L’Odyssée de l’Endurance

Août 1914, la Grande Guerre éclate mais Sir Ernest Shackleton s’est lancé dans une tout autre bataille : la traversée du continent antarctique de bout en bout.
Et de l’échec – total – de cette tentative, il va faire une victoire : la plus stupéfiante épopée de toute l’histoire de l’exploration polaire.
Modeste dans sa grandeur, avec un réalisme et une ténacité typiquement britannique, dans ces paysages et ce climat d’apocalypse, il fait souffler un vent chaleureux d’humanité.

Pourquoi Sir Ernest Shackleton est-il un héros ? Le bateau n’arrive pas forcément là où il doit arriver et il se fait prendre par la glace. Il dérive… dans la mauvaise direction, évidemment. Le boss se dit qu’il va attendre le printemps et le dégel avant de repartir. Sauf que les mouvements des glaces emprisonnent le bateau et le compressent… jusqu’à le briser. L’équipage abandonne le navire. Au dégel, Shackelton embarque tout le monde sur trois navires et, au bout d’une navigation pas des plus agréables – il fait environ -20°C, les fringues sont toujours
trempées (donc gelées) et les vivres se font rares – arrive sur une île inhabitée qui porte le nom charmant d’île de l’Éléphant.
Shackleton décide alors de prendre cinq hommes avec lui sur un navire pour rejoindre la Géorgie du Sud pour chercher de l’aide. Au bout de quinze jours de navigation, arrivée sur l’île… du mauvais côté. Une seule issue, traverser l’île, montagneuse, chose qui n’a jamais été fait antérieurement. Une fois la traversée faite, les secours sont lancés. Le bateau venu secourir l’équipage resté sur l’île de l’Éléphant y arrivera au bout de trois tentatives et sur une ouverture miracle des glaces.
Et là, une question se pose, sur tous les membres d’équipage, combien ont réussi à survivre sur cette île inhospitalière ? Tous. Tous. Aucun mort dans l’aventure. Le capitaine avait forgé un mental d’acier à son équipage. Comble de l’ironie, une bonne partie perdra la vie sur le front de la Première Guerre mondiale.
Guy
Ernest Shackleton
Libretto – 345 p.

Le Royaume-Uni n’est pas une île

« On s’en sortira mieux sans l’Europe », tel était le leitmotiv des Brexiters. Maintenant que les choses deviennent concrètes, les Britanniques doutent et les Européens vont se poser la question : « Et si l’Europe s’en sortait mieux sans le Royaume-Uni ? ».

Économiquement, les choses ne tourneront pas forcément à l’avantage du Royaume-Uni, en tout cas dans l’immédiat et les délocalisations des centres financiers sur le continent en témoignent. La réaction de la communauté internationale est intéressante aussi : « C’est bien joli l’Empire britannique comme au XVIIe qui redevient le maître du Monde, mais pour le moment, ça ne semble pas très clair donc, comme toujours, on préfère la sécurité et la sécurité c’est l’Union européenne ».

Nombreux étaient les pays européens tentés par l’EXIT, souvent vendu comme un produit miracle par l’extrême droite. Le fait qu’un pays décide de passer le pas, c’est intéressant, mais il ne s’agit pas de n’importe quel pays : l’un des plus vieux du continent qui détient en son sein une grande part du patrimoine culturel européen, un pays riche largement ouvert au libéralisme qui semble effectivement capable de s’en sortir seul.

Peu de pays européens ont cette capacité et même là, la mise en œuvre s’avère extrêmement complexe. J’ai du mal à croire que les Boris Johnson et autres populistes britanniques n’avaient pas pensé à l’Irlande du Nord, mais ils étaient tellement certains que le « Non » l’emporterait… Par contre, je suis persuadé que nombreux sont les partisans du « Oui » qui n’ont pas pensé une seule seconde à l’Irlande du Nord.  Quoi qu’il en soit, l’Européen moyen découvre aujourd’hui que le Royaume-Uni a une frontière terrestre avec l’Union européenne.

Ce simple constat et les considérations historico-politiques attachées à l’existence d’une frontière entre les deux Irlandes rend le « hard Brexit » impossible, sauf à réunifier l’Irlande, mais cela détruirait le Royaume-Uni dans sa forme actuelle. Va pour le soft Brexit ou plutôt, pour le seul Brexit possible (tant qu’on n’a pas démontré que cela était impossible).

Ce n’était certainement pas l’objectif qu’ils poursuivaient, mais en mettant en œuvre le Brexit, les Britanniques se sont attaqués au pire fantasme nationaliste du continent. Tout le monde sait maintenant ce que ça veut dire, sortir de l’Europe : beaucoup de complications, d’incertitudes et au final, un résultat qui, au mieux, ne ressemblera que de très loin à l’objectif initialement poursuivi. La pauvre Marine doit faire face à la plus grande vague de démystification de toute l’histoire de l’Union européenne : déjà que l’UMPS n’existe plus…

La deuxième phase des négociations en 2018 va être intéressante avec une Union européenne qui ne cherchera plus à retenir le Royaume-Uni et ce dernier qui, pour ne pas perdre la face, va essayer coûte que coûte d’aller jusqu’au bout. Wait and see.

Édouard

Confessions d’un jeune romancier

Umberto Eco, entre autres auteur du « nom de la Rose » qui nous a quittés en 2016, était avant tout sémiologue, essayiste et accessoirement romancier (6 romans écrits entre 1982 et 201). Dans cet ouvrage publié en France peu de temps après sa mort, il revient sur son métier d’écrivain.

Ce bouquin, acheté à Strasbourg il y a plus d’un an, traînait patiemment sur le coin de ma table basse, attendant que je daigne m’intéresser à lui et, comme par hasard (serait-ce crédible dans un roman ?), je me suis décidé à l’ouvrir alors même que je me posais des questions concernant la distinction entre l’écriture fictionnelle (romans, nouvelles,…) et non fictionnelle (essais, chroniques, critiques…).

Eco disserte longuement sur la question de l’émotion qu’un personnage de fiction peut faire naître chez nous alors même que nous savons bien qu’il n’a pas d’existence réelle. L’auteur s’arrête à la distorsion entre le personnage fictif et son environnement. Si j’ai bien compris, cette distorsion, par la magie du romancier, nous ferait partager une situation dramatique et réveillerait chez nous une réaction émotive. Analysant ensuite l’écriture non fictionnelle, l’auteur relève que la réalité étant de toute façon impossible à reproduire, ces écrits ne se distinguent pas profondément de la fiction.

L’ouvrage est un pêle-mêle, rassemblant textes et idées que j’avais pour certains lus par ailleurs. J’ai bien aimé ce qu’il dit sur la « contrainte » qui, à partir d’un certain stade d’avancement du roman, va guider l’auteur : la logique et la recherche de cohérence finissant par prendre alors le pas sur la spontanéité imaginative.

Il  évoque à peine ce que j’appelle l’ « incohérence constructive » qui est pourtant pour moi une source majeure de progression dans la construction de l’intrigue :

J’ai écrit au chapitre I que Robert était brun et au chapitre II qu’il était blond parce que je ne me souvenais pas de la couleur de ses cheveux. À la relecture, je peux bien entendu harmoniser la couleur, mais aussi me demander s’il ne serait pas possible d’exploiter dans l’intrigue le changement de couleur de cheveux de Robert.

Ce qu’il dit sur la religion me déçoit. Franchement, j’attendais mieux de celui qui a été ma référence intellectuelle suprême depuis mon adolescence, lui qui était mon maître Yoda en littérature. J’ai enfin compris pourquoi certains athées, qui ont érigé en dogme l’inexistence de Dieu, sont incapables d’imaginer que les croyants peuvent faire un usage pragmatique de leur religion et accepter l’existence de celle des autres sans pour autant se renier.

La disparition physique du maître m’a bouleversé, l’effritement de sa pensée me révolte.

Édouard

2016

Le livre de poche

Le monde selon Garp

Publié en 1978, ce livre reste la référence dans l’œuvre de John Irving.

Cela se passe à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Jenny Fields, infirmière, voudrait un enfant à elle. Mais elle ne veut surtout pas s’encombrer d’un mari. Qu’à cela ne tienne, elle s’arrangera pour se faire féconder par un mitrailleur rentré de la guerre, passablement dérangé cérébralement, mais sexuellement intact.

Dès sa naissance, Garp bénéficie des soins exclusifs de sa mère. Il a hérité d’elle d’une personnalité solide. Élevé dans un collège, la gent féminine se résume à sa mère. Celle-ci se met en tête de devenir écrivaine. Elle fait paraître son premier et seul livre intitulé ‘Sexuellement suspecte’. Tout un programme face à un fils qui, comme c’est bizarre, cherche également à devenir écrivain.

Le titre anglais The World according to Garp, situe mieux les choix de vie de ce garçon sans père. Il cherche à accorder le monde selon ses critères à lui, ce qui ne se passera pas sans anicroche.

Les personnages de ce roman foisonnant ne manquent ni d’humour ni de violence.
Selon l’un d’eux, l’assassinat est un sport amateur de plus en plus répandu.
Garp lui-même, qui pratique la lutte, est intimement opposé à toute forme de violence.
Malgré lui (croit-t-il) il sera mêlé à divers épisodes sanglants.

Voilà un livre où le burlesque côtoie la tragédie. Comme la vie. Selon Garp, le romancier est un médecin qui ne s’occuperait que des incurables… et nous sommes tous des incurables.

John Irving fait partie de mon trio de tête d’auteurs américains, avec Philip Roth et Jim Harrison.

Guy.

John Irving – 680 p.

Les derniers Jedi

Alors que les rebelles continuent à se rebeller contre « le premier ordre » (ex « empire ») dirigé par un Sith et par Ben Solo alias Kylo Ren, fils de Leia Skywalker et de Han Solo et petit fils de Dark Vador ; Rey tente d’apprivoiser le jedi Luke Skywalker (frère de Leia) qui a décidé de se retirer du monde.

Tout ça ne serait-il finalement qu’une histoire de famille ? À un moment, Kylo Ren dit à Rey « tu n’as rien à faire dans cette histoire ». Effectivement, Rey est le grain de sable qui vient perturber le rituel générationnel. Qui est-elle ? D’où vient-elle ? D’où détient-elle ses pouvoirs ? Rey est la première à se poser ces questions. Le bref enseignement délivré par Luke semble mettre fin à l’origine génétique de la Force. La force est ce qui relie toutes choses et chacun semble pouvoir sentir sa présence. On se rapproche donc bien du « QI » de la tradition japonaise. Pourquoi certaines personnes semblent elles mieux dotées que d’autres pour se l’approprier ? Cela reste un mystère. D’ailleurs, la Force des Jedi et des Sith semble en définitive assez modeste comparée aux pouvoirs de Rey qui déplace les rochers sans avoir reçu de formation particulière et sans trop d’efforts alors que le jeune Luke éprouvait dans « un nouvel espoir », de grandes difficultés pour déplacer un sabre laser sur quelques centimètres.

Alors que dans le précédent opus, était présentée une jeune génération animée par le désire de reproduire les exploits des anciens, on sent cette fois-ci une certaine lassitude devant le renouvellement d’un cycle inexorable dont ils seraient prisonniers. Luke a pris la place d’Obi-Wan que Rey vient sortir de l’ombre tout comme Luke le faisait en son temps. Kylo Ren et Rey forment un étrange duo et semblent tous deux chercher à comprendre ce qui distingue le côté lumineux du côté obscur en ayant plus ou moins conscience que la frontière est finalement bien perméable.

J’ai été très surpris par la construction du scénario (un peu décousu je trouve) avec beaucoup de trous pour les esprits rationnels. Contrairement aux récits très structurés des précédents épisodes, on nous présente cette fois-ci un patchwork impressionniste que l’on regarde un peu comme un vieil album de photos sans chercher de fil conducteur particulier. J’ai beaucoup pensé aux « gardiens de la galaxie », car c’est finalement cette apparence d’opéra interstellaire qui prédomine.

Où ira-t-on avec l’épisode IX ? Difficile à prévoir. Kylo Ren est toujours là pour les méchants. Leia, Rey, Finn et toute la clique des sympathiques personnages secondaires (Chewbaka, C3-PO, R2D2, BB8) peuvent encore représenter les gentils. Mais le cycle traditionnel semble définitivement rompu. On nous promet donc un nouvel âge dans lequel les enfants esclaves que l’on voit jouer dans la dernière scène avec les figurines de leurs héros favoris auront peut être un rôle.

Édouard

D’après une histoire vraie

La très talentueuse et très tourmentée Delphine nous raconte une histoire assez hallucinante.
Une certaine L. débarque un jour dans sa vie. Une amitié va se développer progressivement au point que Delphine sera totalement phagocytée par la mystérieuse L., qui l’empêchera
de vivre, et surtout d’écrire.
Roman, autofiction, journal intime, ce livre aux accents de thriller emporte le lecteur dans
un monde onirique et inquiétant.
Il s’agit ni plus ni moins de possession, mais ici le démon se révèle sous les traits d’une femme
intelligente et cultivée.
À vous donner froid dans le dos…

Amitiés ébahies,

Guy.

Delphine de Vigan – Poche- 380 p.

Géopolitique et provocation

Comme presque tout le monde, j’ai été choqué par la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, tout comme j’avais été choqué d’ailleurs en découvrant sur le terrain en 2004 la différence de niveau de vie entre Palestiniens et Israéliens, tout comme je suis enfin choqué par les propos des personnes qui amalgament critique de la politique d’Israël et antisémitisme.

Cependant, Trump semble tellement fou qu’on finit par se demander s’il ne se cache pas parfois des considérations plus fines derrière ses comportements extrémistes.

Bien entendu, c’est mettre de l’huile sur le feu et risquer une nouvelle guerre. Ceci dit, il paraît que l’Arabie Saoudite n’y est pas totalement défavorable pour contrer l’Iran et sans le soutien de l’Arabie Saoudite, on se demande bien ce que peuvent faire les pays arabes.

Il fallait bien qu’une solution soit trouvée à ce conflit qui n’en finissait pas (j’espère qu’il va tout de même y avoir un statut particulier pour le Dôme du Rocher sinon, c’est reparti pour 50 ans). Si c’est le seul moyen pour qu’Israël reconnaisse la Palestine, si cela peut mettre fin à la colonisation sauvage des territoires occupés, c’est peut-être la solution.

J’attends aussi de voir la réaction de DAESH & cie pour lesquels la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël doit constituer une sorte de 11 septembre. Ils n’ont pas d’autres choix que de riposter, c’est ce que tout le monde arabe attend d’eux et s’ils ne le font pas, s’il n’y a pas de riposte majeure, le monde entier et le monde arabe en particulier sauront que l’islamisme est une coquille vide.

Cela nous fera peut-être aussi un peu des vacances. Emmanuel Macron s’est bien indigné comme ses copains, officiellement en tout cas (on ne sait pas ce qu’il a pu dire à Trump au téléphone). Là, Trump dit aux islamistes : coucou, c’est bien moi le méchant, tel Frodon attirant l’œil de Sauron en jetant son anneau dans la montagne du destin.

Donc, on verra bien et si ça pète, ça pétera.

Je ne sais pas ce qu’en aurait dit Jean d’Ormesson, je ne connais pas assez sa pensée. Je n’ai rien lu de lui, mais il en aurait certainement pensé quelque chose. En tout cas, il était toujours très souriant, ça c’est bien.

La seule chose qui m’a vraiment surpris, c’est que Trump décide de faire ça au moment de la mort de Johnny. Il devait vraiment le détester pour lui voler comme ça la vedette et pour allumer le feu, c’est quand même très fort. Bon, il y aurait eu la guerre nucléaire avec la Corée du Nord qui aurait été pas mal aussi…après, si tout le monde est mort, c’est un autre concept.

Ce qui me rassure pour Trump, c’est qu’il n’a tout de même pas osé se déclarer le jour de la sortie de Star Wars. Il ne faut pas déconner avec ça, il y a tout de même des règles à respecter.

Édouard

La disparition de Josef Mengele

34 ans de cavale pour l’ange noir de la mort d’Auschwitz, responsable des crimes les plus abominables du IIIe Reich.

Cet ouvrage a reçu le prix Renaudot 2017. Incontestablement, Olivier Guez est un écrivain d’envergure et nous tient en halène tout au long d’un livre qui se dévore en quelques heures.

Après la défaite, nombreux sont les nazis qui viennent chercher fortune et peut être même un nouvel espoir dans l’Argentine de Perὁn. Mengele fait partie du lot. Malheureusement pour eux, le rêve péroniste s’achève en 52. Alors même que les rescapés nazis se retrouvent sans protecteur, la chasse s’organise, en particulier au sein du MOSSAD créé en 49, service de renseignement du jeune État d’Israël. Les attitudes divergent chez les anciens SS. Il y a ceux comme Mengele qui se réfugient dans l’anonymat et la clandestinité et ceux qui ne peuvent se résoudre à la défaite comme Eichmann. Les deux hommes se détestent. En 1956, « nuit et brouillard » d’Alain Resnais dévoile au monde entier l’horreur des camps. Quatre ans plus tard, le MOSSAD capture Eichmann qui sera exécuté en 1962 à Jérusalem.

Mengele se terre, rongé par la peur, sans d’ailleurs se demander si on le cherche toujours. Il est devenu un mythe du mal absolu, comme les méchants de James Bond. Le MOSSAD a d’autres chats à fouetter et en 1967, la guerre des Six Jours contre l’Égypte éclate.

Terré au fond de son trou, entretenu au Brésil par un couple de Hongrois qui demande à sa famille le prix fort pour assurer sa protection, Josef Mengele voit avec stupeur le monde se transformer pour peu à peu l’oublier. C’est un fossile vivant. Plus personne ne veut plus entendre parler de lui, qu’il soit vivant ou mort.

Le procès de Mengele aurait pourtant fait du bruit. Eichmann était une figure politique, Mengele était un exécutant, un élément clef du processus d’extermination. Auschwitz n’était pas qu’un camp de la mort, il s’insérait dans un tissu économique avec ses rouages de production et ses partenaires commerciaux. Nombreux étaient certainement ceux qui pensaient que Mengele était finalement très bien dans son trou. Dévoré par la maladie et de peur d’être démasqué, il refuse tous soins.

Finalement, en 1985, alors que sort « Shoah » de Lanzmann à l’occasion des 40 ans de la libération d’Auschwitz, on se met, en vain, à sa recherche. Et pour cause, il est déjà mort depuis 6 ans, secret précieusement gardé par tous ceux qui avaient assuré sa protection, en premier lieu sa famille qui dirige la florissante entreprise « Mengele » d’outillage agricole. Elle commencera alors à s’étioler, mais ne s’éteindra définitivement qu’en 2011. Son fils décide de prendre le nom de sa femme. Un nom est mort, vive l’Histoire !

Édouard

Olivier Guez

Grasset

2017

La serpe (Fémina 2017)

Une nuit d’octobre 1941, le château d’Escoire situé non loin de Périgueux, fut le théâtre d’un triple meurtre à coup de serpe. Henri Girard, le fils de famille, qui dormait alors au château, échappa au massacre et fût rapidement soupçonné, incarcéré et jugé. Défendu par l’avocat Maurice Garçon, star du barreau à l’époque, il fut miraculeusement acquitté alors même que plus personne ne croyait à son innocence. Philippe Jaenada reprend l’affaire.

Je ne m’intéresse pas particulièrement aux prix littéraires, mais il se trouve que cette affaire me touche personnellement. Mon père, qui avait 4 ans à l’époque et vivait à moins de 2 km du château d’Escoire, m’en a souvent parlé.

C’est un pavé de 600 pages et l’auteur ne m’a pas paru particulièrement sympathique en particulier dans les 200 premières pages qui n’abordent pas encore l’affaire. Les coups d’encensoir à son éditeur (Julliard), les nombreux renvois publicitaires à son précédent bouquin, l’humour parfois lourdingue, la fausse modestie (« je ne suis pas Balzac », on avait remarqué) et cette habitude «à la Facebook » d’évoquer en permanence sa vie privée deviennent franchement exaspérants.

À partir du moment où l’on rentre dans le vif du sujet, les choses s’améliorent. Comme dans tout roman policier, on a envie de savoir qui à fait le coup. Je fais confiance à l’auteur pour sa rigueur et l’énorme travail de recherche qu’il a effectué. La couverture précise bien qu’il s’agit d’un roman, mais pour moi, c’est plus un essai : la recherche d’une objectivité historique. C’est d’ailleurs ce que j’attendais.

Si Maurice Garçon a pu innocenter Henri Girard, c’est en partie à cause des failles grossières de l’instruction. Son génie aura toutefois été de retourner le jury alors que tout le monde se serait satisfait de la condamnation (sauf le condamné J ).

La thèse de Jaenada, à laquelle Maurice Garçon pensait visiblement aussi, est possible, voire même probable, mais est teintée d’une profonde tristesse. Henri y a certainement deviné la vérité et c’est probablement la raison pour laquelle il ne s’est pas acharné dans la recherche du vrai coupable. Le « golden boy » meurtrier,  miraculeusement innocenté, est un scénario bien meilleur, un peu comme la corde brisée du pendu qui émerveillait tant au moyen-âge.

Bien sûr, si Jaenada a raison, on regrette les 19 mois d’emprisonnement infligés à Henri. Ceci dit, cette incarcération va changer sa vie. Après s’être enfui au Vénézuéla, il réapparaitra après la guerre dans les milieux intellectuels sous le nom de Georges Arnaud, Ami de Leo Ferré, de Jacques Vergès et de Gérard de Villier, il sera notamment l’auteur du « salaire de la peur » que Clouzot immortalisera à l’écran.

Édouard

Philippe Jaenada

Jullard

2017