La grammaire est une chanson douce

Les bases de la grammaire française racontée aux enfants et aux adultes ayant oublié les bases de la grammaire et/ou leur âme d’enfant.
Il y a beaucoup de livres que j’ai lus trop jeune, mais celui-là, j’aurais aimé le lire à l’école primaire. Il ne date cependant que de 2003, ce qui est un peut tard pour moi. Je n’aimais pas la grammaire, n’y trouvant aucun intérêt. Je n’aimais pas non plus la conjugaison ni l’orthographe et j’écrivais comme un cochon. C’est venu plus tard, beaucoup plus tard…mais j’adorais la lecture et nul doute que si on m’avait fait lire à l’époque le livre d’Erik Orsenna, les choses auraient été différentes.
Je n’avais jamais rien lu de lui. Son style est d’une fluidité extraordinaire tant est si bien qu’au début de l’ouvrage, j’engloutissais les mots tellement vite qu’il m’était impossible de suivre l’intrigue. J’ai cru tout d’abord que c’était seulement une succession d’historiettes, de TTC comme ils disent chez Shortédition que je remercie au passage de m’avoir envoyé ce livre pour mon noël. Quand le débit s’est calmé, la structure a commencé à apparaître. Je n’avais jamais imaginé que le style pouvait être un régulateur de flux, le robinet des mots.
C’était aux environs des mots oubliés. Les mots, comme les dieux et les fées, meurent si on les oublie. Moi j’aime bien les mots « torve » et « chafouin », j’essaie de les employer dès que possible.
Après, les mots tant redoutés dans mon enfance sont apparus : nom, pronom, article adverbe, verbe…quelle horreur, je les avais maudits à l’époque, ils me rappellent des listes que je trouvais alors sans queue ni tête que je réussissais péniblement à apprendre pour les oublier à la sortie du contrôle. Elles étaient imprimées sur des stencils à l’odeur si particulière…l’encre bavait un peu. J’ai pensé alors que c’était le moment de faire un voyage dans le temps, de gommer de ma mémoire tous les enseignements grammaticaux dont il ne me reste qu’une vague souffrance et de les remplacer par tous ces petits personnages à l’allure si joyeuse se donnant la main, faisant des rondes et évoluant dans un paysage à la Candy Crush, guidés par les verbes donnant le tempo.
– Qu’est ce qui ne va pas la conscience ? Je vois bien ton petit regard chafouin. Tu vas me faire ensuite le coup de l’œil torve.
– C’est interdit. Le passé est gravé une fois pour toutes, il est sacrilège de vouloir le changer ;
– Oh, pour une fois. Je suis bien d’accord qu’il y a des choses du passé auxquelles on ne peut et on ne doit pas toucher, mais tout de même, les cours de grammaire de l’école primaire, c’est bien anodin.
– On commence par les cours de grammaire…
Edouard

Erik Orsenna
2003
Le livre de poche

Un bisou pour Lili

 

Vis-à-vis de la recherche du temps perdu, je suis comme un plongeur acrobatique qui regarde la piscine d’en haut et qui pense « ah ouais, c’est haut quand même ». Je multiplie donc les préliminaires avant d’aborder les mots célébrissimes : « longtemps je me suis couché de bonne heure ». C’est dans ce contexte qu’est arrivé le mail de Carole, rencontrée il y a quelques années dans un atelier d’écriture, annonçant la publication d’ « un bisou pour Lili », son premier livre, dans la catégorie 2-5 ans, traitant notamment de l’épineuse question du baiser maternel du soir. Mon sang n’a fait qu’un tour : « voilà un ouvrage qui m’aidera certainement à mieux comprendre l’élément originel du mastodonte proustien ».

Lili est une adorable petite souris (bravo à Charlie Pop pour les illustrations) qui passe sa première soirée sans ses parents, qui la font garder par sa tante Olga.
Terrible angoisse chez la petite fille : comment le rituel bain, pyjama, repas, histoire, bisou, dodo, va-t-il pouvoir se dérouler en l’absence des chefs d’orchestre habituels ? Heureusement, la tante Olga est là pour lui donner des outils lui permettant de répondre à cette question.

Le bain : bien joué le coup du chat qui mange les petites souris sales. Lili, qui, comme tous les enfants, aime avoir peur, mais pas trop, adore la mise en scène et se frotte aussi vite qu’elle peut.
Le pyjama : c’est Lili elle-même qui va le mettre, comme une grande.
Le repas : trop forte la tante Olga, bonne idée de faire participer Lili à la préparation du dîner. Des frites de gruyère, ce n’est pas super diététique, mais bon, c’est une petite souris, on va dire que ça passe.
L’histoire : « le rat qui avait peur des souris ». Génial cette peur inversée juste avant de plonger dans les bras de Morphée. Comme ça, pas de cauchemar, traversée fingers in the nose du pays des rêves.
Le bisou : il y a d’abord le bisou d’Olga. Lili l’aime bien Olga, mais ce n’est pas sa maman, et encore moins son papa. Elle est un peu triste. Que faire ? Olga a deux atouts dans sa manche, des bisous en papier dessinés par les parents de Lili. Sans doute Olga avait elle été briefée pour ne les sortir qu’en cas de besoin. Choix cornélien pour la tante qui doit évaluer en quelques secondes si la petite fille est ou non prête à aborder la nuit sans le sésame de ses parents. Lili sent peut-être aussi quelque chose et exagère un peu son besoin. Peut-être même que sa maman lui avait parlé d’une ultime surprise. Quoi qu’il en soit, Olga craque et sort ses jokers.

Si Proust avait eu une tante Olga, il n’aurait peut-être jamais écrit « la recherche du temps perdu ».
Carole Bauvers-Charlie Pop
Larousse jeunesse
2013

Edouard

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Raiponce

Quand Raiponce vient au monde, les soldats du roi partent à la recherche d’une plante magique qui sauvera sa mère d’une mort certaine. La reine sera sauvée et les cheveux de la petite fille hériteront des pouvoirs de la plante. Pour que la magie opère, ils ne doivent pas être coupés. C’est pour cette raison que la princesse est enlevée peu de temps après sa naissance par une sorcière en quête de jeunesse éternelle.
Raiponce restera 18 ans enfermée en haut d’une tour jusqu’au jour où Flynn Rider, le bandit le plus recherché du royaume, décide de s’y réfugier.

Le scénario du dernier Disney ne manque pas d’originalité. C’est vrai, il n’est pas totalement made in Hollywood puisqu’il est inspiré d’un conte écrit au 17e par une aristocrate française. Il n’en reste pas moins que l’adaptation ne manque pas de charme. Le charme de la princesse bien entendu, aussi hardie qu’ingénue et qui nous déchire le cœur avec ses grands yeux. Flynn est peut-être un peu fade. Comme bandit, il fait pale figure comparé à ceux de la bande de malfrats fêlés qui viennent en aide aux tourtereaux. La palme revient à Maximus, le cheval de Flynn qui a…une personnalité bien à lui.
Les chansons sont bien placées et la 3D ne fait pas trop mal à la tête.
Les psychanalystes y verront sans doute aussi une charge pour l’émancipation des jeunes filles et contre le pouvoir néfaste des mères abusives.

Mais il y a autre chose dans Raiponce, une chose que l’on pense entrevoir derrière cette histoire étrange de cheveux magiques sans que l’on parvienne toutefois à la définir clairement : une magie que l’on cherche finalement plus à goûter qu’à dévoiler.

Un très beau dessin animé pour petits et grands.

Edouard

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Max et les maximonstres

Avec Max et les Maximonstres, le réalisateur de « Dans la peau de John Malkovich » abandonne l’esprit torturé de l’acteur américain pour celui du jeune garçon du célèbre conte de l’école des loisirs.

Max est un enfant débordant d’imagination, mais rongé par l’ennui. Entre un père absent, une grande sœur qui commence à construire sa vie et une mère qui essaie de reconstruire la sienne, il se sent complètement délaissé. Affublé de son inséparable déguisement de loup, il trompe sa solitude en rendant infernale la vie de son entourage.
Sans transition, ou presque, par un tour de passe-passe cinématographique, on plonge dans l’inconscient de Max qui se retrouve sur une île peuplée de monstres qui tiennent autant des personnages de l’émission des années 70 « un rue Sésame » que des pauvres hères des tableaux de Jérôme Bosch : les Maximonstres qui comme Max, s’ennuient.
D’abord pourchassé par les Maximonstres, il va réussir à les convaincre de faire de lui leur roi en leur promettant monts et merveilles.
Une fois sacré, comme Ubu, Max impose à ses sujets son bon plaisir, mais contrairement au héros d’Alfred Jarry, il va finir par se rendre compte qu’après l’euphorie du moment, l’ennui revient. Max réalisera qu’en l’absence de censeur, la transgression n’a plus beaucoup de saveur et s’apercevra que les cabrioles et les bagarres peuvent mal tourner. Il finira par reconnaître qu’on ne peut vivre sans règles, sans compromis et sans frustrations.
C’est en acceptant la dure réalité qu’il finira par retrouver la joie de vivre en devenant…un grand garçon.

‘Max et les Maximonstres » n’est pas un film pour enfants même si sa mise en scène et le livre dont le scénario est tiré peuvent le laisser penser. S’il parle à des enfants, c’est à ceux que nous ne sommes plus ou, plus exactement, que nous pensions ne plus être.
Sans doute, le séjour de Max sur l’île est-il un peu long et sa tristesse, comme celle des monstres, un peu trop appuyée. Peut-être est-ce une façon de dire que le « merveilleux » du monde des enfants ne peut exister qu’en « négatif » de celui des adultes. Peut-être enfin, est-ce le seul moyen de rouvrir au plus profond de notre inconscient, des portes que l’on croyait à jamais fermées.

Bref, « Max et les Maximonstres » est un beau film plein de sens, mais à voir que si l’on est disposé à se prendre un peu la tête.

Edouard

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