Profanes

Née de père algérien et de mère italienne, cette estimable écrivaine manie une langue
épurée. Elle anime des ateliers d’écriture, et je ne me permettrais pas de critiquer son style.

Pour ce qui concerne l’histoire, tirée par les cheveux, de ce vieux chirurgien sentant venir sa fin,
je serai plus réservé.

Comme dans une salle d’opération il se compose une équipe de quatre personnes. Chacune s’occupera de lui 6 heures par jour. Quand on connaît le caractère de cochon de la majorité des chirurgiens, on ne  peut que rendre hommage à ces quatre courageux qui relèvent le gant. Fin de parenthèse.

On apprendra que la vie de ce nonagénaire ne fut pas un long fleuve tranquille. Sa fille a disparu dans un accident de voiture, sa femme Québécoise l’a quitté et sa maison garde les traces de ces vies brisées. Le quatuor essaiera vaille que vaille de se trouver une niche dans ce sarcophage.

Quelques moments de poésie, une bizarre impression de bricolage. Dommage pour un chirurgien du cœur.

Amitiés palliatives,

Guy.

Profanes – Jeanne Benameur –  Babel – 274 p.

DAESH est en nous

Comme notre société de consommation, DAESH se nourrit de nos frustrations. Il donne un sens à la vie de tous les détraqués de la planète, tous ceux qui n’ont plus de repères, qui n’ont plus rien à perdre. Comme notre société de consommation, DAESH se nourrit du spectaculaire, des clichés faciles et présente la vie comme un jeu vidéo. Certains chassent les Pokémons, d’autres chassent les infidèles. Le concept est juste un peu différent et ceux qui jouent à DAESH sont juste un peu plus fêlés que les premiers.

La machine est lancée et on ne sait plus comment l’arrêter. Je doute que DAESH en soit capable. Il continuera à revendiquer les attentats et finira par ne plus connaître ses « amis DAESH », ne pourra plus les contrôler, fera semblant et se contentera de les « liker ».

A-t-on déjà perdu le pilote de l’avion DAESH? Peut-être. On l’a d’abord cru avec le chauffeur de Nice puis il s’est avéré que l’ « islamisation rapide » était moins évidente. A ce titre, les médias se sont bien gardés d’insister sur leurs contradictions. Ceci dit, l’attentat était prémédité, mais y a-t-il un lien avec DAESH ? Et l’égorgement du prêtre de Saint Étienne de Rouvray, qu’a fait DAESH ? Ce qui me semble clair, c’est que ces jeunes paumés cherchent un label DAESH qui leur donnera quelques minutes de « gloire » posthume.

Je ne vois pas quel pourrait être l’intérêt de DAESH à commanditer l’égorgement d’un prêtre dans une petite ville de province. Ce qui est clair, c’est qu’à chaque étape dans l’horreur, il se coupe de plus en plus de la communauté musulmane qui, je l’espère, va enfin se soulever pour écraser ce cancer qui la ronge. Aurait-il pu dire « Ah non, celui-là, c’est pas moi » ? Pouvait-il se taire ? Je ne pense pas. Avec un meurtre d’une telle puissance symbolique, DAESH était obligé de revendiquer sous peine de reconnaître implicitement qu’il ne maîtrisait plus rien.

Je veux m’opposer à tous ceux et toutes celles qui vomissent sur « les gouvernements successifs ». C’est bien français de tout faire porter par le gouvernement quand les choses ne vont pas, ça permet de ne pas se remettre en question, de ne pas se demander si nous n’avons pas notre part de responsabilité. Les gouvernements successifs, qui ont su très bien aussi nous faire croire qu’ils maîtrisaient une machine emballée, ont bien entendu eux aussi leur part de responsabilité, mais ne leur mettons pas tout sur le dos.

Ce n’est pas uniquement aux dirigeants de combattre DAESH, mais à nous tous, musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes, agnostiques, athées ; quelles que soient nos professions, nos convictions et nos origines.

Quand le label DAESH ne sera plus, quand tous les désorientés de la Terre s’apercevront que leurs crimes ne garantira plus la « Une » au JT du 20h, quand DAESH ne rendra plus « populaire », sans doute arrêteront-ils.

Edouard

Crime et châtiment au moyen âge

Comment s’est construit le droit pénal français entre la chute de l’Empire romain et la découverte de l’Amérique ? Comment le droit germanique de type accusatoire et le droit romain, associé au droit canon de type inquisitoire, vont entrer en conflit pour finalement se compléter et construire les bases de notre  système pénal moderne ?

L’image de la justice pénale au moyen âge véhiculée dans la pensée collective est généralement présentée comme le bras armé cruel et arbitraire d’une société fantasmée dominée par la violence.

Si cette image a été largement cultivée à partir du XIXe siècle pour mettre en valeur les bienfaits des Lumières et de la Révolution sur une société rongée par l’obscurantisme, il n’en demeure pas moins que dans les faits, 1789 aura eu une influence très relative sur le système pénal. Toutefois, il est vrai que dans sa longue maturation, la justice pénale a traversé des étapes difficilement compréhensibles pour un homme du XXIe siècle.

La société médiévale est incontestablement plus violente que la nôtre, en partie du fait de sa jeunesse. L’homme du moyen âge, souvent armé, est impulsif. Valérie Toureille consacre plusieurs pages à la place de la guerre dans cette violence. De nombreux brigands étaient ainsi d’anciens soldats désœuvrés et sans ressources que la paix laissait sur le carreau. Le compagnon de Jeanne d’Arc Gilles de Rais alias « barbe bleue » évoqué à plusieurs reprises illustre par ailleurs la dimension criminogène du fait guerrier.

La pratique courante des mutilations avec l’ablation du nez et des oreilles et le jugement de Dieu des Mérovingiens qui laissait des séquelles irréversibles, même s’ils répondaient à des logiques particulières, ne peuvent que provoquer l’effroi. La peine de mort était au centre du système répressif dans lequel l’emprisonnement avait une place tout à fait secondaire. Le plus souvent considérée comme un simple lieu de passage, l’incarcération n’était liée à aucune démarche de réinsertion qui reste un concept ultra moderne. L’aspect effroyable des supplices publics avait surtout une vocation dissuasive et comme le souligne l’auteur, la corde cassée du pendu ou la hache du bourreau qui ratait son coup étaient particulièrement appréciées des spectateurs qui y voyaient une manifestation divine.

La justice pénale médiévale pouvait sembler arbitraire d’un point de vue « macro ». Elle était en fait très éclatée entre la justice du seigneur, celle de l’Église et celle du citadin qui obéissaient à des logiques différentes. L’agencement de ces juridictions, associé à la montée en puissance de l’état centralisateur à la fin de la guerre de Cent Ans au XVe siècle, forgera les bases notre système pénal. L’évolution des mentalités fera le reste.

Edouard

Crime et châtiment au moyen âge

Valérie Toureille

Seuil

You shall not pass !!

Ce serait faire trop d’honneur à Deach de le comparer à Sauron, je trouve que l’image du Balrog lui va bien. Ne baissons pas la garde, ne nous laissons pas envahir par la lassitude, par le « à quoi bon » ? Poursuivons la lutte, en premier lieu pour les victimes et leurs familles, mais aussi pour les forces de sécurité qui ne baisseront pas la garde, pour les militaires qui se battent en Syrie, pour les étrangers et binationaux qui vivent dans notre pays, qui n’ont rien à voir avec l’islamisme et sont pourtant eux aussi éclaboussés à chaque attentat.

Ne nous laissons pas envahir par la haine et par les schémas simples. J’invite tous les lecteurs de ce blog à se procurer « qui est l’ennemi ? », l’ opuscule très clair et très didactique écrit par Jean-Yves Le Drian qui explique pourquoi la guerre ne sera pas éclair et pourquoi la victoire définitive restera toujours incertaine.

Combien de camions encore, combien de kamikazes, combien de victimes innocentes ? Combien de temps encore ? Des mois ? Des années ? Personne ne le sait, mais ce qui est certain, c’est que nous sommes dans une guerre d’usure. Le perdant sera celui qui aura abandonné le premier.

Alors, ne nous détournons pas de l’horreur et regardons les choses en face. Ne les laissons pas voler le 14 juillet. Ne sombrons pas non plus dans le populisme et je salue à ce titre l’initiative de Teresa May consistant à mettre les Brexiteurs aux commandes, on verra s’ils continuent à dire que tout est simple (mettre aux affaires étrangères, Boris Johnson qui a insulté la quasi-totalité des chefs d’État de la planète, il fallait le faire).

 

Ne doutons pas de nous, préférons le « We’ll do it » au « Yes we can ».

La question du terrorisme aura une place majeure dans la campagne présidentielle de 2017. Puissent les chefs des partis de gouvernement être inspirés. On ne lâche rien !

 

Edouard

Maman a tort

Auteur à succès, Michel Bussi vend des centaines de milliers  de livres. Celui-ci pourrait être intitulé ‘La psychologie pour les nuls’.

Le petit Malone (3 ans 1/2) n’arrête pas de déclarer que sa maman n’est pas sa vraie maman. Un psychologue scolaire dénommé Vasili Dragonman(!) le prend au mot, et entame une enquête

En parallèle, une commandante-flic dénommée Marianne Augresse(!) enquête sur un holdup sanglant qui a eu lieu au Havre.

Ces deux-là vont se croiser au fil des pages, avec des réussites diverses, et l’intérêt flottant du lecteur.

En plus du psy bellâtre et de la fliquette en mal d’enfant, on croisera une coiffeuse machiavélique, des descendants de mineurs polonais des corons du Nord, et une série de personnages plus ou moins construits.

Tout cela n’est pas fort crédible, et je suis convaincu que l’auteur vaut plus que ce micmac psychologique à la sauce école gardienne.

Amitiés pampers,

Guy.

Maman a tort – Michel Bussi – Pocket – 543 p.

Le mariage de plaisir

Chez les musulmans, le mariage de plaisir est un contrat provisoire pour ceux qui partent en voyage.
Cela leur évite la fréquentation des prostituées.

Amir habite Fès, il part au Sénégal, et il rencontre à Dakar Nabou, une sculpturale Peule, qui l’initie
à l’amour sans barrières.  Il tombe amoureux, et la ramène dans son pays, où elle aura beaucoup de peine à s’imposer dans une société où pourtant la polygamie est tolérée. Elle donnera naissance à deux jumeaux, un blanc et un noir.

Ceci pour l’anecdote. Mais ce beau livre va beaucoup plus loin. D’abord le texte, d’une simplicité poétique magnifique. Ensuite, la description d’une société où le racisme n’a rien à envier au nôtre.
La couleur de la peau se révèle une barrière presque impossible à franchir. La destinée des jumeaux, le Blanc et le Noir, présente de manière symbolique la césure entre la misère de l’Afrique, et la (relative) aisance du Maghreb. Un livre qui jette un éclairage inédit sur les événements récents en France d’abord, en Belgique ensuite. L’islam, ce ne sont pas quelques voyous s’envoyant en l’air avec des explosifs. Le contentieux remonte presque aux Croisades 😉 Ben Jelloun ne manque pas de parsemer son récit d’allusions à l’occupation française (et belge) de l’Afrique.
Voilà un homme cultivé, pratiquant une langue ciselée, qui peut nous en apprendre beaucoup, sur son pays, et les nôtres.

Amitiés envoûtées,

Guy.

Le mariage de plaisir – Tahar Ben Jelloun Gallimard – 261 p.