AGATHA CHRISTIE : une autobiographie

75 années de la vie de la reine du crime.

J’ai eu ma passion Agatha Christie vers 10, 12 ans. De la bibliographie annexée à l’ouvrage, j’ai très peu de souvenirs des intrigues en dehors de celles de « 10 petits nègres » et du « meurtre de Roger Ackroyd ». Certains titres me parlent, d’autres ne me disent rien du tout et pour certains, j’ai des doutes. Et puis, j’en ai eu marre, toutes ses intrigues se confondaient, répondaient toujours à un procédé un peu tricheur : on dévoilait 10 pages avant la fin des relations insoupçonnées entre les personnages, qui remettaient tout en question. Agatha  est devenue pour moi, comme pour beaucoup, une sorte d’adjectif, synonyme d’un univers social aseptisé. Je savais aussi qu’elle avait été mariée à un archéologue et comme ma passion pour l’archéologie est arrivée en même temps que ma découverte d’Agatha Christie, un certain lien affectif avec la romancière s’est tissé.

Cet univers social aseptisé est celui de son enfance bourgeoise et victorienne. C’était un univers sur deux niveaux (maîtres/domestiques) très codifié et uniquement troublé par les criminels. Heureusement, la police et les détectives étaient là pour rétablir l’ordre.

Agatha n’était pas une rebelle, plutôt une gardienne du dogme. Elle n’avait pas de parti pris politique ni idéologique. Elle s’engagera comme infirmière en 14 comme en 40, pour défendre son pays contre l’ennemi mais ne fait de distinction entre l’Allemagne de 14 et celle de 40. Elle raconte comment elle fait la connaissance d’un nazi dans les années 30 en Irak qui prône l’extermination des juifs, mais n’en tire aucune conclusion. Elle dit « c’est un nazi » comme on pourrait dire « c’est un écureuil » ou «c’est  une belette ». Elle refusera de participer à la propagande alliée et rejettera à ce titre la proposition de Graham Greene au motif « qu’elle comprend les différents points de vue ». Elle tient aussi des propos très durs sur la criminologie : une vision très génétique du criminel. Convaincue de son caractère nuisible et incurable, elle ne voit comme autre issue à l’extermination que son utilisation comme cobaye dans le cadre d’expérimentations scientifiques.

Cependant, je ne pense pas qu’Agatha Christie ait été une collabo. C’était juste une femme de son temps, soucieuse de profiter le mieux possible de sa vie sans trop s’intéresser aux soubresauts du Monde. Sa description du proche orient fait beaucoup penser à Tintin : un univers pacifique et sans frontières avec des Européens partout. Elle parle des Arabes, mais à aucun moment de la religion musulmane.

Que les fans se rassurent, il est aussi question d’écriture et du métier d’écrivain, mais surtout à ses débuts, quand elle répondait clairement à la satisfaction de besoins financiers. Dans les quelques pages d’épilogue qui sonnent comme un testament, la plume est absente de la liste des souvenirs qu’elle souhaiterait emporter dans l’autre monde.

Edouard

Agatha Christie

Éditions du Masque

2006

Promenons-nous dans les bois

Par l’auteur de ‘Une histoire de tout, ou presque…’. On retrouve ici son humour intact, et sa vocation didactique. Il raconte sa randonnée sur l’Appalachian Trail’, un sentier de 3500 km de la Géorgie au Maine, du côté atlantique des États-Unis, accompagné d’un certain Katz, un copain d’enfance. Ils n’ont pas parcouru les 3500 km, il leur aurait fallu un an ou plus. Mais ce qu’ils ont accompli vaut son pesant de randonnée et de rigolade (pour le lecteur surtout). Il commence par raconter tous les dangers possibles: animaux sauvages, maladies, accidents, crimes, déshydratation, insolations, hypothermies, insectes venimeux. À se demander comment il a osé entreprendre le périple. Honteusement, le lecteur se marre, mais Bill l’a bien cherché. Au passage, un petit couplet écologique bienvenu, un peu de sauce de géologie, un fifrelin de critique sociale, un zeste de diététique.

Pour ceux qui aiment les grands espaces, sans tous les risques évoqués.

Amitiés baladeuses,

Guy

Bill Bryson – PB Payot – 343 p

Une histoire de tout, ou presque…

Me voilà presque revenu à ma jeunesse enthousiaste. Pour ceux qui se passionnaient pour les découvertes (Science et Vie, Science et Jeunesse…), voiciun ‘petit’ rafraîchissement de mémoire bienvenu.Bill Bryson est journaliste, ce qui rend ses propos compréhensibles. Il propose une visite guidée de l’infiniment grand à l’infiniment petit.Il ne manque pas d’humour. Les scientifiques non plus.Exemple:
Quand un journaliste demanda à l’astronome anglais sir Arthur Eddington s’il était vrai qu’il était l’une des trois personnes au monde capables de comprendre les théories d’Einstein, il réfléchit longuement avant de répondre: « J’essaie d’imaginer qui peut être  la troisième ».

Le livre fourmille d’anecdotes de ce style, ce qui allège le propos. Et si les découvreurs ont de l’humour, ils ne manquent pas de férocité entre eux. Le professeur Tournesol peut se vanter d’avoir quelques modèles farfelus, à commencer par Isaac Newton.

Un plume sur le chapeau américain de Bill Bryson: plusieurs citations de mon cher professeur de Duve.

Un livre pour tout public curieux, de 7 à 77 ans…
Il date de 2003, ce qui explique quelques failles en astronomie et en paléontologie.

Amitiés quantiques, relatives et universelles,

Guy.

Bill Bryson – PB Payot – 651 p.

Envoyée spéciale

Extrait:

« Cela fait, Tausk quitte son bureau, ouvre une fenêtre du salon par laquelle entre une mouche massive au thorax bleu scintillant qui effectue d’abord quelques tours circonspects, doit trouver l’appartement à son goût car y volète pièce par pièce en s’attardant tel un huissier sur chaque meuble, chaque œuvre accrochée aux murs sans paraître envisager de sortir, passant à la bibliothèque dont, volume par volume, elle inventorie en vrombissant le contenu jusqu’au moment où Tausk allume la télévision : série américaine, actrice blonde et bustée en plan moyen dans un appartement californien, pourquoi pas. Distraite par ce nouveau spectacle, la mouche vient se poser sur le sein gauche de l’actrice et Tausk, d’une passe magnétique, fait évacuer le diptère.
L’actrice est en train d’expliquer que c’est toi, Burt, qui as fait empoisonner Shirley par Bob dans le but de détourner l’héritage de Malcolm en évinçant Howard avec l’aide de Nancy, tout ça pour épouser Barbara. Que tu n’aimes pas. Et Walter ? As-tu pensé à l’avenir de Walter ? (Cette réplique étant longue et l’actrice ayant besoin de relire le script en plateau pour se la rappeler, sa tirade est interrompue par deux plans de coupe sur Burt qui, de fait, n’a pas l’air d’en mener large.) Tu es un monstre, Burt, diagnostique l’actrice, tu n’auras que ce que tu mérites. Et à l’instant où elle extrait un Smith & Wesson trapu de son sac Prada, voici qu’on sonne à la porte de l’appartement – pas le californien, le nôtre. Que d’action, bon sang, que d’action. »

On dirait du Proust…
Précision: la mouche finira mal.

Si vous aimez cet extrait, vous aimerez le livre.

On y rencontre, en plus du dénommé Tausk, sa femme Constance la mal nommée, un général d’opérette, des agents secrets peu discrets, l’une ou l’autre perceuse (cet engin qui fait des petits trous), un avocat véreux et ses assistantes. On voyage beaucoup en métro, on visite la Creuse, et on fait du tourisme en Corée du Nord.

Jean Echenoz prend son lecteur ravi par la main, et lui fait croire qu’il n’est pas responsable des broutilles par moment sanglantes arrivant à ses personnages.

Un très bon moment.

Amitiés tordantes,

Guy

Jean Echenoz – Ed. Minuit – 313 p.