Faute d’identité

« En novembre 2009, j’ai perdu mon passeport. J’ai déposé une demande pour en obtenir un nouveau. On m’a recalé. Dans la France d’aujourd’hui, être un français né en France de parents français n’est pas une preuve de nationalité. »

Son père est né à Istanbul. Nous le connaissons sous le nom de Jacques Remy, scénariste. Sa mère, modéliste chez Hermès, est née à Budapest.

Tous deux naturalisés bien avant la naissance de leur fils. Le père en 1933.

L’auteur se dit « révolté et humilié » comme si ses parents avaient commis une quelconque faute.

De là, il part dans les souvenirs de son enfance, puis des plus récents. Il cherche ses racines, il doute, il analyse la société.

J’ai bien aimé comment devenir président de la République ou écrivain à succès.

Comme tous les livres de souvenir, rien n’est dans l’ordre, mais c’est un livre facile à lire, plaisant et souvent amusant.

La Martine

qui suffoque dans la pénombre. Ceci dit pour les nordistes… :-)))

ASSAYAS Michka
Grasset, 2011, 172 p.

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Dans la main du Diable

Automne 1913, Gabrielle Demachy, une jeune fille un peu nunuche apprend la mort de son cousin dont elle était éperdument amoureuse et dont elle n’avait pas de nouvelles depuis cinq ans. Manipulée par un méchant assez réussi du ministère de la guerre, elle partira tête baissée à la recherche des causes de cette disparition.

S’il y avait deux mots pour résumer ce livre, ce serait « Burp » et « Gloups ».

Burp tout d’abord du fait des 1280pages qui le composent. Il faut se le farcir ce pavé. Comme aurait dit un de mes anciens chefs, poète à ses heures perdues : « c’était un sacré suppositoire ». Longueurs ? Oui, mais c’est peut-être une question de goût. J’ai eu du mal avec ce lyrisme grandiloquent, avec cette écriture baroque est ultra fouillée. Du mal aussi avec le personnage de Gabrielle qui, à force d’être trop parfait, devient transparent, insipide, plus vraiment réel. La romance interminable entre Gabrielle et le beau ténébreux avec lequel elle finit par conclure au bout de 900 pages m’a mortellement ennuyée. Là encore, intrigue trop chargée, trop de guimauves, trop d’Harlequin (ceci dit, je me suis bien fait prendre au piège avec l’épisode de Venise). Bref, j’avoue que j’en ai un peu bavé.

Ceci étant dit, il y a quand même beaucoup de choses positives dans ce livre. La description d’une époque sous toutes ses coutures avec la marche inexorable vers la guerre. Une époque qui restera sourde aux cris de ceux, trop rares, qui dénonceront les atrocités qui se profilent.

Dans la main du diable, c’est aussi une saga familiale, un Dallas avec ombrelles, chapeaux melon, tenues de bain compliquées et moustaches : les Bertin-Gallay. Industriels en biscuiterie menés d’une main de fer par Mathilde, aussi efficace en chef d’entreprise qu’en chef de famille. Henry de Gallay, le mari de Mathilde, éternel voyageur. Pierre, le médecin, le fils qui a réussi. Blanche, la peste. Didier, le petit fils qui tourne mal. Sophie, la fragile. Charles le gendre libidineux. Daniel, un autre fils, écrasé par son aîné et qui se réfugie dans l’industrie cinématographique pour se libérer de ce poids. À cela, il faut ajouter une armée de domestiques : Meyer, le bourru au grand cœur, Maurran, Sassette, Pauline… Impossible de retenir tous ces visages, toutes ces histoires. Il reste une impression globale, l’impression d’un fourmillement, d’un monde qui gigote, qui rit, qui pleure. Un monde avec des méchants et des gentils. Un monde dans lequel pour sortir des moments difficiles, avoir des amis, c’est bien utile.

Et c’est là qu’intervient le gloups, car, vous pouvez le deviner, cette histoire se termine à la fin de l’été 14 avec le début de la Première Guerre mondiale.
En un paragraphe, Anne-Marie Garat brise les destins de tous ses personnages. Comme d’un simple coup de crayon qu’un démiurge aurait négligemment tracé sur une feuille de papier, comme un gigantesque couperet qui s’abattrait brutalement sur une société toute en devenir. Tout est balayé, dynamité, étripé, gazé, défiguré, traumatisé. L’effet est saisissant. Difficile de ne pas être ému.

Je ne lirai pas tous les jours un livre de 1200 pages, mais je reconnais que celui-là valait le détour. Un livre qui parle de la cruauté du temps, de la mémoire et de l’oubli, de photos jaunies prometteuses d’un destin qui ne sera pas et qui finiront elles aussi par être oubliées.

Anne-Marie Garat
Babel, 2007

Edouard

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La liste de mes envies

Les bons sentiments ne font pas nécessairement un bon livre, mais ils y contribuent.
Jo (au féminin) rêvait du prince charmant. Elle se contente de Jo (au masculin) avec qui elle a deux enfants. Elle est mercière à Arras, et anime un blog avec un certain succès.
Elle gagne 18 millions d’euros au Loto…
Suite dans le livre.
J’ai bien aimé les 2/3 de ce livre légérissime (malgré la somme gagnée).
La fin moralisante m’a déçu.
C’est vite lu et cela ne mange pas de pain.

Si vous gagnez au Loto, sachez que vous aurez affaire à un(e) psy qui vous expliquera, avant de vous remettre le chèque, les horreurs que le gain d’une grosse somme peut entraîner: de la grivèlerie au crime, en passant par le chantage, le divorce, la banqueroute.
Heureux les pauvres d’esprit.

Amitiés capitalistes,

Guy.

 

La liste de mes envies

Grégoire Delacourt

J.C. Lattès – 186 p.

Quand le requin dort

Une jeune fille complexée raconte sa famille : une mère dépressive, un père assez souvent absent, un frère qui passe son temps libre enfermé avec son piano, une tante qui n’arrive pas à trouver l’homme de sa vie et une grand-mère fataliste et moralisatrice.

La narratrice écrit des histoires et vit une aventure sado-maso (sardo-maso comme le dit un des amants de sa tante) avec un homme marié.

Tout ce petit monde se demande si Dieu existe. Tout dépend de ce qu’ils ont à demander et de l’état d’âme du moment.

Autant j’avais aimé Mal de Pierre et Battement d’ailes, autant celui-là m’a laissé de marbre (de Carrare).

Il y a toujours le splendide décor de la Sardaigne, une histoire entre rêve, réalité, superstition et phantasmes, mais qui saute du coq-à-l’âne. La Baleine de Jonas est devenue un requin.

Ce n’est pas un livre difficile à lire ; les 149 pages sont vite avalées ; oui, mais bouf ! Elle ne manque pas d’imagination. Elle aurait plutôt tendance à la débrider, mais dans le désordre.

D’habitude Mme Agus me faisait rêver. Là, j’ai trouvé l’histoire sordide.

Il était pourtant dit dans la 4e de couverture : « Dans ce livre, le plus poignant de Milena Agus, on retrouve sa voix inimitable, capable de toutes les audaces. »

Poignant. Pourquoi ? Parce que tout le monde est malheureux et ne veut rien changer ?

La Martine maussade

AGUS Milena R Juin.-12
Liana Levi, 2010, (2005), 149 p.

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Prends soin de maman

Voici un livre que j’ai pris au hasard, sans conviction, sans a priori, non plus… (pour une fois…) et… coup de foudre !

Gare de Séoul, le mari prend le métro pensant que son épouse le suivait, comme d’habitude. Et non ! Il fait demi-tour à la station suivante, mais plus de Sonyo. Il prévient ses enfants et la famille se réunit. Personne n’était disponible ce jour-là pour aller chercher les parents à la gare et ils se renvoient la balle de la culpabilité. Ils la cherchent aussi, bien sûr.

À tour de rôle, enfants et mari racontent des souvenirs enfouis de leur rapport avec cette mère si attentive à leur bien-être.

« La mémoire engendre toujours le remords. » P. 14

Au fil des récits, nous découvrons cette femme pauvre, illettrée et très mère poule juive. Elle a tout sacrifié à ses enfants et n’a vécu que pour eux. (J’ai bien aimé le récit fait par Sonyo qui remet certaines choses à leur place.)

Les enfants et le mari trouvaient tout ça normal, dû, et n’y prêtaient pas attention. Pourtant les enfants étaient à l’écoute de leur mère, la respectaient, lui faisaient des cadeaux, etc. Des enfants tout à fait normaux, à mon avis, mais pour eux, cette disparition est un gouffre, un vide angoissant.

« Un hommage bouleversant à l’amour maternel, unique, universel et absolu. »

Un très beau roman d’amour, très bien écrit, où vous reconnaîtrez votre mère et la regarderez d’un autre oeil pendant quelque temps et vous serez repris par votre existence. Ainsi va la vie !

La Martine émue et zen

KYUNG-SOOK Shin R Juin.-12
Oh ! Éditions, 2010 (2008), 266 p.
Traduit du coréen par Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot

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Portrait de classe

« Pour un garçon d’origine très modeste qui se retrouve dans un pensionnat ultrachic de la Nouvelle- Angleterre, comment s’en sortir ? Mentir sur son passé. »

Et se créer un personnage, superficiel, égoïste qui vole au-dessus de tout.

Comme beaucoup de ses camarades, le héros rêve de devenir écrivain.

Tous les trimestres, l’école invite un écrivain célèbre et les élèves doivent présenter un texte pour concourir à l’honneur de passer un petit moment avec l’invité qui l’aura sélectionné sur son texte parmi tous les autres.

Quand le tour d’Hemingway arrive, le narrateur veut la place, mais n’arrive pas à écrire. Il trouve une histoire, écrite 5 ans plus tôt, par une fille d’un autre collège ; il se reconnaît et se contente de changer les noms. Il est l’élu, mais ne profite pas longtemps de sa gloire. Le directeur reconnaît le plagiat et il est renvoyé sur-le-champ chez son père. Il s’arrête à New York et fait des petits boulots puis s’engage dans l’armée. Nous le retrouvons quelques années plus tard, écrivain et invité par son ancien collège. Lâche, il n’ira pas. S’ensuit l’histoire de deux des profs. Je n’ai pas compris pourquoi.

Tout est en non-dit. Comment devient-il écrivain ? Mystère !

Tout est en mensonge, mépris pour les autres et quand le narrateur s’en rend compte, il pense ce qu’il devrait faire, dire, mais ne le dis pas.

C’est ce que l’on appelle « Un lumineux chef-d’oeuvre contemporain. Aucun lecteur sérieux ne doit l’ignorer. – Le Tchekhov américain. – Un conte magnifiquement ouvragé. Ce livre magnifique, dans lequel chaque mot est choisi méticuleusement. »

Oui, il est bien écrit, mais m’a laissé sur ma faim.

La Martine hermétique aux chefs-d’oeuvre ennuyeux.

WOLFF Tobias R Juin.-12
Plon, 2005 (2003), 203 p.

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Sommeil

Il ne se passe strictement rien dans ce petit bijou minimaliste.
Une jeune femme de 30 ans n’arrive pas à dormir pendant 17 jours. Comme elle ne ressent aucune fatigue, elle passe ses nuits à relire Anna Karénine de Tolstoï. L’angoisse monte à chaque page, et cela se termine dans un état voisin de la schizophrénie.
Le papier glacé et les très belles illustrations en noir et blanc renforcent l’impression de malaise du lecteur.
Je lève mon chapeau nippon, et n’aurai de cesse de lire ‘Kafka sur le rivage’ du même auteur, qui traîne depuis des mois dans ma bibliothèque.

Amitiés sidérées,

Guy

 

Haruki Murakami

10/18

94 p.

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Edition et Tanguy

« On ne publie pas un premier roman » m’avait dit l’écrivain Hervé Mestron qui animait un atelier d’écriture auquel je participais il y a deux ans et demi, alors même que j’étais très loin de m’imaginer que j’allais pouvoir un jour terminer le mien.
Il avait prononcé cette phrase avec un sourire énigmatique, les yeux dans le vague comme si cette phrase avait matérialisé un hologramme visible de lui seul, surgi du plus profond de sa mémoire.
Je comprends aujourd’hui un peu mieux ce regard et sans doute le comprendrais je encore mieux dans quelques années.
Un premier roman, même s’il n’a rien d’autobiographique, est un chalutier qui prend la mer pour la première fois, faisant remonter à la surface les poissons de l’inconscient : des poissons magnifiques, des poissons comiques, des poissons sans panache, des poissons qu’on aurait voulu oublier, des poissons effrayants, des poissons non identifiables.
Difficile de prendre du recul dans ces conditions. Ce que je cherche dans l’édition, c’est peut-être le moyen de figer cette pêche…pour passer à autre chose.
Il est vrai qu’Hergé corrigeait ses albums à chaque nouvelle réédition, mais bon, quand c’est publié, il est quand même plus difficile de retoucher.
En septembre 2010, j’avais un peu peur de laisser mes premiers relecteurs poser leurs yeux sur mon roman. Aujourd’hui, j’ai envie qu’il vive sa vie sans moi.
Y arriverai-je? Serais-je comme ces vieux flics qui, dans les polars, refusent d’oublier une enquête qu’ils n’ont pas su résoudre ?
Je ne sais pas. Je vais en tout cas faire le nécessaire pour qu’il trouve une maison qui veuille bien s’en occuper et si je n’y arrive pas, je ne vais pas le laisser me pourrir la vie. Il restera à la maison et, s’il a des frères et sœurs qui eux, trouvent une maison, je lui apprendrai à ne pas être jaloux.

Edouard

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Le livre de Dave

Londres est détruit par un énorme déluge. Cinq siècles plus tard, une nouvelle civilisation tente de survivre dans une Angleterre exsangue. Sa spiritualité repose sur les délires de Dave Rudman, un chauffeur de taxi d’avant le déluge, qui a la bonne idée de sauver ses théories en les enterrant dans le jardin de son ex-épouse. Raciste, misogyne, misanthrope, il rêve d’une société basée sur la séparation totale entre hommes et femmes, avec l’exploitation des plus faibles, l’application de la torture et de la peine de mort, et autres joyeusetés.
Cette fable repose sur une idée séduisante: peut-on baser une civilisation sur les élucubrations d’un vrai ou d’un faux prophète? La critique de l’Inquisition de sinistres mémoires (il y a 500 ans…) côtoie celle des intégrismes de tout poil, ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Certaines fulgurances n’empêchent pas de nombreuses longueurs.
Je n’ai aucun préjugé contre les chauffeurs de taxi, mais sait-on jamais ?

Amitiés averties,

Guy.

Will Self -Points- 625 p.

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Les voisins d’à côté

Les Langley partent pour une semaine de vacances. Dereck vient dire au revoir à son copain Adam et fait semblant de partir tout en se laissant enfermer dans la maison. Pendant une semaine, il sera tranquille avec sa petite amie. Las ! Les Langley reviennent dans l’heure ; la maman avait mal au ventre. Même pas le temps de décharger la voiture et ils se font tous tuer. Si Dereck n’a pas tout vu, il a tout entendu. Pas question d’en parler à la police, il se ferait enguirlander par son père.

Si personne n’a rien vu, rien entendu, ils ont tous un indice qui pourrait amener la police plus directement au criminel. Mais bien sûr, ils ne le font pas et s’enlisent dans un tas d’imbroglio.

Dereck est arrêté et son père mène son enquête. Son épouse (à gifler) prend le contre-pied de tout ce qu’il fait et lui met des bâtons dans les roues. Et pour cause, elle aussi à son petit secret.

De rebondissements en agressions diverses, de personnages nouveaux en nouveaux meurtres (fallait ben les remplir ces 520 p. !) nous arrivons au meurtre final et à l’arrestation de l’assassin. Uffa !!!

Je n’ai rien sauté et j’ai été jusqu’au bout.

Ce n’est pas un si mauvais polar que ça ! 2 ou 3 rebondissements m’ont même surprise. Je crois qu’à force de lire des polars je finis par avoir une impression de « déjà vu ». Je me demande si trop d’action ne nuit pas à l’histoire racontée.

La Martine

BARCLAY Lindwood
Les voisins d’à côté
J’ai lu, 2012, (2008), 520 p.

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