Le coeur converti

Le titre original (la convertie, de bekeerlinge) me semble plus adéquat.L’auteur est flamand, et même concitoyen.
J’ai lu le livre dans sa langue originale.
Un style superbe. N’ayant pas eu en mains la traduction en français, je ne peux pas en commenter la valeur littéraire.
Un très beau roman d’amour, intemporel et tragique.
Stefan Hertmans possède une maison à Monieux, dans le Vaucluse. Ce petit village lui a donné l’idée de creuser
le destin de deux amoureux qui y ont séjourné il y a un millier d’années.

En l’an 1090, Vigdis habite Rouen. Elle est par son père descendante d’un Viking. La Normandie tient son nom de
ces conquérants venus du Nord, et sédentarisés dans nord de la France. Elle est belle, elle est promise à un
chevalier de noble ascendance. Et elle tombe follement amoureuse du fils d’un rabbin originaire de Narbonne.
Elle fuit avec lui, et rejoint Narbonne, où elle se marie selon le rite juif, et elle prendra le nom de Sarah. Les temps
sont troublés, les croisades tentent de nombreux vagabonds sans foi ni loi. De Narbonne, elle fuit avec David,
son mari, se retrouve à Monieux, où vit une petite communauté juive. Elle y donne le jour à un fils, puis à une fille.
Pour le malheur des amoureux, David est assassiné par des croisés antisémites. Rien de nouveau sous le ciel bleu.
Les deux enfants sont enlevés. Sarah fera tout pour les retrouver. Elle ira jusqu’au Caire. C’est dans cette ville que fut retrouvé au 20e siècle un
manuscrit relatant la fuite et le sort tragique de cette famille.

L’auteur alterne les chapitres racontant la fuite du couple, et ses propres recherches sur leurs traces. Il se révèle un narrateur hors pair. Comme il est également poète, on sent littéralement les effluves de la Provence.

Amitiés sentimentales,

Guy

Stefan Hertmans – Gallimard – 368 p.

Le Meurtre du Commandeur (Livres 1 & 2)

Tome 1 Une Idée apparaît 

Tome 2 La Métaphore se déplace

Murakami est un magicien.

Dans la veine de1Q84 (3 livres), il a imaginé une histoire aussi insensée que passionnante.

Si vous êtes rationnel pur jus, passez votre chemin.Si vous aimez l’imagination de haut vol, la poésie des mots, la transcendance, ce roman est fait pour vous.

Le Commandeur, c’est celui de Don Giovanni de Mozart, qui précipite le séducteur en enfer.

Murakami en fait un personnage burlesque, s’exprimant de façon imagée, apparaissant et disparaissant comme une Idée (oui, celle du premier titre). Et la Métaphore, c’est le voyage initiatique du narrateur, comme l’Orphée de la mythologie.

L’auteur est pétri de culture occidentale: musique classique, littérature, peinture.

Et il reste en profondément Oriental, avec tout l’apport du Japon classique: bouddhisme, peinture nihonga. traditions milnaires.L’histoire en bref. Le narrateur s’installe dans une maison isolée en montagne. Cette maison appartenait à un peintre qui  vécut à Vienne après l’Anschluss par les nazis. Revenu au Japon peu avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, il y est resté plusieurs dizaines d’années, refusant tout contact. Ces lieux fascinent le narrateur, peintre en panne d’inspiration. Toute la subtilité de l’écrivain: tirer parti d’une situation somme toute banale, pour faire planer le mystère, et creuser ses réflexions sur la création picturale.

Un pur chef-d’oeuvre.

Amitiés surnaturelles,

Guy

Un certain M.Piekielny

Si vous avez aimé La promesse de l’aube de Romain Gary, je vous conseille vivement
la lecture de cette petite perle d’un jeune auteur plein de talent.

À la page 64 de l’édition Folio de La promesse, on peut lire …Parmi les locataires du
n° 16 de la Grande-Pohulanka il y avait un certain M.Piekielny. Décrit comme une souris
triste, ce vieux monsieur lui demande un jour: quand tu rencontreras de grands personnages,
des hommes importants, promets-moi de leur dire: au n°16 de la rue, etc. (voir ci-dessus).
Et Romain Gary aurait parlé du petit homme à la Reine d’Angleterre, au général de Gaulle,
et à de nombreux personnages de l’ONU, ambassadeurs, dignitaires divers.
Je ne sais s’il faut faire entièrement confiance à Gary…

Les trois pages consacrées au petit homme disparu dans un four crématoire des nazis
ont inspiré au jeune François-Henri un livre d’une grande délicatesse.
Il laisse courir son imagination autant que Romain Gary, et j’ai trouvé le résultat stupéfiant.

On ne pourrait mieux s’exprimer que ce lecteur qui écrit sur Babelio, le site de lecture:

« Des digressions, des anecdotes aléatoires, de l’humour, une narration débridée et
un doux parfum de littérature. »

Guy

François-Henri Désérable
Gallimard Coll. Blanche

La solitude des nombres premiers

Les nombres premiers ne sont divisibles que par 1 ou par eux-mêmes.
2,3,5,7,11,13,17,19… sont des nombres premiers.
Les nombres premiers sont dits jumeaux s’ils ne diffèrent que de 2.
Par exemple, 11 et 13 sont jumeaux, mais ils sont séparés par un nombre pair.
Pourquoi ces explications?
Voir ci-dessous.

Alice est anorexique. Révoltée contre un père tyrannique, elle est victime d’un accident de ski qui la laisse boiteuse.
Matteo a une soeur jumelle handicapée mentale. Elle perd la vie par la faute de son frère.

Ces deux écorchés vont se rencontrer. Plutôt que s’aimer, ils se frôlent.
Matteo est autiste, de la variété Asperger. Mathématicien génial, il deviendra agrégé, et part dans un pays anglophone
non défini, pour y tenir une chaire de mathématiques. Sa parole à lui passe par les chiffres. Sa parole à elle, par son
corps décharné.

L’auteur est physicien. Aucun diagnostic médical ou psychiatrique dans ce livre brillant et dépouillé.
Il décrit les faits, les échecs dans la communication chez ces deux grands blessés.
Ce livre n’est pas réjouissant, il est simplement et intelligemment construit.
Je n’oserai pas interpréter les intentions de l’auteur. Il a probablement, pour ce qui le concerne,
trouvé une forme de thérapie pour ses difficultés de vie.

Amitiés nombreuses,

Guy.

Paolo Giordano
Points – 352 p.

Fidèle au poste

Chloé, la trentaine, jolie, extravertie, coach dans un club de sport
Gabriel, même âge, beau garçon, introverti, employé de banque
Emma, même âge, plutôt garçon manqué, photographe sans emploi

Gabriel et Chloé s’installent à Saint-Malo.
Chloé se noie. Plouf.
Enterrement et grand tralala.
Gabriel est dévasté.

Il prend part à un groupe de parole destiné aux endeuillés.
Devinez qui est chargée d’un petit travail dans le groupe. Mais oui, Emma.
Ils vont se plaire, ils vont s’aimer.

Un petit grain de sable
Tout part en vrille.
Une fin glauque. Glouglou.

Je n’aime pas qu’une auteure prenne ses lecteurs pour des abrutis.
Incohérences, maladresses de style, et manipulations.
À quand un groupe de parole pour entubés?

La colère est un des péchés capitaux. Comme pénitence, je m’engage à révéler à ceux
qui me le demandent le fin mot de l’histoire.
Une indication: le titre du livre.

Amitiés de profundis,

Guy
Amélie Antoine – Poche – 320 p. (c’est plus que suffisant)

Si ce livre pouvait me rapprocher de toi

Je reste un chaleureux supporter de Jean-Paul Dubois, mon quasi-voisin de Toulouse.

Cette histoire-ci, mettant en scène un xième personnage prénommé Paul, date de l’an 2000.
Paul Peremülter, la cinquantaine, est un homme arrivé au point mort dans presque tous les domaines :
orphelin, le passé de son père disparu est un mystère ; écrivain, la parution de son dernier roman le laisse insatisfait,
sa femme l’a quitté, son chien vient de mourir et son spermogramme est complètement plat…
La dépression n’est pas loin. Après avoir ainsi fait l’inventaire de ses désillusions, Peremülter décide donc de partir vers d’autres horizons.
Ce parcours initiatique le conduit de l’autre côté de l’Atlantique. Là, il va vivre de tous les métiers et de toutes les situations, de
chauffeur pour milliardaire à Miami, en passant par pilote d’air-boat dans les Everglades ou confident pour un businessman new-yorkais désabusé,
avant d’atteindre les terres canadiennes et se baigner dans le lac Flamand (oui, il existe), où son père s’est noyé des années auparavant.
Son voyage se terminera par une résurrection, quand il apprendra le passé véritable de son père.

Amitiés revigorées,

Guy

J.P. Dubois – Points – 224 p.

Les fantômes du vieux pays

On a comparé Nathan Hill à Philip Roth et John Irving pour cette imposante fresque américaine couvrant
une période de 50 ans, de 1960 à nos jours. Il y aurait travaillé pendant 10 ans.
Je serais moins enthousiaste que les critiques américains.

Aux États-Unis, le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, est agressé en public par une femme d’âge mûr,
Faye Andresen-Anderson. Les médias s’emparent de son histoire et la surnomment Calamity Packer. Seul Samuel Anderson,
professeur d’anglais à l’université de Chicago, passe à côté du fait divers, trop occupé à jouer en ligne. Pourtant, Calamity Packer n’est autre que sa mère !
Cette mère qui l’a abandonné quand il avait 10 ans, pour faire sa vie à Chicago.

Retour en arrière: nous sommes en 1968, année de la contestation violente aux États-Unis comme ailleurs. Les assassinats de Martin Luther King et de
Robert Kennedy bouleversent une partie de la population. La guerre du Vietnam est fortement rejetée par une jeunesse universitaire subvertie par les
mouvements idéalistes hérités de la contre-culture hippie. Faye se trouvera mêlée un peu malgré elle à ce mouvement. Elle se retire de toute vie publique,
dans une tentative de reconstruction.

Saut en avant: Samuel retrouve sa mère, accusée d’agression contre un candidat à la présidence.

La construction du livre est complexe, quoique maîtrisée. L’auteur est prof de littérature.

Le plus grand reproche: trop de personnages secondaires. Des digressions infinies (les jeux en réseau pratiqués par Samuel, les détails sur la grande
manifestation à Chicago, les rapports ambigus de Samuel avec une de ses élèves).

Beaucoup d’ambition dans ce livre, beaucoup d’espoir aussi.

Amitiés amphigouriques,

Guy
Nathan Hill – Gallimard – 720 p.

Les bottes suédoises

La suite des chaussures italiennes, ce livre représente une manière de testament pour Mankell, décédé en 2015 à l’âge de 67 ans.

Fredrik Welin, médecin à la retraite, vit reclus sur son île de la Baltique. Une nuit, une lumière aveuglante le tire du sommeil. Au matin, la maison héritée de ses grands-parents n’est plus qu’une ruine fumante.
Réfugié dans la vieille caravane de son jardin, il s’interroge : à soixante-dix ans, seul, dépossédé de tout, a-t-il encore une raison de vivre? Mais c’est compter sans les révélations de sa fille Louise et, surtout, l’apparition d’une femme, Lisa Modin, journaliste de la presse locale.

Méditation sur la solitude, la vieillesse, l’amour et la mort, sans l’air d’y toucher, l’auteur suédois nous laisse un livre linéaire, passionnant, et très humain.

J’ai lu ce livre après un titre de Victor Del Arbol, dont je vous parlerai bientôt. Cet auteur écrit des livres catalogués de choraux. La simplicité de Mankell fait merveille, comparée aux effets de manche du prénommé Victor.

Amitiés baltes,

Guy (15/11/2017)

Henning Mankell – Seuil – 368 p.

Suite et fin des aventures de Fredrik Welin, le chirurgien déchu des « chaussures italiennes », sur son île de la mer Baltique.
Le premier opus de ce diptyque avait fait l’objet d’un post sur ce blog il y a maintenant un peu plus de 7 ans. J’ai gardé un très bon souvenir de ce roman. A l’époque, j’avais effectivement noté qu’il devait y avoir une suite, mais à force d’attendre, j’avais fini par l’oublier. Et puis, le 5 octobre 2015, Henning Mankell est mort d’un cancer avec lequel il se bâtait depuis deux ans. En août 2016, Seuil a publié la traduction française des « bottes suédoises ».
Sur la forme, je trouve que le roman n’est pas très bien écrit. Il y a des lourdeurs et des scènes qui tombent comme un cheveu sur la soupe. Je n’ai jamais considéré que Mankell était un très grand écrivain, mais tout de même, c’était un écrivain confirmé et ses erreurs de débutant sont surprenantes. Ça sent un peu le bouquin ficelé à la va-vite, comme si son éditeur lui avait forcé la main alors qu’il agonisait. Peut-être même que d’autres mains se sont glissées dans l’ouvrage, ce qui expliquerait les erreurs.
Sur le fond, on retrouve l’univers des chaussures italiennes, c’est certain, mais les directions de l’intrigue s’entremêlent, nous plongent dans la confusion, tant est ci bien que l’on finit par ne plus savoir où l’auteur veut nous mener. Le titre est par contre bien trouvé. Esthétiquement, le roman est effectivement au premier opus ce que les bottes de jardinage sont aux Berluti.
Bref, « les bottes suédoises » a tout du succès de librairie assuré et publié dans l’urgence.
Je ne vais pas cracher sur les éditeurs : c’est leur métier, il faut bien vivre. Je peux comprendre Mankell et son souhait de laisser ses royalties à ses ayants droit.
Toutefois, « les bottes italiennes » ne sont pas la dernière image que je veux garder de Mankell. Il y a le commissaire Wallander bien entendu, mais je n’étais pas un grand fan. Je pense surtout à l’homme politiquement engagé, un engagement que l’on ressentait notamment dans l’excellent « tea-bag ». Et puis, « les chaussures italiennes », bien entendu. Je ne veux pas croire qu’il y ait une fin. D’ailleurs, « les bottes suédoises » n’en est pas vraiment une. Je pense que je vais essayer d’oublier ce livre, de penser qu’il n’était qu’un conglomérat de brouillons avec plusieurs pistes qui auraient pu être suivies par l’auteur, mais en aucun cas un roman finalisé. Je préfère continuer à attendre la suite des « chaussures italiennes »
Seuil
Août 2016
Édouard (10/07/2017)

Les heures souterraines

Deux personnages: Mathilde et Thibault.
Mathilde en veut. Elle travaille dans une entreprise qui ne veut plus d’elle.
Thibault est médecin, il travaille aux Urgence Médicales à Paris.

Mathilde s’opposera à Jacques, son chef, sans que le mot soit écrit ou prononcé. Elle s’écroule,
victime de burnout. Comme pour la majorité des victimes de ce syndrome, son entourage professionnel fera tout pour l’enfoncer de plus en plus profondément.

Thibault a dû renoncer à son rêve de devenir chirurgien, il fera lui aussi le constat de son échec professionnel, doublé d’un échec affectif.

Si le personnage féminin tient bien la route, le médecin m’a semblé peu crédible.

Et la question  que chacun se pose: vont-ils tomber dans les bras l’un de l’autre?
Quelle est votre hypothèse?

Antérieur aux grands succès de Delphine de Vigan, cet ouvrage m’a déçu.
Lisez plutôt « Rien ne s’oppose à la nuit », ou encore « D’après une histoire vraie ».

Amitiés surmenées,

Guy

Delphine de Vigan – 326 p.

Cet été-là

Trois couples se retrouvent à Coutainville, en Normandie, pour fêter le 14 juillet.
Petite variation sur un canevas classique, avec les vrais et les faux secrets, les
rivalités cachées, l’ennui distingué, le bruit des vagues.

La dernière page tournée, le lecteur se sent heureux de passer à autre chose.
C’est bien écrit, rien d’autre à signaler.

Amitiés relâchées,

Guy.

Véronique Olmi – Poche – 296 p.