Gemma Bovery

Martin (Fabrice Luchini) a repris la boulangerie de son père en Normandie après avoir côtoyé les milieux littéraires parisiens pendant un certain nombre d’années. Il mène depuis 7 ans une petite vie paisible avec sa femme et son fils, un ado mal dégrossi, lorsque débarque un jeune couple d’Anglais : Charles et Gemma Bovery.

Quatre ans après Tamara Drewe, Gemma Aterton revient dans une variation autour de la littérature. Alors qu’elle campait il y a quatre ans, une bombe sexuelle venant taquiner les hormones d’un troupeau de vieux écrivains retirés dans la campagne anglaise pour y trouver l’inspiration, la voilà dans la peau d’une Anglaise un peu moins sexy, mais toujours aussi belle, venue titiller non seulement les hormones, mais aussi l’imagination d’un vieux bobo parisien exilé au fin fond de la campagne normande et qui ne s’est jamais vraiment fait à sa nouvelle vie (on le voit écouter France Culture en pétrissant la pâte à pain).

Certes, Martin est beaucoup plus vieux que Gemma et de plus, parle très mal anglais, mais il reste tout de même un homme. Alors, il lui parle du pays, de leurs chiens, lui montre comment on fabrique le pain…en espérant plus ou moins consciemment que son pouvoir de séduction puisse produire quelques effets sur sa jeune voisine. Sa femme, qui voit son manège et qui n’a aucun doute concernant ses capacités à parvenir à ses fins, s’en amuse et le taquine.

Mais Martin est aussi un passionné de littérature pour qui la vague homophonie entre le nom de la jeune femme et celui de la célèbre héroïne de Flaubert ne peut pas être un hasard. C’est aussi pour lui un moyen inespéré de retrouver son monde avec une Emma en chair et en os.
Ayant lu « madame Bovary » beaucoup trop jeune, sans avoir la maturité qui m’aurait permis d’en comprendre toute la profondeur, il ne m’en reste qu’un souvenir imprécis et il est probable que quelques allusions au roman m’aient échappé.

Quel rapport entre Gemma et Emma ? Gemma est une belle jeune femme, aux mœurs un peu légères et visiblement pas toujours très bien dans sa tête. Est-ce suffisant pour en faire une Bovary ? Je ne sais pas, si un médium pouvait faire revenir Flaubert, ce serait intéressant de lui poser la question. Quoi qu’il en soit, Martin reste persuadé que, de par son nom et de par son mode de vie, la jeune femme est nécessairement engagée dans un déterminisme implacable qui la mènera à la fin tragique d’Emma Bovary. En preux chevalier, il se donne pour mission de remettre la jeune femme dans le droit chemin afin de conjurer le sort. Il commence par lui offrir le roman qu’elle accepte avec un sourire poli et qu’elle lit ou essaie de lire, un peu intriguée par son homophonie avec l’héroïne. Elle dira « il ne se passe rien, mais on a quand même envie de continuer ». Martin surveille ensuite les faits et gestes de la jeune femme qui a un amant, un jeune fils de famille qui ne se prénomme pas Rodolphe, mais Hervé. Qu’à cela ne tienne, ce détail ne décourage pas Martin qui continue à suivre sa protégée. De toute façon, aujourd’hui, plus grand monde s’appelle Rodolphe.

Je ne vous raconterai bien entendu pas la fin, mais elle est plutôt bien ficelée. Bref, un bon moment de cinéma avec des acteurs qui semblent tous bien s’amuser. Rafraîchissant.

Edouard

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Populaire

À la fin des années 50, un petit assureur de Basse-Normandie (Romain Duris) recrute une secrétaire (Deborah François) et découvre ses extraordinaires talents dactylographiques. Il décide d’en faire son poulain. Sur le chemin du succès, la dactylo va rencontrer un industriel aux dents démesurées qui fabrique la « populaire », dernière machine à écrire à la mode.

Petit film très rafraîchissant et qui donne un petit coup de peps alors que la lumière du jour va continuer à baisser pendant encore deux semaines.

L’histoire de la petite fille perdue de Basse-Normandie qui devient championne du monde de dactylographie…on est complètement dans le rêve américain et l’époque s’y prête à merveille.

Le décor est très léché avec jeux de couleurs à la Andy Warhol, décors aseptisés et festival de choucroutes féminines.

On est tout à fait dans la veine de « the Artist » et Bérénice Bégeot dans le rôle de l’amoureuse d’enfance de Romain Duris, semble camper aussi le personnage de la « grande sœur » de Deborah François sur le chemin d’Hollywood.

Les fifties ont beau être la décennie la plus américanophile de la France du XXe siècle, le clin d’œil aux Yankees est parfois un peu too much, comme dans cette dernière phrase qui fleure bon le fantasme de la vision Nord américain de la France : « les affaires pour l’Amérique, l’amour pour la France ». Il est peu probable que les Oscars mordent une fois de plus à l’hameçon.

Ça va pour cette fois, qu’on ne vous y reprenne plus, a-t-on envie de dire. Mais bon, je l’avoue, ça fait du bien de temps en temps de voir un peu de légèreté et d’oublier pendant 1h30 la freebox en rade et la course aux cadeaux de Noël.

Edouard

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Intouchables

Un riche aristocrate devenu tétraplégique à la suite d’un accident de parapente cherche un auxiliaire de vie. Après un casting laborieux, son dévolu va tomber sur un grand black au casier judiciaire bien fourni.

Réussite totale. Deux super-acteurs (François Cluzet et Omar Sy) pour un scénario d’une grande finesse. Premier passage derrière la caméra pour Omar qui fait un très bon usage de ses dons de comique. On rit beaucoup et François Cluzet aussi.
« Intouchables » n’est pas un film sur l’exclusion sociale, même si cette thématique sert de trame au déroulement de l’intrigue.
Le réalisateur n’est pas non plus tombé dans le scénario facile et un peu éculé du duo improbable qui, contre toute attente, finit par fonctionner.

« Intouchables », c’est l’histoire d’une rencontre entre deux hommes. En dépit des différences apparentes, ils se reconnaîtront immédiatement comme des semblables.
Une rencontre qu’on pourrait résumer par cette phrase de Bernanos: « Je comprends maintenant que l’amitié entre deux êtres peut éclater avec ce caractère de brusquerie, de violence, que les gens du monde ne reconnaissent volontiers que dans la révélation de l’amour ».

Cluzet voit immédiatement dans Omar le corps qui lui fait défaut et Omar voit dans Cluzet la tête qui va faire basculer sa vie dans une autre dimension.

Le tétraplégique et le grand noir sont deux personnages sans pitié et à l’humour mordant.

La pitié, c’est ce que redoute le plus l’aristocrate : le regard condescendant de ses proches qui le ramène à l’état de sous homme et à celui qu’il ne pourra plus être du fait de son accident. Il préfère de loin l’humour « pas de bras, pas de chocolat » de quelqu’un qui l’accepte sans essayer de lui cacher son infirmité que le flot de bons sentiments que lui déverse son entourage une fois par an, le jour de son anniversaire.

Avec le corps du sénégalais, l’aristocrate ne va pas retrouver la vie qu’il a perdue, mais il va en trouver une seconde, d’une tout autre nature, mais qui vaut bien l’ancienne.

Edouard

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The Green Hornet

Brit est le fils de James Reid, un homme d’affaires très occupé. Depuis son enfance, il rêve de devenir un super héros et s’entête dans cette voie en dépit des coups qu’il prend et malgré les réprimandes de son géniteur.

Vingt ans plus tard, le justicier en herbe est devenu « fils à papa », un branleur pété de tune qui vit sa vie comme une teuf permanente.
Son existence va basculer le jour où son père va mourir des suites d’une piqûre de frelon (« hornet » en anglais). Libéré du joug paternel, il va réaliser son rêve de gosse et devenir « the green hornet ».

Michel Gondry, réalisateur français intégré depuis dix ans dans les rouages des productions hollywoodiennes, notamment auteur du très psychanalytique « eternal sunshine of the spotless mind », ouvre une nouvelle fenêtre dans l’univers des supers héros.

« The green hornet » n’est pas un extra-terrestre comme « superman » ni un justicier dans l’âme comme « Batman ». Il n’est pas non plus un individu ayant acquis des super pouvoirs par accident comme « Hulk » ou « Spiderman ». Brit n’est rien de tout ça. Il est un super héros parce que la vie d’un super héros, « c’est trop cool !! »
Bien entendu, ne devient pas super héros qui veut. Gondry va donc aider le destin du super-gamin attardé en lui mettant « Kato » entre les mains, un acolyte archi doué en mécanique et en arts martiaux. Ainsi équipés, les deux super-copains vont se mettre en quête d’un super méchant : un « Joker » ou un « docteur Octopus » sans lequel les surhommes ne peuvent pas vraiment exister.
Ils vont le trouver en la personne d’un truand super ringard en quête d’identité (« Christoph Waltz », l’officier nazi d’ « Inglorious Basterds » de Tarantino).
Bon, on a les héros, on a les gadgets, on a le méchant. Qu’est-ce qui manque? Une femme !! Ce sera « Leonore Case » incarnée par « Cameron Diaz » que les deux justiciers trouvent un peu vieille (36 ans dans le film, 38 dans la vie, peut être 37 au moment du tournage), mais finissent par adopter.
Tous les ingrédients sont là ? À vos marques ! Prêt ! Partez !! Le résultat est très efficace : ça va vite, ça cogne, ça bouge dans tous les sens, c’est extrêmement drôle et c’est moins bête que ça en a l’air : un très bon film pour commencer l’année.
Edouard

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Potiche

1977 : Robert Pujol (Fabrice Luchini), PDG d’une usine de fabrication de parapluies dans une petite ville de Seine-et-Marne (77), mène ses employés avec une poigne de fer. Il délaisse sa femme (Catherine Deneuve), qu’il trompe avec sa secrétaire (Karin Viard). Sa fille (Judith Godreche) soutient son père corps et âme tandis que son fils, résolument à gauche, désapprouve totalement son attitude ultralibérale. Cette petite mécanique bien huilée se grippe lorsque les employés de l’usine décident de faire grève. C’est alors qu’apparaît un nouveau personnage : le maire communiste (Gérard Depardieu), ancien amant d’une nuit de la femme de Pujol.

Ne vous y méprenez pas, « potiche » n’est pas une critique sociale, mais un vaudeville, façon 21e siècle. L’originalité n’est donc pas à chercher dans le scénario. Ce n’est pas non plus dans les dialogues qu’on la trouvera : Ozon n’est ni Feydeau ni Guitry. Deux répliques de Luchini seulement font à peine sourire : « casse-toi pauvre con » et « travailler plus pour gagner plus ».

Reste le jeu des acteurs, l’esthétique et l’hommage à une époque.
Les acteurs semblent s’en donner à cœur joie et on est content de les voir s’amuser. La palme revient bien entendu à notre Gégé national et à Catherine Deneuve qui, en 1980, étaient déjà amants dans « le dernier métro ».
L’esthétique, c’est la marque du réalisateur depuis « 8 femmes ». Tous les décors sont aseptisés au maximum et viennent renforcer le côté « théâtre de boulevard » du film. On pense aussi aux comédies musicales et bien entendu : aux « parapluies de Cherbourg ».
L’époque, c’est les années Giscard, époque où les idéaux de 68, mis à mal par la crise pétrolière, commençaient à s’effriter. C’était aussi la grande époque des comédies sociales et l’on pense notamment à celles dans lesquelles jouait Pierre Richard (« le jouet » en 76, « le coup du parapluie » en 80) en éternel anarchiste rêveur et Bernard Blier en patron impitoyable.

Potiche est donc un film léger et agréable à regarder, sans plus.

Edouard

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Bienvenue à zombieland

Dans un futur qui pourrait être aujourd’hui, suite à l’absorption de hamburgers contaminés, la quasi-totalité de la population des États-Unis est devenue un troupeau de morts-vivants cannibales. Dans cet univers hostile, les rares survivants tentent…de survivre.
C’est ainsi qu’un ado asocial et un brin paranoïaque croise la route d’un vieux cow-boy à qui on ne la fait pas et de deux sœurs traqueuses. Comme les zombies, les membres de la petite troupe semblent perdus, jusqu’à ce qu’ils redécouvrent le plaisir de vivre ensemble.

Pas besoin d’être très futé pour comprendre le message qui se cache derrière le scénario, mais le réalisateur a l’habileté de ne faire qu’effleurer la corde de la critique sociale pour tout miser sur l’aspect comique de la chose. L’humour de « Bienvenue à Zombieland » est celui des bonnes comédies américaines du moment (si vous avez vu « Very bad trip »…): quelques grammes de finesse dans une montagne de tartes à la crème.
On s’amuse beaucoup à suivre les aventures de nos héros au milieu de ces monstres aussi sanguinolents que pitoyables, aussi prédateurs que victimes. En effet, les zombies, qui ne brillent pas plus par le goût que par l’esprit, n’ont pas beaucoup de chance de survivre aux assauts des quatre héros surentraînés.
La cerise sur le gâteau, c’est l’intervention du génialissime Bill Murray (trop courte, mais ça fait aussi partie de l’aspect comique de la chose) qui a trouvé une technique de survie imparable : se déguiser en faux zombie.

Une autre bonne idée du réalisateur est de situer la dernière partie du film dans un parc d’attractions abandonné, ressuscité pour un temps par la petite troupe de survivants que les zombies ne tardent pas à rejoindre, au milieu des manèges, des trains fantômes et des stands de tir à la carabine.

Pour finir, encore un petit mot sur les zombies. N’étant pas particulièrement fan d’horreur et de gore, je n’avais jamais vu de film de zombies. Pas grand-chose sur Wikipédia, sinon que l’origine de ces morts-vivants serait à rechercher dans la mythologie vaudou.
À l’inverse des vampires, les zombies n’ont pas eu leur Bram Stoker et on devra attendre 1978 pour que le réalisateur Georges A Romero se décide à les faire sortir de l’ombre.
J’ai heureusement un collègue de bureau, fan du genre, qui m’a donné les rudiments indispensables à la constitution d’une culture « zombie ». Ces rudiments ne cassent pas trois pattes à un canard, mais peu importe finalement puisque cette brute sanguinaire, stupide et individualiste trouve aujourd’hui toute sa place dans la société de consommation.

Edouard

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