Le titre original ‘Middle England’ me semble plus
adéquat.
La famille Trotter est bien connue des lecteurs
de Coe (Bienvenue au Club et le Cercle fermé).
Ses membres reprennent du service sous la plume
acerbe de Mister Coe, après 15 ans de silence.
Contrairement à Tintin, ils ont vieilli dans
l’intervalle.
Pour ceux qui suivent la tragicomédie du Brexit,
ce roman est un vrai régal.
Si vous avez vu à la Chambre des communes le
speaker hurlant pendant des heures Order! Order!
vous aurez un point de vue un peu plus large sur
les enjeux européens du 31 janvier 2020.
Benjamin Trotter, la cinquantaine s’achète un
moulin au bord de la Severn, une rivière des Midlands.
Il espère mettre de l’ordre dans une vie
sentimentale cahotante.
Son père Colin, au bout du rouleau, vient finir
ses jours chez lui.
Sa nièce Sophie, après plusieurs déconvenues
sentimentales, pense avoir rencontré l’amour de sa vie.
Une série de personnages plus ou moins
folkloriques les entoure.
Les émeutes en 2010, les Jeux Olympiques de
Londres, le référendum sur le Brexit constituent la toile de fond de ce roman
foisonnant.
Yes or No, that’s the question.
Le débat s’impose dans les chaumières, jusque
dans les chambres à coucher.
Jonatan Coe a un talent certain de satiriste.
Il est anglais jusqu’au bout des ongles. Y
compris dans son humour pince-sans-rire.
Qui vivra verra. Ce qui peut se traduire par
wait ans see.
Je ne suis pas un
fanatique des prix littéraires. À ma décharge, j’avais commencé la lecture du
Goncourt 2019 le matin même
de son attribution, le 6 novembre.
Le touchant Dubois, surnom donné par un de mes
fils, a encore frappé.
Pour les non initiés, tous les héros de Jean-Paul
le Toulousain se prénomment Paul.
Paul Hansen est incarcéré à Montréal, dans le
pénitencier dit de Bordeaux. Il partage une cellule avec un certain Patrick
Horton,
membre d’un gang de motards, accusé de meurtre.
Quant à Paul, on ne saura que vers la fin du livre pourquoi il a été condamné
à deux ans de détention. Fils improbable d’un
pasteur protestant danois et d’une jolie Toulousaine, il raconte sa vie.
La maman exploite une salle d’art et essai à
Toulouse. Le jour où le pasteur apprend que la salle de cinéma projette des
films
pornographiques, son sang ne fait qu’un tour, il
claque la porte et perd sa fonction. Cela se passe après les manifestations de
1968.
Toute la famille part en vrille, père et fils se
retrouvent à Montréal, et le pasteur perd toute crédibilité quand il devient
accro aux
champs de courses. Paul a trouvé un travail de
concierge pour lequel il est apprécié. Il se marie avec Winona, une Amérindienne
pilote d’hydravion, et vivra avec elle les plus
beaux jours de sa vie. Et il nous régalera avec les pages les plus tendres du
roman.
Jean-Paul Dubois est un conteur extraordinaire.
Son regard désabusé sur le monde qui l’entoure fait mouche. Son humour
ravageur est resté intact. Une des phrases qui
traversent le livre: l’homme est un ours qui a mal tourné.
La phrase du titre est tirée d’un prêche du
pasteur qui a peu ou prou perdu la foi.
Pour moi, ceci est une des meilleures lectures de
ces dernières années.
Si vous n’aimez pas les gros cubes (je parle de
moteurs), vous pourrez passer certaines pages.
Si vous aimez les curés de toutes tendances, tenez
le livre avec des pincettes, il pourrait vous entraîner en enfer.
D’où venaient-elles ? Qui étaient-elles ? Que
sont-elles devenues ?
Petit, en regardant « ma sorcière bien-aimée »,
j’étais loin d’imaginer que la série n’était qu’un reflet de ce que l’Amérique
des années 60 considérait comme une sorcière acceptable : une jeune et
belle mère de famille se consacrant à l’éducation de ses enfants et au bien-être
de son mari, ne faisant usage de ses pouvoirs que pour régler les soucis du
quotidien.
Je pensais alors que les vraies sorcières n’existaient que dans les histoires. Plus tard, j’ai cru comprendre que des sorcières avaient été brûlées, mais c’était lointain et je mettais ça dans un package incluant l’inquisition et le Moyen Age. Je la voyais un peu comme la sauvageonne du « Nom de la rose ». Pourtant, cette représentation était aussi fausse que la précédente.
Les sorcières appartiennent au côté obscur de la Renaissance et rejoignent d’autres horreurs comme le début de l’extermination des Indiens et les guerres de religion. On préfère généralement passer tout ça sous silence pour magnifier le génie « humaniste » qui allait, aux dires de beaucoup, permettre à l’occident de sortir de l’obscurantisme médiéval. Difficile de savoir combien de sorcières ont été brûlées, mais elles le furent principalement aux XVIe et XVIIe siècles.
La renaissance transforme les sociétés occidentales et
impose un mode de pensée rationnelle. Les mathématiques s’imposent aux
croyances surnaturelles. L’homme devient le centre du monde et se détache de la
nature dont il devient le maître absolu. On établit des normes, on calibre et
étiquette tout, en particulier des normes sociales.
L’homme, dans la tête d’un Européen du XVIe siècle, ne
désigne pas l’humanité dans son ensemble, mais bien le « mâle ». Dès
lors, la question de la place de la femme dans la société se pose et la femme
au comportement social non acceptable devient une sorcière.
Mona Chollet voit trois grandes caractéristiques
attribuables à la sorcière et fait le parallèle avec ce qu’elles sont devenues aujourd’hui :
la sorcière est une femme âgée vivant seule et sans enfant.
La volonté de vivre sans homme confère à la sorcière deux attributs : le chat noir qui lui tient compagnie d’une part et le balai (allez savoir pourquoi 😊) d’autre part.
En ce qui concerne l’absence d’enfants, la renaissance
ne connaissait pas nos contraceptifs, mais n’était pas moins confrontée à ces
problèmes. Les contes regorgent d’histoires d’enfants abandonnés. Il est
évident que les paysans pauvres n’avaient pas les moyens d’élever 7 ou 8
enfants. Je n’ose imaginer les avortements de l’époque et il est évident qu’il
y a eu des infanticides.
La troisième caractéristique est celle qui a sans
doute la dent la plus dure : la situation de la femme n’ayant plus l’âge
de procréer. Tout comme dans Blanche Neige, la sorcière est souvent vieille. Qu’il
s’agisse des propos de Yann Moix sur les femmes de plus de 50 ans ou des
déchaînements haineux contre Brigitte Macron, l’occident semble avoir encore du
mal à leur donner une place.
Bref, ce livre est un remède salutaire pour toutes les
femmes qui se sentiraient un peu sorcières…et pour les hommes qui les aiment.
Le célèbre petit village gaulois qui résiste toujours
et encore…est chargé d’assurer la protection de la très insaisissable fille du
célèbre chef gaulois, Adrénaline.
Excellent cru pour le dernier opus des aventures d’Astérix.
Conrad et Ferri auraient-ils trouvé le secret de la potion magique ? On
est tenté de le croire. C’est album réussit l’exploit de rester fidèle à l’esprit
des origines tout en adaptant le récit à notre époque.
Pas de voyage cette fois-ci. On reste en Armorique. Le
petit village gaulois apparaît cette
fois moins comme une ultime poche échappant à la domination romaine que comme
un symbole universel de résistance. Adrénaline, à laquelle les auteurs ont
donné les traits de Greta Thunberg le dit à l’ensemble du village : « vous
êtes les dignes successeurs de Vercingétorix ».
Cela reste très drôle, j’ai d’ailleurs pris conscience
que je n’étais plus tout jeune et qu’un certain nombre de références m’échappaient.
Sans casser les codes, de nombreuses innovations apparaissent. J’ai particulièrement
apprécié à ce titre le pirate alcoolique auquel les auteurs ont donné les
traits d’Aznavour et qui glisse par ci par la des échantillons du répertoire du
chanteur qui nous quitté l’année dernière. Que les puristes se rassurent
cependant. Baba de la vigie ne prononce toujours pas les « R ». C’est
moins un gag aujourd’hui qu’un clin d’œil aux anciens. Les auteurs ont aussi l’intelligence
de ne pas lui faire oublier trop de « R ». C’est vraiment marrant
quand il parle de son poste.
Bien sûr, plusieurs allusions sont faites à la protection
de la nature comme la chasse intensive de sangliers qui menace la présence de l’espèce
dans la forêt, mais ce qui est intéressant, c’est que ces critiques proviennent
d’Adrenaline et de la bande d’ados du village. Comme dans les discours de Greta
Thunberg, c’est la jeune génération qui fait le procès des aînés. Est-ce que
les traditionnelles bagarres des villageois ont du sens ? À quoi rime
finalement la sempiternelle rivalité entre le forgeron et le poissonnier ?
Comme la génération Y, Adrénaline et ses copains remettent tout à plat pour
bâtir un Nouveau Monde qui ne se limitera en aucun cas à une reproduction de
celui des anciens.
Mais l’innovation majeure, pour moi, est une émotion,
une tendresse qui irradie tout l’album. Cela est fait intelligemment, sans
casser les codes, mais à mon souvenir n’avait jamais été aussi fort. Certes, il
y avait « le grand fossé », mais c’était une parodie de Roméo et Juliette.
Il y avait aussi Falbala que l’on retrouve en particulier dans « Astérix
légionnaire ». Cependant, alors que l’émotion ne transperçait jusque là que
par le biais d’intrigues amoureuses, elle est ici beaucoup plus diffuse. Est
ainsi abordée discrètement la question de l’homoparentalité, mais aussi les
préoccupations adolescentes et plus généralement la question de la liberté
individuelle.
Bref, un vent favorable s’est levé sur ce dernier
album. Une mue nécessaire s’est opérée. Les aventures du petit gaulois ne
seront sans doute plus jamais comme avant. Un slogan de 1968 disait « le
bleu restera gris tant que nous ne l’aurons pas réinventé ». La
réinvention a bien eu lieu, espérons que les auteurs sauront garder le cap.