0,22€

Ma vie d’auteur a commencé en février 2011 avec la publication de mon premier ouvrage aux éditions universitaires européennes : « la rédaction de mémoires contentieux en droit de l’urbanisme » (voir « édition et rectangle »). Je le reconnais aujourd’hui, le titre était certainement un peu osé pour l’époque, cela expliquerait pour partie qu’il n’ait pas trouvé son public. Pour des raisons qu’il serait trop long d’expliquer, je n’arrive plus à accéder à mon compte sur le site des éditions universitaires européennes, je ne sais donc pas à ce jour si je suis devenu millionnaire, mais aux dernières nouvelles, je n’avais pas vendu un seul exemplaire. Ceci dit, ce petit ouvrage (j’avais reçu un exemplaire gratuit) m’a tout de même permis de me la péter un peu au boulot.

J’étais alors sur l’écriture d’un premier roman qui n’a pas trouvé non plus son public, faute de trouver un éditeur et en juillet 2012, mes fantasmes financiers en prenaient un coup (voir « édition et pognon »).

En juin 2013, ce fut le début de la gloire avec la publication de la première aventure de Georges sur Shortédition (voir « Georges édité »). Cela a été l’origine d’une collaboration certes sympathique, mais financièrement infructueuse, n’étant jamais allé très loin dans la compétition.

Début 2016, je reçois une petite boîte de bonbons Shortédition pour me remercier de ma fidélité, étant entre-temps devenu membre du comité éditorial. J’entrais incontestablement dans un processus commercial. De plus, cet outil s’est avéré d’une grande utilité professionnelle, coiffant au poteau trombones, agrafeuse et autres tampons (je ne parle pas de la gomme, car je n’utilise pas de crayon à papier). En effet, un « vous voulez un bonbon ? », judicieusement placé dans une discussion délicate, peut permettre de dénouer bien des situations.

Mais ce n’est pas tout. Ce matin, en allant sur le site de Shortédition, je trouve un document certifiant que ma nouvelle « Aux origines de l’Union européenne » m’a rapporté la coquette somme de… 0,22€ !! Certes, je ne toucherai pas ce pactole puisque les droits d’auteurs ne peuvent être perçus qu’à partir de 10€, mais tout de même, ce n’est pas rien, d’autant plus que la nouvelle en question est extraite du fameux roman qui n’avait pas trouvé d’éditeur. Le retour sur investissement était en marche ( voir « édition et impression »).

Conclusion : si l’aventure de l’écriture vous tente, ne perdez jamais espoir, sachez vous contenter de peu et surtout, profitez de l’instant présent, car en définitive, il n’y a que cela qui compte.

Edouard

Paris-Brest

Très bonne surprise: un roman familial qui passe allègrement du noir au pastel, dans un style de classe: classes sociales et classieux.

Le narrateur, prénommé Louis est entouré d’un père absent (sauf pour quelques grivèleries), d’une mère qui m’a rappelé Folcoche de Hervé Bazin, d’une grand-mère qui voit une petite fortune lui tomber du ciel, et d’un frère footballeur professionnel. Agitez, et vous obtenez un mélange hautement explosif. out cela dans le genre velouté, et une écriture que quelqu’un a qualifiée de verglacée.

On veut faire main basse sur l’argent de la vieille, mais on respecte les convenances.
Cas de conscience garanti…

Les révélations se font au compte-gouttes, ce serait donc plutôt un style d’apothicaire.

Comme chacun sait, les Bretons ont la tête dure. L’auteur est breton, les personnages également. Les parents de Louis ont même le culot de dire que le Languedoc-Roussillon est la plus vilaine région de France, obligés qu’ils sont de s’exiler à Palavas-les-Flots pour y vendre des cartes postales. Allez, je ne vous en veux pas, les amis, vous m’avez fait passer un bon moment.

Amitiés ensoleillées (aux dernières nouvelles, il a beaucoup plu cet été en Bretagne, bien fait pour vous),

Guy.

Tanguy Viel – Ed.Minuit – 190 p.

Clés des songes et science des rêves

Une brève histoire de l’interprétation des rêves de l’antiquité à Freud.

Le rêve nocturne est la preuve la plus évidente de l’existence d’une réalité qui échappe au monde sensible. Quelle est cette réalité ?

Dans l’Ancien Testament, il est bien question d’un rêve prémonitoire de Pharaon décrypté par Joseph. Dans le nouveau, c’est par songe que Dieu dissuade les rois mages de revenir voir Hérode  après s’être prosternés devant l’Enfant Jésus.

Les auteurs de cet ouvrage collectif s’intéressent cependant peu à la signification biblique du rêve. L’enquête commence au IIe siècle apr. J.-C., avec un certain Artémidore de Daldis auteur d’une clé des songes qui fera autorité jusqu’à la renaissance, influençant les travaux d’un de ses célèbres contemporains : Galien, qui sera longtemps considéré comme un maître à penser de la médecine.

L’intérêt de l’ouvrage ne réside pas pour moi dans l’interprétation concrète des rêves qui est d’ailleurs peu développée, mais dans la fragilité de la frontière séparant le monde de l’occulte de ce qui ne l’est pas.

Associé à la médecine, le pouvoir curatif de l’interprétation du rêve a pendant longtemps été reconnu. Cependant, la médecine de la fin de l’Empire romain et du moyen âge aura un statut particulier, imprégné d’un parfum vaguement sulfureux frisant avec la magie.

Relégué au rang des superstitions au XVIe siècle, tant par le camp catholique que par celui des protestants, l’interprétation du songe réapparaîtra au XVIIe sous une forme plus littéraire, préfigurant le romantisme du XIXe, l’interprétation du rêve devenant une forme de divertissement à laquelle on feint de croire, un peu comme les horoscopes aujourd’hui.

Les conditions de la reprise de la thématique onirique par Freud dans un siècle épris de voyance et d’occultisme jettent un éclairage intéressant sur le contexte de l’avènement de la psychanalyse. Il y a une volonté manifeste des auteurs d’établir une filiation entre Artémidore et Freud qui aurait redonné un pouvoir curatif au rêve.

Sans vouloir polémiquer sur la valeur curative de la psychanalyse, je trouve dommage qu’un ouvrage sur le rêve publié en 2016 s’arrête aux travaux d’un homme mort en 1939. Rien n’est dit sur les travaux de Michel Jouvet à la fin des années 50 sur le sommeil paradoxal ni sur le rêve télépathique de « Tintin au Tibet ». De telles lacunes me laissent songeur…

Edouard

Clés des songes et sciences des rêves

Collectif sous la direction de Jacqueline Carroy et Juliette Lancel

Les Belles Lettres

2016

Pour un monde populaire

Je n’ai pas été surpris par l’élection de Donald Trump. Hier après-midi, je suis resté coincé une heure dans l’ascenseur de mon immeuble : j’ai bien compris que c’était un mauvais présage.

Vision fantasmée et sanguinolente de l’islam, Brexit, élection de Donald Trump,… et après, qu’elle suite logique ?

Dans un monde incertain en perpétuelle mutation, emporté dans une machine infernale qu’il ne sait plus arrêter, l’homo sapiens du XXIe siècle se désintéresse des sages, des raisonnables, de ceux qui connaissent les dossiers pour se tourner vers ceux qui ont du punch, qui le font rêver, rire, qui le valorisent, lui donnent envie de se lever le matin pour aller travailler et lui font miroiter un avenir meilleur…

Faut-il comprendre que l’homo sapiens est un imbécile méprisable qui ne comprend rien ? Je ne le pense pas. Les populistes ne sont pas uniquement des clowns, des menteurs et des irresponsables, ils donnent aussi un sens à cette transformation de la planète. L’homo sapiens, comme son nom l’indique, est un animal condamné à la rationalité, un animal harcelé par le stress dès que le sens de son environnement lui échappe. Sa soif de sens est telle qu’il est prêt à tout accepter pour que son univers reste compréhensible. Peu importe que celui-ci soit sérieux, l’essentiel est qu’il existe.

Dans le monde insensé du XXIe siècle, sommes-nous condamnés au populisme ? La suite logique pour la France de Deash-Brexit-Trump est elle nécessairement « Marine Le Pen » ? Je ne le pense pas. Cependant, au lieu de stigmatiser les populistes, nos politiciens feraient mieux de les observer et de tirer des leçons de leur succès. Quand je parle de tirer les leçons, je ne parle pas d’une triste imitation qui consisterait à faire un copier/coller  des thématiques populistes régressives, mais de la capacité à obtenir l’adhésion des foules.

Le prochain président de la République française sera charismatique, il saura parler à l’émotivité des Français, toucher leurs pulsions irrationnelles. Il devra savoir se faire aimer et leur donner l’envie de l’adopter.

Le prochain président de la République française donnera du sens à son action et devra rendre celle-ci intelligible. S’il veut être issu d’un parti « de gouvernement », sa mission sera bien plus compliquée que pour les ténors des partis populistes. Ceci dit, rien n’est impossible. Churchill disait « Tout le monde savait que c’était impossible jusqu’au jour où est arrivé quelqu’un qui ne le savait pas et qui l’a fait ».

Pour résumer, l’homo sapiens a besoin de se sentir aimé et de comprendre son environnement.  Si aucun candidats, à gauche comme à droite ne le comprend, Marine Le Pen sera la prochaine présidente de la République.

Edouard

Les hommes qui n’ont pas de femme

Quand  ce livre sera traduit en français, je ne puis que vous encourager à vous précipiter.
On y retrouve dans 7 nouvelles les thèmes chers au candidat récurrent au Nobel de littérature:
la solitude, le panthéisme, l’empathie, le réalisme magique, et le thème répétitif de l’amour.
Sa culture est universelle. Le livre fourmille de références littéraires et musicales. Une histoire m’a particulièrement touché: le chirurgien désinvolte avec les femmes, à qui tout
réussit, et qui se laisse littéralement mourir d’amour. Dans une autre nouvelle, on assiste en creux à la métamorphose de Kafka: un insecte se retrouve un beau jour transformé en humain. Son manque de culture et ses érections intempestives donnent une touche gentiment humoristique à une aventure peu banale. Rien à jeter dans ce superbe livre d’un auteur discret, et même mystique,

Guy.

Haruki Murakami – 286 p. dans sa version néerlandaise