Edition et destin

Bientôt quatre mois que j’ai commencé cette chronique. Certains de mes fidèles lecteurs commencent peut-être à s’impatienter et se demandent : qu’est ce qu’il attend ? Si tel est le cas, ils auront bien raison de se poser la question. Moi-même, je me demande si ce luxe de précautions ne cache pas en fait quelque chose de plus profond. Une angoisse ? La peur de se faire jeter par les maisons ? La peur de ne pas être reconnu ? Et si ses peurs n’étaient en fait rien comparées à deux autres : la peur d’être reconnu ? La peur de trouver un éditeur ?
Oui, c’est angoissant et grisant, l’inconnu. C’est angoissant d’entrer dans un monde où vos premiers pas risquent fort d’être maladroits puisque c’est un monde que vous ne connaissez pas.
Avant d’aller plus loin, je souhaite souligner le fait que jusqu’à maintenant, j’ai essayé d’avoir une vision raisonnée de la démarche éditoriale. Plus on avance, plus cette vision semble abstraite. A-t-elle vraiment un sens si elle ne tient pas compte des mille et un concours de circonstances, heureux hasards et malchances qui font qu’un livre va être édité ou non (plantage d’ordinateur, mail qui ne fonctionne pas, courrier perdu, rencontres inattendues, conseils de dernière minute…) ?
Il est bien entendu difficile de schématiser ses aléas, tant ils sont particuliers à chaque auteur. Pour illustrer mes propos, je souhaite toutefois rapporter un événement singulier que je ne vois pas à qui attribuer, sinon à une facétie du destin.
Il y a une semaine, j’ai été contacté par une maison d’édition allemande : les éditions universitaires européennes. Ce n’était pas pour l’édition de mon roman, cela eut relevé du surnaturel. L’ouvrage qui intéressait « les éditions universitaires européennes » était…mon mémoire de fin d’études . Il s’agit là d’un ouvrage réalisé en 2001 au titre hautement romantique : « la rédaction de mémoires en défense devant les juridictions administratives ». 9 ans !! Je l’avais presque oublié. Retrouver la version informatique ne sera pas chose facile. Comment m’ont-ils trouvé ? Pourquoi moi ?
Ce livre ne verra peut-être jamais le jour. Il n’en reste pas moins que, d’une manière totalement inattendue, me voilà concrètement lié au monde de l’édition.
PS Message aux lecteurs du blog. Ce blog n’étant pas un forum, je ne répondrai pas publiquement aux commentateurs. Par contre, je me ferai un plaisir de leur répondre en particulier. Pour cela, l’usage d’« écrivez-moi » ( tout en bas de la colonne de gauche) me semble idéal.

Edouard

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La position du tireur couché

Martin Terrier, fils d’un prolo alcoolique, n’a jamais connu sa mère. Pour les beaux yeux d’Alice, une bourge du lycée, il quitte sa province et se donne 10 ans pour arriver à un niveau social digne de sa bien-aimée. Il deviendra soldat, puis mercenaire et enfin tueur à gages sous le pseudonyme de « Christian ». Quand le glas des 10 ans sonne, Martin se rend compte qu’on ne sort pas d’un milieu tel que le sien comme d’une boulangerie.

Après « le petit bleu de la côte ouest » en 2005, Jacques Tardi adapte à nouveau en BD un classique de Jean-Patrick Manchette. Les amoureux du roman noir seront comblés. Le noir, c’est tout d’abord le trait incomparable du dessinateur, particulièrement efficace pour illustrer le récit. Le noir, c’est ensuite les codes du genre : violence, sexe, alcool, complot qui dépassent l’individu…le noir, c’est enfin une critique amère sur la cruauté des rapports amoureux et sur le déterminisme social.
Finalement, Martin avait un petit cœur beaucoup trop mou (comme dirait Olivia Ruiz) et était beaucoup trop naïf pour naviguer dans le milieu dans lequel il voulait se faire un nom.
Pour résumer, on pourrait dire que « la position du tireur couché » est une sorte de « cauchemar américain ».

Une seule lecture de la BD n’est pas suffisante pour s’imprégner de toute sa saveur, elle doit être dégustée en trois fois comme le thé des touareg qui, de tasse en tasse, est amer comme la mort, sucré comme la vie et doux comme l’amour. A lire, relire et rerelire sans modération.

La position du tireur couché
Manchette-Tardi
2010

Edouard

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Le Floch fait plouf!

Les fidèles de France2 sont maintenant habitués aux acrobaties du marquis de Ranreuil alias Nicolas le Floch, le commissaire costumé, héros du diplomate et écrivain Jean-François Parot, qui officie dans le Paris de Louis XV. Hier, une fois n’est pas coutume, Nicolas était envoyé dans la campagne bordelaise pour résoudre le mystère d’une série de meurtres perpétrés, au dire de quelques paysans…par une bête sortie des enfers.

La ressemblance de cet épisode avec l’histoire archiexploitée de la bête du Gévaudan n’aura échappé qu’aux moins de 10 ans. Pour que l’intrigue ne se résume pas à un vulgaire copier/coller du « pacte des loups », le réalisateur ajoute quelques éléments de son cru. Autour de la bête rendue encore plus bête par son maître, un aristocrate dépravé, sadique et impuissant, les cinéphiles auront ainsi retrouvé de nombreuses références allant des « chasses du comte Zaroff » à « Thelma et Louise » en passant par « Nosferatu ». Les fans de Mylène Farmer et les trentenaires nostalgiques du clip de « pourvu qu’elles soient douces » y auront certainement aussi trouvé leur compte avec la rousse flamboyante sadomasochiste et non moins fatale qui campe une méchante vraiment très méchante qui a une copine nécrophile (un peu too much ?).

L’ensemble est divertissant, il est vrai, mais manque cruellement d’originalité. Une belle salade de fantasmes pour téléspectateurs du vendredi soir fatigués par leur semaine de boulot.

Edouard

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Brooklyn follies

Fin des années 90, Nathan Glass, sexagénaire usé par la vie et en rémission d’un premier cancer, débarque à Brooklyn pour poursuivre une vie dont il n’attend plus grand-chose. Par le plus grand des hasards, il retrouve Tom, son neveu et ex-meilleur espoir de la famille, qui est devenu obèse et vendeur dans une librairie. Avec Harry, le patron de Tom, un ancien taulard homosexuel, l’oncle et le neveu vont former un beau trio sans avenir jusqu’au jour ou Lucy, la fille de la sœur de Tom, va faire son apparition.

J’avais entendu parler de Paul Auster, mais je n’avais jamais rien lu de lui. C’est chose faite et je ne suis pas déçu du voyage.

Brooklyn follies commence comme un remake du big Lebowski des frères Coen dans lequel on aurait fait jouer des personnages d’Almodovar. Cela ne dure cependant pas et Paul Auster fait évoluer l’intrigue en souplesse pour l’amener vers quelque chose de plus joyeux qui fait penser à la saga Malaussène de Daniel Pennac. Ce livre pourrait ainsi se résumer dans la phrase de Malraux : « La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie ».

Brooklyn follies, c’est aussi une réflexion sur l’Amérique telle qu’elle était juste avant le 11 septembre, une Amérique brinquebalante et rapiécée qui était déjà bien mal en point avant l’effondrement des Twin Towers.

Bref, un ouvrage bien écrit, faussement désabusé, tendre, fin et plein d’humour dans lequel l’auteur n’hésite pas à jouer avec le lecteur.

Brooklyn follies
Paul Auster
2008
Le livre de Poche

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