Dans la veine de1Q84 (3 livres), il a imaginé une histoire aussi insensée
que passionnante.
Si vous êtes rationnel pur jus, passez votre chemin.Si vous aimez
l’imagination de haut vol, la poésie des mots, la transcendance, ce roman est
fait pour vous.
Le Commandeur, c’est celui de Don Giovanni de Mozart, qui précipite le
séducteur en enfer.
Murakami en fait un personnage burlesque, s’exprimant de façon imagée,
apparaissant et disparaissant comme une Idée (oui, celle du premier titre). Et
la Métaphore, c’est le voyage initiatique du narrateur, comme l’Orphée de la
mythologie.
L’auteur est pétri de culture occidentale: musique classique, littérature,
peinture.
Et il reste en profondément Oriental, avec tout l’apport du Japon classique: bouddhisme, peinture nihonga. traditions milnaires.L’histoire en bref. Le narrateur s’installe dans une maison isolée en montagne. Cette maison appartenait à un peintre qui vécut à Vienne après l’Anschluss par les nazis. Revenu au Japon peu avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, il y est resté plusieurs dizaines d’années, refusant tout contact. Ces lieux fascinent le narrateur, peintre en panne d’inspiration. Toute la subtilité de l’écrivain: tirer parti d’une situation somme toute banale, pour faire planer le mystère, et creuser ses réflexions sur la création picturale.
Si les 30 Glorieuses
(1945-1975) nous apparaissent aujourd’hui encore comme des années de prospérité
et de croissance économique pour la France, elles ne doivent pas faire oublier
leur face obscure, celle d’un rouleau compresseur de la modernité et du progrès
avec son cortège de victimes et de laissés pour compte. Ainsi, les conséquences
sociales et environnementales de cette époque se révèlent aujourd’hui
catastrophiques (chômage de masse, pollution de l’environnement, gaspillage des
ressources naturelles et consumérisme effréné…). La thèse des auteurs consiste
donc, non seulement à démonter les mécanismes de cette croissance folle, mais
aussi de redonner la parole à ceux qui en ont souffert, afin de les réinscrire
dans les combats politiques et écologiques contemporains.
Ce livre n’est pas facile
à lire car il s’adresse surtout à des spécialistes. Les auteurs (des historiens
pour la plupart) usent et abusent de jargon technique, d’écriture inclusive et
de références multiples. Il fait, par ailleurs, l’impasse sur le mouvement de
mai 68 et ses revendications sociales, sur la politique, l’éducation, les
mœurs, ainsi que sur la révolution dans le domaine des arts (cinéma,
littérature, musique, théâtre, etc.). Enfin, les années 70, porteuses de
révoltes et de critique contre la société de consommation, sont très peu
évoquées.
La première partie
analyse l’impact environnemental et sanitaire des 30 Glorieuses en prenant
différents angles d’attaque : l’apologie de la productivité et du progrès
depuis 1945, la gestion de la pollution de l’air, l’aménagement du territoire,
la mécanisation de l’agriculture au secours de l’empire colonial et enfin, le
développement de l’industrie du nucléaire et ses conséquences économiques et
sociales.
La deuxième partie
analyse les résistances face à la nucléarisation de la France avant 1968, à la
pollution des rivières, aux inquiétudes environnementales dans le mouvement
syndical. Elle évoque aussi le rôle marginal des mouvements situationnistes
face à la modernisation du capitalisme, la critique de la société de
consommation et de la technique face à un milieu chrétien gagné à la modernité.
Pour moi, les 30
Glorieuses c’est surtout leur longue agonie pendant les années 70 qui m’ont
profondément marqué, aussi bien en France qu’à l’étranger. Et notamment
sur le plan musical, avec la profusion de nouveaux genres musicaux (rock, pop,
disco, reggae, punk…), sur le plan cinématographique (la nouvelle vague qui a
commencé dans les années 60, puis l’anticonformisme et la critique de la
société de consommation que l’on retrouve dans le cinéma italien, français et
américain…) et sur le plan social, par exemple le mouvement hippie qui est
apparu plus tardivement en Europe dans les années 70 avec la drogue et les
paradis artificiels, les communautés et le retour à la terre, etc.). Ces années
70 étaient marquées encore par l’écologie « chevelue et barbue », les
luttes politiques locales contre l’implantation de nouvelles centrales nucléaires
(Creys Maleville…), ou d’implantations militaires (le Larzac…), les tentatives
des citadins de retour à la campagne et la volonté de vivre dans un
environnement plus sain (fabriquer ses propres fromages, faire de l’agriculture
biologique …), loin des miasmes des grandes villes. Et puis il y a eu aussi les
mouvements de libération sexuelle, le MLF (mouvement de libération des femmes),
l’égalité hommes/femmes, les luttes pour obtenir le droit à l’avortement, le
droit et l’égalité au travail, la remise en cause de la société patriarcale, et
le droit de jouir sans entraves.
Bref,
un ouvrage intéressant, mais très technique et peu accessible au grand public.
Pour moi qui aie grandi dans des années 60 avec une image très idéalisée de la
société, ce livre restera tout de même une douche froide.
L’approche de l’auteur consiste à rechercher la vérité sur Jésus dans le contexte culturel juif de l’époque. Elle permet de comprendre qui était Jésus, mais aussi ce que voulaient dire les évangiles, écrits plusieurs décennies après la crucifixion par des personnes ne l’ayant pas connu directement. Les évangélistes ont surinterprété parfois les paroles de celui qu’ils appelaient Christ dans un contexte de consolidation du christianisme. Je ne veux choquer personne en demandant si Jésus était plus juif que chrétien, mais il est évident que la très grande majorité de ses contemporains ne le voyaient pas autrement qu’un juif, certes un peu particulier, mais un juif tout de même.
Concernant la naissance, les habitants de Nazareth
voyaient avant tout en Jésus un enfant dont la paternité était douteuse. Cette
paternité non établie avait des effets beaucoup plus importants dans les
sociétés juives de l’époque que dans la nôtre. L’auteur nous explique que ces
enfants, qualifiés de « Mamzer », étaient marginalisés dès leur
naissance. Cette marginalité explique sans doute la tendance de Jésus à
fréquenter des marginaux et à transgresser les dogmes juifs.
Et pourtant, sans apporter de scoop fracassant, Daniel
Marguerat parvient à nous rapprocher encore un peu plus de ce juif hors normes.
Car c’est bien dans cette inaccessible proximité avec le Jésus de l’histoire
que réside la fascination, bien plus pour moi que dans un zèle dogmatique
chrétien outrancier ou dans une tentative de démystification athée. Oui, donner
naissance à un enfant tout en étant vierge peut laisser dubitatif, tout comme
ressusciter après avoir été crucifié, changer l’eau en vin, marcher sur l’eau
ou multiplier les pains. Mais si l’on a pas la foi du charbonnier, comment savoir
ce qui s’est effectivement passé dans la vie de cet homme encore révéré 2000
ans après sa mort ?
Y a-t-il, en occident, un personnage au sujet duquel
on a autant écrit ? Que reste-t-il a dire sur cet individu
irrémédiablement fascinant, même pour le plus convaincu des athées ? Moi,
même, j’en ai lu un certain nombre de bouquins sur cette figure indispensable à
la compréhension de l’occident. Alors, quoi de nouveau sous le soleil ?
A l’autre bout de la vie du christ, la crucifixion demeure un événement mystérieux. Difficile de savoir quels faits précis sont à l’origine des clous, du fouet, de la couronne d’épines et du marteau visibles au cœur de la fleur de passiflore,. Il y a beaucoup de vides dans les évangiles et les récits se contredisent en partie. Après sa mort, selon les évangiles, Jésus apparaît aux douze. Marguerat retient le concept de « vision ». Dans l’état d’abattement dans lequel ils se trouvaient après la crucifixion, il semble peu probable qu’ils aient pu relever la tête s’ils n’avaient pas acquis la certitude que Jésus était ressuscité. Ce qui s’est passé restera un mystère, mais il s’est forcément passé quelque chose.
La fin du livre, et la vision de Jésus par les autres monothéismes, est particulièrement intéressante. Pour les juifs, Jésus était un hérétique et bien sûr, pas du tout le fils de Dieu. Les musulmans n’acceptent pas non plus sa nature divine, mais le reconnaissent comme un prophète digne de respect, fils de Marie qui est pour eux un personnage beaucoup plus important. Si les musulmans rejettent le christianisme, c’est surtout parce qu’ils considèrent qu’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu et que la trinité n’est pas acceptable.
Presque 2000 ans après sa mort, le Jésus dépassionné de l’histoire commence à apparaître. Il y aura d’autres avancées, j’espère, mais la voie tracée par Marguerat mérite d’être creusée.