Les voix du Pamano

Antérieur à Confiteor, que j’avais adoré, ce livre-ci en présente déjà toutes les qualités narratives.
Le petit village (imaginaire) de Tolena, en Catalogne, a connu des jours fort sombres pendant la période phalangiste suivant la guerre civile d’Espagne.
Années 2000: Une jeune institutrice découvre dans l’école 4 cahiers cachés derrière un tableau. Ces cahiers vont faire revivre l’histoire de ce village et plus particulièrement celle d’Oriol Fontelles , instituteur phalangiste . Comment ce jeune instituteur tout nouveau
dans la région avec son épouse en est-il arrivé à fréquenter l’ancien maire franquiste pendant les années 40?

Une nuée de personnages demande un effort constant de lecture pendant les 200 premières pages.
Les dialogues font des bonds de plusieurs années dans le temps. Une fois ce procédé assimilé, le lecteur peut vraiment déguster une histoire qui passe du tragique à la dérision sans temps morts.

Le personnage le plus fascinant: la belle et sulfureuse Elisenda qui se met en tête de faire béatifier Oriol. Rien de moins. Même le pape Paul VI est obligé de s’accrocher à son trône quand Elisenda le rencontre en audience.

Dans Confiteor également, on fréquente le Vatican de façon très peu catholique.
Si Jaume Cabré bouffe du curé, il le fait de façon particulièrement assaisonnée.
La Catalogne n’a pas encore dit son dernier mot.

Amitiés dominus vobiscum,

Guy
Jaume Cabré
Poche – 762 p.

Au cœur des ténèbres

Le Congo belge à la fin du XIXe siècle.
Cette nouvelle de Conrad est un grand classique de la littérature. J’ai eu beaucoup de mal à la lire, peut-être que cela a un peu vieilli, peut être que je ne suis pas un grand fan des récits d’aventures à l’ancienne, mais il y a autre chose évidemment et je ne regrette pas ma persévérance.
Tout d’abord, il y a ce point de vue sur le colonialisme auquel je ne m’attendais pas du tout. Je n’avais jamais imaginé que la découverte du continent par les Européens avait pu être un traumatisme non seulement pour les indigènes, mais pour les colons eux-mêmes, une source de terreur menant à la folie et aux pires comportements. J’ai pensé à « Aguirre ou la colère de Dieu » de Werner Herzog, le film de 1972 avec Klaus Kinski, la fièvre de l’or des conquistadores étant ici remplacée par la fièvre de l’ivoire.
Ce qui est terrible aussi, c’est ce décalage entre la réalité sordide et pitoyable et la vision de la colonisation très idéalisée de l’Europe. Je comprends aujourd’hui le cynisme effroyable de « Tintin au Congo ». Dans « Tintin au pays des soviets », Hergé dénonçait la falsification de la réalité par les soviets, mais avec les aventures africaines du reporter, il devenait lui-même acteur d’une falsification historique.
Et puis, il y a cette écriture incroyablement oppressante. On a l’impression de lire le récit d’un homme nous décrivant la Terre le nez collé contre une mappemonde. On devine des reliefs, quelques noms, des océans, mais on ne sait finalement pas du tout où l’on est. Et puis soudain, des cris, une agitation, une danse de javelots et de flèches, une panne de moteur, un crocodile sur le rivage. On prend espoir, on se dit que l’on va en savoir enfin un peu plus. Mais non, on n’en saura pas plus et plus on progresse, plus l’obscurité s’épaissit.
Le nom de Kurtz revient souvent. On comprend que le but du voyage est d’aller à la rencontre de ce personnage d’une cruauté inouïe et rongé par la folie assis sur un tas d’ivoire. Quand l’expédition le trouve enfin, il est au bord de la mort. J’avais même compris qu’il était tout à fait mort, mais comme il parle peu après sa découverte, c’est sans doute qu’il ne l’était pas. Ou alors, Kurtz est un fantôme ? L’état de l’enveloppe charnelle de Kurtz n’est finalement pas très important. Il semble depuis longtemps dépassé et immortalisé par sa légende.
De retour en Europe, le personnage principal, rencontre la veuve de Kurtz. L’échange est bref et Marlow ne lui dira pas la vérité, sans doute de peur de la choquer, d’ajouter de la tristesse à son veuvage, de ternir inutilement l’image d’un mort, mais aussi parce que la vérité est indescriptible, incompréhensible pour les Européens. On ne parlait pas à l’époque de syndrome post-traumatique, mais c’est un peu l’idée. Pas étonnant que Coppola se soit inspiré du scénario d’ « au cœur des ténèbres » pour réaliser « Apocalypse now ».

Édouard

Fidèle au poste

Chloé, la trentaine, jolie, extravertie, coach dans un club de sport
Gabriel, même âge, beau garçon, introverti, employé de banque
Emma, même âge, plutôt garçon manqué, photographe sans emploi

Gabriel et Chloé s’installent à Saint-Malo.
Chloé se noie. Plouf.
Enterrement et grand tralala.
Gabriel est dévasté.

Il prend part à un groupe de parole destiné aux endeuillés.
Devinez qui est chargée d’un petit travail dans le groupe. Mais oui, Emma.
Ils vont se plaire, ils vont s’aimer.

Un petit grain de sable
Tout part en vrille.
Une fin glauque. Glouglou.

Je n’aime pas qu’une auteure prenne ses lecteurs pour des abrutis.
Incohérences, maladresses de style, et manipulations.
À quand un groupe de parole pour entubés?

La colère est un des péchés capitaux. Comme pénitence, je m’engage à révéler à ceux
qui me le demandent le fin mot de l’histoire.
Une indication: le titre du livre.

Amitiés de profundis,

Guy
Amélie Antoine – Poche – 320 p. (c’est plus que suffisant)

Azimut

Le blog a fêté ses huit ans en mai. Cela faisait huit ans que je bricolais dans mon profil d’administrateur en me demandant toujours à quoi pouvait bien servir telle ou telle fonctionnalité. Au début de l’année, j’ai enfin compris que mon blog était un blog WordPress remanié par Le Monde. Il faut dire à ma décharge que cette parenté n’est pas particulièrement valorisée sur l’interface administrateur, même si elle n’est pas niée. Qui va regarder ce qui est écrit en bas des pages ? Je me suis alors demandé si les difficultés rencontrées pour faire évoluer le blog étaient liées à un manque de compétences personnelles ou à une volonté du Monde de freiner les velléités trop aventureuses. J’ai donc fait l’acquisition de « WordPress pour les nuls » dont la dernière édition est sortie au printemps et j’ai trouvé la réponse qui est bien entendu « les deux ». L’apport principal du bouquin est de m’avoir bien fait comprendre la distinction entre « catégorie », « menu » et « widgets » sans quoi tu te heurtes toujours à des difficultés insurmontables.
Fort de mes nouvelles compétences, j’ai commencé à me demander ce que je pouvais faire pour améliorer « jet d’encre » et la première chose qui m’est apparue et que ce nom choisi il y à deux ans ne me convenait plus. Il y avait quelque chose de gênant dans ce nom, comme une agressivité industrielle dépourvue d’émotions. C’était peut-être le cas en 2012-2013 quand mon principal souci était de remplir le blog avec Guy et Martine, mais ce n’est plus le cas.
Ce que je souhaite aujourd’hui, c’est proposer des clés d’analyse, de faire réfléchir, de créer du lien. Avec Google analytics, je sais mieux ce qui intéresse les visiteurs. Je ne trouvais pas le nom alors, j’ai cherché dans les synonymes d’« Antidote » et j’ai flashé sur « Azimut ».
Ce mot à la fois sympathique et savant d’origine arabe, indispensable à la navigation en haute mer correspondait parfaitement à l’objectif poursuivi dans mes critiques et chroniques, mais moins il est vrai aux textes de fiction et à Georges en particulier.
C’est la raison pour laquelle les aventures de Georges sont en train de migrer sur « Shortédition ». Il sera encore possible d’y accéder par la rubrique « du côté de chez Georges », mais tous les liens renverront sur « Shortédition ».
J’ai voulu moins axer le blogue sur l’écriture et la littérature et à ce titre, j’ai créé un menu qui n’existait pas pour les chroniques. J’ai supprimé la page « blog à part » car je ne pense plus que ce soit la peine d’insiste sur le fil conducteur de la création du blog. Il y a eu des hésitations, des fausses pistes, des retours en arrière, de nouveaux supports et outils. Tout ça n’est pas bien linéaire. Toutefois, les articles sont toujours là, accessibles par CHRONIQUES/Écriture. Ayant enfin compris ce qu’était un « thème », j’en ai choisi un qui avait un bandeau latéral pour y mettre les trois thématiques qui me tiennent le plus à cœur : l’Europe, le fanatisme et la religion.
Mais l’évolution majeure d’ « azimut » est la place donnée au Multimédia. Nous sommes dans une civilisation de l’image. C’est pourquoi j’ai recréé la rubrique « cinéma », abandonnée pendant quelque temps. C’est aussi la raison pour laquelle tout article est aujourd’hui associé à une image. Le rapport entre l’image et le texte n’est pas toujours évident, mais il y en a toujours un. À vous de le trouver.

Édouard