Histoire d’une vie

Une autre façon de voir la Shoa. Erwin a 7 ans quand commence la guerre. Il passe d’une enfance choyée au ghetto, les camps, la fuite dans la forêt, puis camp de transit et direction Israël.

C’est par les sensations, les odeurs et la contemplation qu’il nous raconte son long cheminement vers l’âge adulte.

Sa mère a été assassinée dans le ghetto. Il a fait une longue marche avec son père pour arriver dans le camp puis ils sont séparés. En 1941, il réussit à s’enfuir et vit dans la forêt. L’hiver, il travaille dans de petites fermes, souvent battu et mal nourri. Il se referme de plus en plus sur lui-même. Tout est dans les sens, plus dans la parole. Il a énormément de mal à s’intégrer en Israël. Il parle l’allemand, langue de ses parents, le ruthène, celle de la femme de ménage et le yiddish de ses grands-parents pratiquants. Il ne se reconnaît en rien dans cette nouvelle langue ; l’Israélien et il a du mal à l’apprendre. C’est ainsi qu’il deviendra l’un des plus grands écrivains israéliens. Pour quelqu’un qui a du mal à parler et du mal à apprendre l’hébreu, il a quand même écrit une quarantaine de livres et a obtenu le Prix Médicis pour celui-ci.

« Les pages qui suivent sont des fragments de mémoire et de contemplation. La mémoire est fuyante et sélective, elle produit ce qu’elle choisit. La mémoire, tout comme le rêve saisit dans le flux épais des évènements certains détails, parfois insignifiants, les emmagasine et les fait remonter à la surface à un moment précis. »

Beaucoup de non-dits, des faits anodins, des répétitions, mais il avait entre 7 et 13 ans pendant la guerre. C’est très bien qu’il n’ait pas « traduit » en adulte ses souvenirs et n’en ait pas fait un mur des lamentations.

La Martine

APPELFELD Aharon
Ed. de l’Olivier, 2004 (1999), 238 p.

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Il faut tuer Chateaubriand

Journaliste, écrivain, mais surtout homme politique (je l’ai connu comme maire de Toulouse), j’ai longtemps hésité à lire du Baudis.

Ces romans n’ont rien d’exceptionnel ; une histoire sur fond d’Histoire, mais ils font passer un bon moment.

Il y a longtemps, j’avais lu « Raimond le cathare » et « La conjuration » qui nous promenait dans les croisades. Avec « Il faut tuer Chateaubriand ! » nous voilà sous Napoléon et la conquête de l’Égypte.

« En quelques lignes, dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand raconte un étrange épisode : il essuie une salve de coups de feu alors qu’il descend le Nil en felouque. A-t-on cherché à tuer Chateaubriand et pourquoi ? À partir de cette mention fugace, Dominique Baudis échafaude un extraordinaire roman d’aventures autour des soldats perdus de l’Expédition d’Égypte. »

Déodat Dureau, enfant trouvé, élevé par un cordonnier de Toulouse après quelques aventures se retrouve esclave sous Méhémet-Ali et sous le nom d’Abdallah de Toulouse. Avec Ibrahim de Tarascon, Sélim d’Avignon, Youssouf de Picardie, Gamal de Rodez, Anouar de Carcassonne, ils deviennent les « Français du Pacha » et font la guerre pour lui. Cet à ce moment là que Chateaubriand débarque au Caire, reçu chez Abdallah et qu’il sèmera la panique.

Pas étonnant que M. Baudis ait été Président de l’Institut du Monde arabe et ait participé à nombre de commissions avec les pays du Mashrek. Il y a longtemps que c’est un spécialiste du sujet si j’en juge d’après ses livres.

Ses personnages sont toujours hauts en couleur et leurs aventures toujours très prenantes. On s’y croirait !!!

La Martine

BAUDIS Dominique
Grasset, 2003, 311 p.

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Tu ne parleras point

Chapeau bas à LCP. À l’heure où la France entière a les yeux rivés sur des élections dont on ne peut plus dire grand-chose pour cause d’égalité entre les candidats et dont nous connaissons déjà l’issue (au dire des sondages), la chaîne a fait le choix de raconter l’histoire de Pierre-Etienne Albert : moine pédophile aux 57 victimes.

Fin des années 70, une communauté religieuse dans laquelle cohabitent moines, prêtres et familles avec parents et enfants voit le jour : la communauté des béatitudes. Pierre-Etienne, ancien drogué devenu moine, un « saint homme » qui a su se racheter, en devient l’icône :.

La suite, on pense la connaître : une succession d’actes pédophiles couverts de plus en plus difficilement par une hiérarchie ecclésiastique, à mesure que les langues des victimes et des témoins se délient.

Il y a un peu de ça, mais ce qui est sidérant, c’est le témoignage de Pierre-Etienne lui-même.
En le voyant avec sa petite voix aigrelette, presque toujours au bord des larmes, je n’ai pu m’empêcher de penser au Norman Bates de la scène finale de Psychose.
Pierre-Etienne n’essaiera jamais d’échapper à la justice. D’abord, protégé par la communauté, puis par l’évêché, il le sera finalement par le procureur qui décidera de classer l’affaire sans suite. Finalement, il faudra l’intervention du Vatican pour qu’il soit condamné à cinq ans de prison fermes.

Mais dire que Pierre-Etienne a été protégé n’est pas vraiment exact.

En début d’émission, j’ai été un peu surpris par l’attitude du moine qui semblait en vouloir à tous ceux qui lui avaient permis d’échapper à la justice. Avec le témoignage de Muriel, la première femme de la communauté à avoir compris sa pathologie, j’ai commencé à comprendre… Muriel remarquera tout de suite que son comportement avec les enfants n’est pas un comportement d’adulte. Elle ne le traquera pas : il se livrera sans aucune résistance. Chez elle, il trouvera une âme déterminée à le condamner et à l’empêcher de nuire, un luxe que tous semblent lui refuser, au nom de la sauvegarde de l’image de la communauté, au nom du « qu’en-dira-t-on ». Ce n’est donc pas l’un contre l’autre, mais ensemble qu’ils se battront pour que justice soit faite. Dans leur démarche, ils seront aidés par un autre prêtre qui pour cette raison et comme Muriel sera mis au ban de la communauté des béatitudes.

L’histoire de Pierre-Etienne n’est donc pas tant l’histoire d’un monstre que c’elle d’un homme qui a conscience d’une monstruosité qu’on lui demande de taire… tous les crimes ne sont visiblement pas répertoriés dans le Code pénal.

Edouard

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Paradis inhabité

« À ma naissance, mes parents ne s’aimaient plus. Cristina, ma sœur aînée, était alors une peste. Quant à mes frères, Jéronimo et Fabian, jumeaux boutonneux, ils se moquaient pas mal de moi. Aussi, les premières années de ma vie furent-elles solitaires. »

C’est ainsi que commence l’histoire d’Adri (Adriana). Elle n’est pas consciente de sa solitude, mais l’exprime par des rêves, des visions qu’elle est seule à voir. Elle a l’impression que personne ne la comprend et que personne ne l’aime jusqu’au jour où elle rencontre un jeune garçon, seul, lui aussi et lui aussi, élevé par un domestique, Gavri (Gavrila). Nous sommes en Espagne, à Madrid, dans un milieu bourgeois, conservateur et religieux, donc très rigide et à la veille de la guerre civile.

Mais laissons place au rêve, car la jeunesse, c’est comme la licorne, ça ne revient jamais.

J’ai beaucoup aimé ce livre plein de délicatesse, de paillettes, d’anges, de voiles, de nuages, d’or, de lumière et de fuyante licorne.

La Martine… très fleur bleue, en ce moment…

Ana Maria MATUTE

Phébus (domaine étranger) 2011 (2009) 283 p.

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Disgrâce

Chef d’oeuvre, par le titulaire du Prix Nobel 2003.

Le professeur David Lurie enseigne à l’université du Cap. Âgé de 52 ans, divorcé deux fois, sa vie sexuelle cahotante le satisfait jusqu’au jour où il rencontre et séduit une jeune étudiante, qui l’accusera de harcèlement sexuel. Il démissionne, et se réfugie chez sa fille Lucy, qui dirige une petite ferme au milieu de nulle part. Leur vie à tous deux basculera quand ils seront violemment agressés.
L’Afrique du Sud décrite par Coetzee porte les séquelles de l’apartheid. Les habitants de race blanche paient comptant les erreurs de leurs prédécesseurs. Le dialogue interracial est difficile, sinon impossible. Peu de personnages sympathiques dans ce roman où règne pourtant un humanisme entraînant.

Il y a du Philip Roth dans Coetzee, l’élégance en plus.
Amitiés afrikaners,

Guy.
John Maxwell Coetzee
Points – 273 p.

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