’un cran dans son système scénaristique consistant à intégrer un élément perturbateur dans un cadre bien tranquille et d’observer les dégâts. Cette fois-ci, le noyau cible (la famille de Rapha) se rebellera et la victime sera celui qui a voulu jouer les apprentis sorciers : Germain.

« Dans la maison » est aussi un film qui lance trois pistes intéressantes sur l’écriture.

Les rapports entre réalité et écriture tout d’abord. Claude écrit merveilleusement bien pour son âge, mais il est incapable de s’abstraire de la réalité. Il ne peut décrire que ce qu’il voit. Germain mettra toute son énergie pour l’aider à sortir de cette ornière.

Le besoin d’écrire de certaines personnes qui souffrent de leurs difficultés à prendre la plume. Germain se sent écrivain raté et voit en Claude le moyen de réaliser son rêve en devenant son Pygmalion. C’est un personnage qui a laissé tomber l’éponge en qui sa femme (Kristin Scott Thomas) croit plus que lui même.

Le mystère des origines de la vocation d’écrivain enfin. Claude a un talent qui demande à être développé, mais qui n’en est pas moins incontestable. Il utilise cependant cette capacité dans un seul but : s’approprier la famille de Rapha d’une manière un peu chamanique comme les sorciers préhistoriques qui dessinaient des Mammouths sur les parois des cavernes.
La mère de Claude est partie et l’a laissé seul s’occuper d’un père handicapé. Il est fasciné par la « normalité » de la famille de Rapha et voudrait pouvoir l’intégrer par tous les moyens. La passion qu’il voue à la mère (Emmanuel Seigner)de son camarade en est l’aspect le plus criant.

Claude est en fait beaucoup moins cynique et beaucoup plus « normal » qu’il n’y paraît. C’est un ado blessé et ultrasensible capable de témoigner une véritable affection. Il aura eu de la chance finalement. En rencontrant Germain, mais aussi en rencontrant la mère de Rapha qui lui fera comprendre que son rêve est illusoire. Ce n’est qu’en l’admettant qu’il trouvera sa vraie vocation d’écrivain.

Un très beau film que je reverrai avec plaisir quand il sortira en VOD.

Edouard

Rejoignez Azimut sur Facebook en cliquant ici et soyez prévenu de toute nouvelle publication.

J’ai rencontré le diable

Dans la banlieue de Séoul, une jeune femme tombe en panne sur une route enneigée et attend la dépanneuse en téléphonant à son fiancé pour tromper son angoisse…

La suite immédiate, vous la connaissez. Elle va tomber sur :

1- Un raton laveur ?
2- Une dépanneuse ?
3- Un serial killer ?

Bravo, c’est effectivement la réponse 3.

J’aurais dû me méfier d’un titre aussi pourri, mais une fois de plus, je me suis laissé influencer par les deux T noirs de Télérama et peut être aussi par la nationalité du cinéaste : c’est quoi un thriller coréen ?

Dire que j’ai été déçu serait un euphémisme. Dire que j’ai été révolté serait faire trop d’honneur au réalisateur.

La suite de l’agression de l’oie blanche en panne dans la neige n’est qu’une surenchère dans l’horreur et dans l’ultra violence. Le fiancé va bien entendu se lancer à la poursuite de celui qui a violé, torturé et découpé sa fiancée en morceau avant d’envoyer le tout à un confrère cannibale. Eh oui, pour faire disparaître un corps, rien de mieux que d’avoir un copain volontaire pour boulotter vos victimes (l’histoire ne dit pas s’il mange aussi les os).

Bref, le scénario ne casse pas trois pattes à un canard laqué et semble avoir été imaginé par un pré ado qui aurait lu trop de mangas. Alors on peut dire : oui, mais c’est du cinéma coréen, on ne peut pas tout comprendre. C’est certainement ce qui lui a valu les deux T noirs de Télérama. Nul doute que si le film avait été réalisé par un américain ou un français, il n’aurait pas eu la même note.

À mon avis, le film aurait dû être retravaillé en profondeur. Il y a quelques idées qui, à mon sens, auraient dû mieux être exploitées. Il y a aussi un certain humour qui fait curieusement penser à celui des frères Coen, mais qui est malheureusement noyé sous un flot d’hémoglobine et de chair humaine: le serial killer se faisant prendre en stop par deux autres serials killers qui sortent d’on ne sait où ; le type qui essaie de retirer un couteau qu’on lui a planté dans la main et qui descelle le manche…

Un film qui m’apprendra surtout à me méfier des TT de Télérama.

Edouard

Rejoignez Azimut sur Facebook en cliquant ici et soyez prévenu de toute nouvelle publication.

Buried

Irak, 2006. Paul Conroy, 34 ans, employé d’une société privée de convoyage, reprend connaissance dans une grande caisse en bois qui a tout d’un cercueil. Pour communiquer vers l’extérieur, il ne dispose que d’un téléphone portable.

Le scénario est archisimple et l’idée est séduisante. Depuis « Kill-Bill », les scènes dans lesquelles le héros est enterré vivant sont devenues cultes et ne se limitent plus aux films d’horreur. L’idée de faire un film entièrement sur ce sujet était audacieuse.

La première minute du film, qui se déroule dans le noir, est particulièrement éprouvante. On est bien dans la veine de Tarantino et l’on est presque déçu de ne pas voir Uma Thurman lorsque le Zippo de Conroy finit par s’allumer.
Après le premier quart d’heure qui réussit à maintenir le suspens, on commence à se demander comment Rodrigo Cortès va s’y prendre pour nous tenir en haleine pendant les 80 minutes restantes. C’est alors qu’intervient le téléphone portable et le film se met petit à petit à quitter l’univers du thriller pour glisser vers une critique de l’intervention américaine en Irak. Plus on progresse dans l’intrigue, moins on pense à « Kill-Bill» et plus on pense à « No man’s land » du bosniaque Danis Tanović qui dénonçait en 2001 l’absurdité du conflit yougoslave.
Plus le film progresse et moins on sait plus sur quel pied danser, n’y où on est, au propre comme au figuré. En effet, les activités étant nécessairement limitées dans un cercueil, le réalisateur joue un peu avec les dimensions de la caisse pour servir le scénario.

L’idée de « Buried » est originale, mais la mise en scène souffre incontestablement d’un manque de savoir-faire (c’est peut-être aussi l’acteur qui est pas très bon). L’avant-dernière scène, à la limite du supportable, l’est d’autant moins que l’on ne comprend pas bien son utilité. Incapable de nous faire ressentir l’angoisse croissante de Paul, le réalisateur se sent obligé d’ajouter du trash au trash.

Bref, « Buried » sonne comme un pari raté au terme d’une soirée trop arrosée, à l’issue de laquelle Cortès aurait reçu le gage de réaliser un film dont l’intrigue se déroulerait entièrement dans une caisse en bois. En l’occurrence, je trouve le résultat très moyen. Il est vrai cependant qu’il est difficile d’avoir un avis définitif sur un genre qui, à ma connaissance, n’a d’égal que le vidéo-clip de « close to me » des Cure, qui se passe intégralement à l’intérieur d’un placard. Peut-être que d’autres réalisateurs tenteront l’expérience, donnant ainsi naissance à un nouveau genre cinématographique : le « close-movie ».

Edouard

 Rejoignez Azimut sur Facebook en cliquant ici et soyez prévenu de toute nouvelle publication