Les vacances du général

Quatre ans, 10 000 visite et pas de congés. Il est comme ça le général, il ne regarde pas à la dépense. Ceci dit, ce n’est pas forcément l’idéal d’être toujours à fond, tête baissée. Parfois, il peut être bon de s’arrêter un peu, histoire de prendre du recul, de se repositionner, de réinventer le concept. Tout ça pour vous dire que « général Lee » prend son mois de mai.

On dit « en mai fait ce qu’il te plaît » ben ce qui lui plaît, c’est d’arrêter pendant un mois la publication des articles. Ces congés feront peut-être revenir Georges, étrangement absent depuis quelque temps.

S’il n’y a pas de nouveaux textes, il y aura quand même un service minimum et si d’aventure vous souhaitez commenter des articles, vos commentaires seront enregistrés et je tâcherai d’y répondre. Par ailleurs, tout comme le comte Dracula, je suis toujours à la recherche de sang neuf et si vous souhaitez que je publie vos articles en juin, vous pouvez me les envoyer en cliquant sur « écrivez-moi » en bas du bandeau gauche. Les rubriques diversifiées ne sont pas pour autant limitatives, le général reste open à tout tant que ce n’est pas porno, raciste ; tant que ce n’est pas du prosélytisme religieux ou politique et pour autant que ce soit un minimum écrit en français. Perso, j’ai un penchant pour la vulgarisation scientifique (je ne saurai trop vous conseiller « passeur de science », le blog de Pierre Barthélemy dont vous trouverez le lien sur le bandeau droit). Mais si vous êtes des passionnés de voiture, de vélo, de numismatique, de philatélie, de jardinage, de tricot, d’opéra, si vous êtes des cruciverbistes ou des verbicrucistes, ce blog est aussi fait pour vous. Le mot « passion » pourrait être une clef pour le futur « général Lee ». J’aime les passionnés (et non les idolâtres) qui ne sont jamais aussi passionnants que lorsqu’ils font partager leurs passions.

N’hésitez pas aussi à critiquer le général qui n’est pas susceptible, à dire ce que vous avez aimé, ce qui vous a déplu, ce que vous auriez aimé y trouver. Bref, la maison reste ouverte.

Très bon mois de mai à tous.

On se retrouve début juin

Edouard
(avec la bénédiction de Martine et Guy et une pensée affectueuse pour les participants et commentateurs occasionnels)

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Congo, une histoire

 

Prix Médicis Essai  2012
Prix du meilleur livre étranger – Essai  –  2012

Pour le Belge que je suis, le Congo fait partie d’une mythologie insufflée pratiquement dès le berceau.
Notre roi Léopold II (1835-1909) régna sur ce pays gigantesque sans n’y avoir jamais mis les pieds.
Au bord de la ruine, il en fit ‘cadeau’ à la Belgique en 1909. Le Congo belge était né.

Ce livre tout simplement passionnant raconte sans concessions le colonialisme de l’intérieur, avec ses succès, mais surtout avec ses abus et ses horreurs. Philanthropes, les colonisateurs? Tu parles, nous dit l’historien Van Reybrouck.

Cela nous est raconté avec empathie, et même avec humour.

Depuis son indépendance en 1960, le pays a connu des soubresauts et des guerres.
Dirigé de 1965 à 1997 par un mégalomane dénommé Mobutu, le pays s’est retrouvé exsangue, et il continue à lutter pour sa survie…

Les amateurs pour la relève ne manquent pas: Américains, Russes, Chinois, Français, se pressent au portillon.
Par altruisme, cela va de soi.

Une saine lecture pour petits et grands.
Un modèle d’objectivité historique.
En Belgique, on n’a plus d’argent, mais on a des idées.

Amitiés tricolores,

Guy.

David Van Reybrouck – Actes Sud – 680 p (dont une bibliographie de 22 pages)

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Le crépuscule d’une idole

La police de caractère du nom de l’auteur est quatre fois plus grosse que le titre de l’ouvrage. S’il n’y avait pas une photo de Freud sur la couverture, on penserait que l’idole en question est Michel Onfray.
Je ne sais pas qui considère Freud comme une idole. Pas moi en tout cas. Il me rappelle en premier lieu quelques cours animés en terminale : c’est toujours marrant de parler de sexe. Pour tout dire, n’ayant jamais voulu tuer mon père ni coucher avec ma mère, ses théories œdipiennes me semblaient pour le moins fumeuses. Par contre, j’avais été fasciné par l’inconscient et je le suis toujours.
Ce pavé de presque 600 pages est peu digeste, on y trouve de tout : beaucoup de choses intéressantes, mais qui ne m’ont pas bouleversées et des moins intéressantes. S’agissant de Sigmund, je n’ai pas été surpris par la mégalomanie du personnage, gourou mû par l’appât du gain et un besoin inouï de reconnaissance sociale. J’avais entendu parler des dégâts que ses séances avaient pu causer chez certains de ses patients, en particulier chez sa fille Anna. J’avais aussi entendu parler de la falsification de résultats visant à asseoir le caractère scientifique de sa thérapie. C’est pour moi le point le plus passionnant de l’ouvrage, très didactique, où l’auteur s’attache longuement a établir la frontière entre science et philosophie.
Pour ce qui concerne les tâtonnements de Freud, ses échecs, ses essais douteux, je le trouve moins percutant. À ce titre, l’ouvrage manque cruellement de contextualisation. Tous les aliénistes du début du XXe siècle tâtonnaient, le médecin viennois ni plus ni moins qu’un autre. Même chose pour la curabilité. Quels aliénés guérissait-on à la belle époque en dehors de ceux qui n’étaient pas malades ?
Je n’ai pas aimé le ton haineux d’Onfray qui ne passe rien à Freud ni à la psychanalyse. Son acharnement devient ridicule, voire suspect. Serait-il jaloux ?
Je conseillerai à ceux qui auraient l’ouvrage a portée de main, mais qui n’auraient pas envie de s’y plonger de lire au moins la conclusion.
L’écrivain essaie d’expliciter les raisons du succès de la psychanalyse et fait beaucoup de parallèles avec la religion, son autre grand moulin à vent. Il ne combat d’ailleurs pas tant la religion que l’idée simpliste qu’il s’en fait. Passons…chacun ses dadas. Il accuse ensuite la psychanalyse de brouiller les cartes entre l’homme malade et l’homme sain. Serait-il nostalgique des théories des années 30 qui assimilaient les aliénés à des non humains ? Juste après il écrit : « on ne déchire pas le voile des illusions sans encourir la haine des dévots ».
Ce qui manque à la psychanalyse aujourd’hui, c’est un leader susceptible de rassembler tous les courants et d’adapter les intuitions freudiennes aux avancées scientifiques du XXIe siècle. Certains psychanalystes ont sans doute longtemps adoré une idole fossilisée du maître au lieu de regarder le monde changer autour d’eux et c’est sans doute à ceux-là qu’Onfray s’adresse. Mais, ce qu’il convient de combattre, ce n’est pas Freud, c’est l’idolâtrie.
Edouard

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13 heures

L’Afrique du Sud est un chaudron. Héritière du détestable apartheid, elle tente vaille que vaille d’exorciser un passé d’affrontements raciaux.
Deon Meyer est un Afrikaner qui écrit en anglais. Comme ses compatriotes, il décrit les contradictions de son pays dans ses livres.
Une jeune Américaine a été égorgée. Sa compagne tente d’échapper aux assassins.
Un autre crime, sans aucun rapport à première vue, met sur les dents la police du Cap.
L’inspecteur Benny Grissel, personnage en demi-teintes dans la lignée d’autres enquêteurs américains ou scandinaves, aura besoin de 13 heures pour trouver la solution des deux énigmes.
Voilà un superbe travail d’écrivain dans une mise en scène haletante.
À consommer sans modération, même si certaines scènes peuvent soulever le cœur.
Amitiés en hyperventilation,
Guy.
Deon Meyer – Points – 566 p.

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Histoire de ma mère

« Histoire de ma mère est le récit minutieux et poignant des dernières années d’une femme qui sombre dans la sénilité, sous le regard impuissant et consterné de sa famille. Une vie se défait doucement au fil de quelques années. D’abord les souvenirs s’enfuient, la mémoire récente s’efface, puis l’infantilisme vient, la perception du monde extérieur disparaît.
C’est une histoire éternelle, vieille comme le monde, et plus actuelle que jamais dans notre univers étroit qui ne sait plus donner une place à ses anciens.
Composé de trois textes poétiquement intitulés « Sous les fleurs », « Clair de lune » et « Visage de neige », voici sans doute, dans sa brièveté et sa retenue, le livre le plus déchirant de Yasushi Inoué. »
Une fois de plus, j’ai pu admirer la délicatesse, la finesse, la précision du détail, le respect de l’autre sans tomber dans l’extase du souvenir ou pleurer le passé. C’est sans pitié qu’ Inoué nous raconte cette fin. La mère préférait être chez ses filles, mais ses fils et ses petits enfants allaient la voir très souvent et s’en occupaient quelques semaines pour soulager la sœur de « service ».
Les mots « Alzheimer » et « maison spécialisée » ne sont jamais dits, voire évoqués. Pour eux, il était exclu de confier la mère à des étrangers. Ils se posaient des questions, observaient les réactions de la mère, en discutaient entre eux sans jamais se disputer alors que leurs opinions divergeaient. Ce que j’ai grandement apprécié. Et pourtant il y avait des moments tendus, angoissants.
Inoué donne toujours plusieurs options, mais ne dit jamais laquelle est la meilleure. Pour l’instant, c’est le seul auteur qui me fasse voir les différentes situations dans la vie avec sérénité.
Martine
INOUÉ Yasushi
Stock, 2004 (1977), 200 p.
Traduction : René de Ceccatty et Ryôji Nakamura

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Noé

Que d’eau, que d’eau !

On ne présente plus ce mythe qui n’est certes pas antédiluvien, mais qui a tout de même du kilométrage : une histoire piquée par les Hébreux aux Mésopotamiens qui, eux-mêmes la tenaient de…on parle de l’ouverture du Bosphore, de la fin de l’âge de glace, pas facile à dater avec précision, mais très vieux en tout cas.

Bien sûr, l’adaptation biblique est libre, mais c’est le propre des mythes d’être triturés et digérés par les sociétés qui font le choix de les adopter. Ceci dit, il y a une certaine fidélité au récit originel, on ne massacre pas comme ça un récit véhiculé depuis 5000 ans. Le réalisateur met ici l’accent sur quelques détails bibliques un peu oubliés. Ainsi, Noé n’était effectivement pas un descendant de Caïn, mais de Seth, un rejeton d’Adam et Ève dont on ne parle pas souvent, moins impulsif que son aîné. Ca semble nous sauter aux yeux que les descendants de Seth sont plus zen que ceux de Caïn et Russel Crowe, qui incarne le patriarche, a bien un faux air de Charles Ingalls dans la première partie. Heureusement, à tout bien regarder, et c’est ce qui donne un peu d’épaisseur au film, il apparaît plus nuancé, indécis, souvent les yeux levés vers le ciel pour y recueillir un signe du tout puissant ou ce qu’il interprète comme tel. Violent, impitoyable, frisant la folie, obsédé par « son devoir », il finit par boire pour noyer les doutes qui l’assaillent et on le retrouve nu, ivre mort sur le rivage : une anecdote biblique authentique que le réalisateur reporte fidèlement, mais qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe dans son scénario.

Autre détail biblique: les Nephilim. Nulle part, il n’est écrit qu’ils aient construit l’arche, mais pourquoi pas. La genèse est plus que laconique sur ces « géants » qui auraient existé avant le déluge. Ces Anges déchus pétrifiés empruntent ici beaucoup à l’univers Tolkieno-Jacksonien. Physiquement, ils sont un mélange entre les Ents, les arbres géants des « deux tours » et les montagnes vivantes du premier volet du hobbit : « un voyage inattendu ». Psychologiquement, les Nephilim font penser à l’armée des spectres du « retour du roi ».

Donc, une relative fidélité au récit biblique des effets spéciaux qui rendent en particulier possible l’arrivée en masse des espèces animales dans l’arche, des combats au milieu de paysages désolés et grandioses qui font penser à Mad Max : la magie opère et la présence d’Emma Watson, l’Hermione d’Harry Potter, y est peut être pour quelque chose.

Bon d’accord, c’est une belle histoire, mais est-ce suffisant pour expliquer sa longévité? Ce qui assure la pérennité d’un mythe, c’est aussi sa capacité à s’adapter aux attentes des contemporains, à les toucher à travers le temps et l’espace. Pour parler du monde d’après le déluge, Noé utilise à plusieurs reprises l’expression « Nouveau Monde ». On pense bien entendu à l’Amérique d’après-guerre, s’érigeant au-dessus des cendres de l’Europe. Mais les hommes du « Nouveau Monde » restent cependant des hommes, capables du meilleur comme du pire. Noé, c’est aussi l’histoire d’un petit groupe d’élus qui, après un long cheminement, finit par accepter sa condition humaine. Une approche intéressante du récit biblique.

Edouard

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Robe de marié

Sophie, jeune femme heureuse et équilibrée, perd peu à peu pied. Les trous de mémoire et les actes manqués s’accumulent. Quand elle se trouve impliquée dans plusieurs meurtres, elle change de vie et d’identité. Mais ce ne sera pas suffisant.
Un thriller plutôt réussi, quoique longuet par moments.
Le méchant sera puni, Sophie se retrouve au milieu d’un champ de ruines.
Le même auteur a trouvé son inspiration dans la guerre de 1914 pour forcer le prix Goncourt. Je ne le lirai que sous la menace.
Amitiés haut les mains,
Guy (11/04/2014)

L’histoire est en plusieurs parties. Partie 1 : Sophie.
Elle a une petite trentaine, perd la mémoire, des affaires et a de bizarres pertes de connaissance. En filigrane nous apprenons qu’elle a été mariée à Vincent qui, après un accident de voiture s’est retrouvé sur un fauteuil roulant et peu de temps après se serait suicidé. Sophie se croit folle. Elle fait tout pour mener une vie normale, mais différente d’avant. Pour l’instant elle est la nurse du petit Léo. Après avoir passé la nuit chez ses patrons justement à cause d’un malaise, elle retrouve Léo étranglé avec les lacets de ses chaussures de sport. Elle ne comprend pas et fuit. Elle est invitée par une dame connue à la gare. Elles déjeunent et vlan ! Sophie nous refait le coup du malaise et elle se réveille avec une morte à côté et un couteau sanglant dans la main. Son histoire n’est que fuites, petits boulots non déclarés et meurtres dont elle ne comprend rien. Moi, non plus. Je commençais à m’ennuyer, perdre les pédales et trouver tout cela bien banal quand survient un autre chapitre, une autre histoire. En fait la même, mais racontée autrement par Franz. Et là, Eureka ! Tout s’explique, tout devient diabolique, palpitant, angoissant. Je n’ai plus lâché le livre jusqu’à la fin.
Je ne vous raconte pas : « Franz et Sophie »…
1. Lemaitre serait-il un schizophrène génial ?
Et tout ça à cause de son prix Goncourt qui n’arrive pas à me convaincre.
Puisqu’il « excelle » dans le polar, j’ai voulu commencer par là.
La Guerre de 14-18 est pour moi un sujet sérieux. Je doute que M. Lemaitre arrive à dépasser « La chambre des officiers » de Marc Dugain.
J’ai lu une ligne de critique qui m’a fait réfléchir sur son Goncourt :
« L’auteur utilise la dynamique des compétences testées dans le roman noir pour développer des narrations à tiroirs et à suspense. »
… ???
La Martine médusée (24/12/2013)
LEMAITRE Pierre Calman-Lévy, 2010, 271 p.

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L’heure trouble

« À l’heure trouble (crépuscule), un enfant disparaît sans laisser de trace dans les brouillards d’une petite île de la Baltique. Vingt ans plus tard, une de ses chaussures est mystérieusement adressée à son grand-père. Qui a intérêt à relancer l’affaire ? Pourquoi toutes les pistes mènent-elles à un criminel mort il y a longtemps ?
Dans une oppressante (bof !) atmosphère de huis clos, une étrange histoire de deuil, d’oubli et de pardon, hantée par les ombres du passé. »
Un polar qui se laisse très bien lire. Rien d’exceptionnel, mais une enquête qui se tient. Des liens familiaux qui se renforcent. Un papi étonnamment téméraire malgré ses rhumatismes. Une mère qui avait besoin que l’on remue tout ça pour faire son deuil. Un dénouement surprenant d’autant plus que c’est la deuxième fois que je le lis et que je ne me rappelais plus la fin. Certains passages me disaient bien quelque chose, mais il y a tellement de copier/coller dans les livres qu’ils finissent tous par se ressembler.
J’avais lu ce livre en juillet 2011. Merci Alzheimer !
L’auteur semble amoureux de l’île d’Öland. C’est le deuxième livre que je lis de lui et chaque fois l’action se passe dans des îles aux noms inventés.
La Martine troublée.
THEORIN Johan Albin Michel, 2009 (2007), 422 p.

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Tolkien et la grande guerre

Déambulant d’un éditeur à l’autre, je me sentais un peu oppressé par cette gigantesque machinerie industrielle que constitue le « Salon du livre ». C’est alors que l’ouvrage m’est apparu au détour d’une allée, mais peut-être est-ce lui qui, m’ayant repéré de loin, m’a fait venir à lui.

Quand le « Seigneur des anneaux » a été publié en 1954, Tolkien avait 62 ans. Son chef-d’œuvre ne marquait donc pas le début d’une carrière, mais était l’aboutissement ultime d’une longue genèse qui prend sa source bien avant l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand.

Avant 1914, l’écrivain crée à Cambridge un petit club d’esthètes avec trois inséparables comparses : le TCBS. Ce qui le passionne, c’est la philologie, la science des langues et des liens qui les unissent, tant est si bien qu’à force de rechercher l’indo-européen des origines, il finira par créer sa propre langue. Pour lui, le développement d’un langage est indissociable d’une mythologie qui lui est attachée. En 1914, les premières briques de son gigantesque projet commencent tout juste à prendre forme par le biais de chants, de gestes, de poèmes. Peu intéressé par les mythologies gréco-romaines, il puise son inspiration dans les grands récits nordiques, notamment finlandais. Et puis, le conflit éclate.

Tolkien n’était pas un Charles Péguy dans l’âme, s’élançant dans le feu ennemi à la première occasion. Non, il était plutôt prudent. Officier des transmissions, il put se tenir un peu à l’écart des no man’s land. Après 5 mois passés dans la Somme en 1916, il fut attaqué par une colonie de poux qui lui inculquèrent la « fièvre des tranchées », l’obligeant à regagner le sol britannique. Il mit beaucoup de temps à se défaire de ce mal qui lui permit de ne pas être exposé à la grippe espagnole qui décima les soldats des deux camps début 1917. Faute de combattants valides, son régiment fût dissout et il resta sur son île jusqu’au 11 novembre 1918.

Ses compagnons d’avant-guerre n’eurent pas tous autant de chance et deux d’entre eux périrent et le TCBS s’éteignit lui aussi tout comme « la communauté de l’anneau » à la fin du premier volet de la saga.

L’impact de la guerre sur l’œuvre n’est pas seulement lié au temps passé sur-le-champ de bataille, mais aussi à l’esprit des années qui ont suivi le conflit, au souvenir de toutes ces vies brisées, de ces machines de mort que furent les gaz et les lances flammes, le souvenir du combat de l’homme contre la machine, la nostalgie d’un temps d’avant-guerre qui ne sera plus. Garth propose de nombreuses pistes faisant le lien avec la trilogie de l’anneau: les fans en trouveront beaucoup d’autres : les tanks pour les oliphants ; l’aviation ennemie pour les montures ailées des nazgûls ; les marais des morts pour les tranchées boueuses remplies de cadavres, le brave poilu pour Sam Gamegie … il est plaisant d’explorer des pistes, d’émettre des hypothèses, de soupeser des probabilités, mais aussi un peu vain, évidemment.

John Garth
Christian Bourgeois éditeur
2014
Edouard

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Kennedy et moi

Hier, j’ai acheté un revolver. Cela me ressemble bien peu. Les deux premières phrases donnent le ton de ce court roman qui m’a enchanté, dans tous les sens.
Le narrateur, Samuel Polaris, est écrivain. Il a écrit une dizaine de romans, qui lui ont permis de nourrir sa petite famille: Anne, sa femme, sa fille Sandra et les jumeaux adolescents, interchangeables au point de ne pas pouvoir les reconnaître l’un de l’autre.
Quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille.
Samuel n’a plus écrit une ligne depuis des années. Anna s’envoie en l’air avec un oto-rhino dans la clinique où elle travaille comme orthophoniste. La petite peste de Sandra ne pense qu’à gagner un maximum de pognon en devenant dentiste, et les jumeaux vivent dans un monde virtuel inaccessible aux autres.
Le jour où Samuel agresse son dentiste en le mordant jusqu’ au sang (une scène d’anthologie), tout déraille.
Et Kennedy? Eh bien la montre que portait le président assassiné le jour de sa mort est devenue la propriété du psy qui tente de comprendre Samuel; et Samuel caresse l’idée fixe de lui dérober cette montre.
Ce roman date de 1996. On y trouve déjà la patte de J.P. Dubois: le cynisme, le rejet de l’hypocrisie, un humour noir déjanté, un pessimisme et une joie de vivre (non, ce n’est pas incompatible) uniques dans le genre.
Il possède l’art de pousser là où cela fait mal (comme sur la dent mal soignée de l’histoire).
Certains le comparent à l’Américain Carver.
Amitiés odontologiques,
Guy.
Jean-Paul Dubois – Points – 203 p.

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