Le temps de la sorcière

Einar, reporter au « journal du soir » de Reykjavik, est envoyé à Akureyri, une ville du nord de l’Islande où plusieurs personnes ont trouvé la mort dans d’étranges circonstances.

Après les Suédois Stieg Larsson (millenium) et Henning Mankell, je poursuis ma découverte des polars vikings avec l’islandais Arni Thorarinson.

Première grosse difficulté : les noms propres. Ils ont tous des prénoms imprononçables qui semblent échappés du seigneur des anneaux et se ressemblent beaucoup. Aucune indication pour savoir si un prénom et féminin ou masculin. Pour couronner le tout, pas de nom de famille. Juste le prénom du père auquel on ajoute « son ». Bref, impossible de savoir qui est qui pendant les 200 premières pages.
À cela, s’ajoutent un style un peu lourdingue (faute du traducteur ?) et une intrigue qui progresse à la vitesse d’un glacier tétraplégique.

Pas d’elfe, pas de troll, mais une perruche avec laquelle Einar entretien d’étranges relations.

À la page 350, me voilà sur le point de jeter l’éponge quand arrive la blague d’Asbjörn, le chef d’Einar (que j’ai péniblement fini par identifier). Ce n’était pas sa première blague, mais les autres étaient super pourries et je ne savais pas s’il fallait les prendre au premier ou au second degré. Celle de la page 350 est très drôle. Bien grasse, mais très drôle.

M’étant bien marré, je décide d’essayer de voir le roman sous un autre angle. À mesure que se profile le dénouement, je me rends compte que les elfes et mes trolls sont bien là, mais qu’aujourd’hui, on les trouve plus facilement dans une pièce de théâtre ou dans la tête d’un déséquilibré qu’au fond d’un fjord. Je perçois ainsi mieux le message de Thorarinsson qui dénonce la disparition de la culture islandaise dans le flot de la mondialisation.

Tout est donc perdu ? Peut être pas. La fin est assez rude. Une rudesse qui fait très…viking. Ainsi, comme après le ragnarök (fin du monde) de la mythologie nordique, un Nouveau Monde sort du chaos, un monde dans lequel Björk et Thorarinsson remplacent Thor et Odin.
Le temps de la sorcière
Arni Thorarinson
Points
2007

Edouard

 

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wasabi et sirop d’érable

Le 9 mars 2011, s’est ouvert 42 rue Linois un restaurant au nom très peu français : « japanDaily ».
Encore un japonais comme il y en a tant dans Paris !? Avec sa sempiternelle soupe miso, sa petite salade et ses menus aux noms romantiques de « menus A, B, C, D, E, F, G… » !!? Pour en avoir le cœur net, je suis entré. J’ai d’abord été frappé par le cadre. Deux rangées de tables tête bêche séparée par un muret dans lequel sont encastrées de petites télés. C’est un self. Ici, pas de soupe miso ni de « menu à lettre », mais des barquettes préremplies dénommées « Bento » et un grand assortiment de sushis et de makis. J’opte pour le « menu bento » avec une barquette, une boisson, un dessert.
Je prends ma barquette et je passe devant les desserts… des brownies, des muffins et autres pâtisseries nord-américaines. Je m’arrête une seconde et me retourne : où suis-je tombé ? En arrivant à la caisse, une voix féminine avec un léger accent québécois me demande 8€. Elle est souriante, sans façon et vient effectivement de Québec. Où suis-je ?
Le site de « japandaily » explique le concept qui est de recréer un environnement typiquement tokyoïte. N’étant jamais allé au Japon, j’ai du mal à apprécier. Cependant, il est certain qu’il y a une ambiance que l’on trouve difficilement en France, une ambiance que, faute de mieux, je rattache à l’Amérique du Nord. Une autre conception de la nourriture et du repas. Après tout, dans la « planète-village » dans laquelle nous vivons aujourd’hui, je ne serais pas étonné que le Tokyoïte moyen se gave plus souvent de muffins que de soupe-miso.
Pour terminer, je prends mon café à une machine « Nespresso ». En regardant couler le liquide, je dresse l’oreille en espérant entendre un « What else ? ». Y faut pas pousser.
En sortant, je me retrouve bien dans le quinzième. Pour 8€, je me suis senti l’espace d’une demi-heure, passager d’un long courrier entre New York et Singapour, comme le businessman de starmania, Je n’ai pas été déçu du voyage. Ce n’était pas très très raffiné, mais tellement dépaysant !!

Edouard

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Blacksad

Le détective Blacksad traque le meurtrier d’un ancien amour.

Il est rare de pouvoir résumer un scénario en une phrase, c’est pourtant possible avec cette BD au graphisme époustouflant qui nous vient d’outre Pyrénées.

Lecteur très occasionnel de BD, mon univers se limite aux albums de Benoit Sokal, le père de Canardo et à ceux de Jacques Tardi.

Les personnages anthropozoomorphes de Blacksad rappelant ceux de l’univers de l’inspecteur à tête de Canard, j’ai été naturellement attiré par l’album

Ici, fini la « ligne claire » de Canardo. Bienvenue au graphisme fouillé, aux personnages ultras expressifs, aux couleurs aquarellées, aux jeux de vignettes vertigineux…

Alors, out Canardo ? Graphiquement, il est certain que la « ligne claire » ne peut plus aujourd’hui prétendre régner sur l’univers de la BD.

D’un point de vue scénaristique, j’ai regretté de ne pas retrouver le sens de l’autodérision de Sokal, ici remplacé par un triptyque « sangre, lagrimas y corazὁn » un peu manichéen.

J’ai regretté que Blacksad soit un chat et non un canard, cet animal un peu stupide et si attachant. J’ai regretté le caractère trop parfait du héros de Canales et Guarnido, trop lisse, trop parfait, trop intègre, peut être un peu moins réussi graphiquement que d’autres personnages secondaires. J’aurais aimé le voir pisser, boire une bière ou manger un sandwich, histoire que je puisse un peu m’identifier à lui.

Blacksad reste quand même une prouesse graphique. Si je me souviendrai du sourire narquois d’une femme de chambre-souris et de l’air désabusé d’un orang-outan guitariste. Si je me souviendrai aussi de l’utilisation d’un filtre rouge pour signifier le flash-back ; je n’oublierai jamais cette vignette extraordinaire dessinée en contre-plongée sur la totalité d’une page, montrant le détective dormant dans un appartement dévasté, à côté du cadavre de son agresseur.

Blacksad
Guarnido-Canales
2010

Edouard

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Minuit à Paris

Un jeune couple d’Américains passe ses vacances à Paris. Lui tente de terminer son premier roman et espère que l’air de la ville lui apportera l’inspiration qui lui fait cruellement défaut. Elle, accompagnée de ses parents, ne pense qu’aux préparatifs de leur mariage. Elle se plonge dans les guides touristiques. Lui se plonge dans le Paris des arts et des lettres des années 20.

Difficile de classer « minuit à Paris » dans la filmographie de Woody Allen. Les codes habituels du cinéaste y sont à peine esquissés et s’effacent derrière l’acteur principal du film : Paris. Woody ne semble plus se soucier de vraisemblance et de cohérence. Tout n’est que rêve, les individus se croisent comme par magie et leur rôle exact dans l’intrigue est imprécis. Le personnage joué par Carla Bruni est à cet effet caractéristique. Guide ? Traductrice ? C’est un « passeur », un « pont » qui permet de faire le lien entre les deux rives de l’atlantique, entre deux univers culturels.

Pour classer « minuit à Paris », il faut peut être rechercher du côté d’Owen Wilson qui campe le rôle du fiancé écrivain. Ce personnage un peu fade ne serait-il pas à rapprocher de celui incarné par « Mia Farrow » dans « la rose pourpre du Caire » ? Dès lors, « minuit à Paris » ne serait-il pas une sorte de « rose pourpre du Caire » inversée ? Le rapprochement est séduisant. Alors que dans le film tourné en 85, l’acteur sortait de l’écran pour se confronter à la vraie vie, le spectateur quitte aujourd’hui le monde réel pour s’engouffrer dans un imaginaire fantasmé.

Mais peut-être est-il vain de vouloir classer « minuit à Paris » dans la filmographie de l’auteur. Peut être faut il se laisser emporter par la vision onirique de Woody Allen qui nous présente un Paris pas vraiment réel, un Paris de carte postale, le Paris qu’il aime et qu’il veut nous faire aimer.

Bref, un film évanescent, plein de charme et difficile à décrypter.

Edouard

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