Le Chagrin

Un livre coup de poing, par un véritable écrivain.

William raconte sa vie, depuis la rencontre de ses parents. Théopile du Noyer de Pranassac, rejeton d’une famille de petite noblesse désargentée, s’éprend de la très belle Suzanne Vrébois, fille d’un négociant bordelais. Nous sommes en 1944, la guerre se termine. La famille a choisi le parti de Vichy, et gardera une rancune tenace vis-à-vis de De Gaulle. Leur position ultraconservatrice sera à l’origine d’une famille de 10 enfants, de positions racistes, de soutien au colonialisme.

Théophile, surnommé Toto, mène sa barque, plutôt mal que bien. Endetté, il tentera d’user de toutes les ficelles pour surnager avec sa famille. Suzanne, de son côté, veut une vie mondaine, et donc coûteuse.

La famille sera expulsée deux fois, avec tous les dégâts que l’on peut imaginer.

William-Lionel garde un amour sans limites pour Toto, et il déteste sa mère, de plus en plus hystérique.

Ce livre m’a paru écrit avec une grande sincérité. Le style est direct, s’adresse au lecteur comme à un
confident. Il raconte son premier mariage, manqué en grande partie de sa faute. Le deuxième mariage est en cours lors de la rédaction du livre, et il semble que Blandine, la deuxième épouse, ne rigole pas tous les jours. Lionel est cyclothymique, et il ne cache pas que l’écriture est son garde-fou.

J’ai beaucoup aimé. D’autres ont détesté.

Amitiés amour-haine,

Guy

Lionel Duroy

J’ai Lu – 734 p.

Échapper

Lu il y a déjà quelques mois, ce livre m’a laissé une profonde impression que je définirais comme de la brume colorée.
Augustin décide de résider dans le nord de l’Allemagne, près de la frontière danoise, là où résida le peintre expressionniste Emil Nolde. Son couple bat de l’aile, et il voudrait se remettre à écrire.

Lionel Duroy rend un hommage appuyé à Siegfried Lenz, l’auteur de La Leçon d’allemand, très beau livre racontant l’ostracisme d’un peintre interdit d’exercer par les nazis, portrait à peine voilé d’Emil Nolde.

La quête d’Augustin le mènera sur des sites fouettés par le vent et la pluie, une jeune femme partagera sa vie pendant quelques mois, il retrouvera sa joie d’écrire.

L’ami qui me conseilla ce livre me le décrivait comme narcissique. Une définition qui semble  bien correspondre à Lionel Duroy, écrivain tourmenté et en rupture de ban avec sa famille.

Amitiés colorées!

Guy

 

Lionel Duroy

Julliard

Sable mouvant

Quelque temps après avoir reçu l’annonce de son cancer, Henning Mankel éprouve le besoin de se confier.

« Sable mouvant » n’est pas une autobiographie classique, épousant une chronologie rigoureuse. C’est la somme de tranches de vie, de personnages rencontrés, de questionnements sur la société, sur le monde et le sens de la vie : la disparition de la Suède sous la glace dans 5000 ans, l’importance de l’écho dans l’art pariétal…  C’est aussi des récits de combats, Mankel était un militant : réchauffement climatique, pollution, droit des femmes, droits des étrangers, extermination des rhinocéros, tout y passe… Moi, je suis un peu « j’y pense et j’oublie ». Les premières grandes victimes de la disparition des rhinocéros, c’est tout de même les chasseurs de rhinocéros. Non ? Bon ok, je sors.

Il nous parle aussi d’une passion que j’ignorais totalement : le théâtre et sa troupe au Mozambique.

La construction impressionniste de ce récit n’est pas sans rappeler celle des « bottes suédoises ». À aucun moment, il ne parle de son dernier roman. Pourtant, chronologiquement, les deux livres ont dû être écrits l’un immédiatement après l’autre voire, en même temps.

« Sable mouvant » et « les bottes suédoises » n’en restent pas moins un cas rare en littérature. Les faces réelles et fictives des récits s’éclairent mutuellement. Il y a beaucoup de Mankell chez Welin : deux grands solitaires qui partagent la même vision parfois un peu idéalisée des femmes. Le fait que la mère d’Henning ait quitté le domicile conjugal alors qu’il était très jeune pourrait être une piste. Louise, la fille de Welin aurait pu être la fille de Mankell qui reconnaît avoir eu les mêmes comportements sexuels irresponsables dans sa jeunesse. Louise, c’est aussi Mankell au même âge. Lui aussi s’est enfui à Paris. Il y a d’ailleurs une phrase sur la capitale française qui est rigoureusement la même dans les deux livres.

À côté de tout ça, il y a la maladie qui s’installe, l’ombre de la mort qui s’étend et recouvre peu à peu le monde qu’il a connu, tout comme les maisons des « bottes suédoises » qui disparaissent l’une après l’autre après avoir flambées, comme les bougies d’un énorme gâteau d’anniversaire soufflées par un géant.

« Sable mouvant » se termine en 2014. L’auteur disparaîtra un an plus tard. C’était un homme bon. D’autres continueront à porter le flambeau qui sera un peu plus lourd. Quand ils auront tous disparu, d’autres hommes bons naîtront et feront face à de nouveaux combats. Et puis, ce sera la fin, le « Ragnarök » de la mythologie scandinave. Et encore après, ce sera un nouvel âge.

Édouard

Points

2017

L’enfance du sexe

Avoir beaucoup d’ « amis FB » a plusieurs intérêts. Cela permet en particulier d’avoir accès à des échanges que l’on n’aurait jamais eus si on avait limité la liste aux intimes. C’est comme ça que j’ai pu avoir connaissance d’une conversation qui fleurait bon le Houellebecq.

Le protagoniste principal relatait une expérience dans un camp naturiste qu’il jugeait peu concluante. Il faisait aussi part de sa gêne à se promener dans le plus simple appareil devant des enfants. Un commentateur qui, visiblement, le connaissait bien s’indignait que des mineurs puissent avoir accès à ce genre d’endroits.

Le « jouir sans entraves » des années 70, fondé sur une hétérosexualité libre encore très phallocrate ne considérait pas la pédophilie comme un réel problème. Nous sommes entrés aujourd’hui dans l’acceptation totale de la diversité des pratiques sexuelles entre adultes consentants, l’égalité des sexes et la prohibition de toute interférence entre la sexualité des adultes et celle des enfants. S’agissant de l’égalité des sexes, la loi Veil au milieu des années 70 aura été décisive. Concernant la pédophilie, de nombreux phénomènes peuvent expliquer ce revirement, mais l’horreur de l’affaire Dutroux dans les années 90 aura certainement servi d’accélérateur.

Dans ce contexte, la position de l’Église catholique, s’immisçant historiquement dans les pratiques sexuelles des adultes est fortement critiquée et cela d’autant plus quand s’y ajoutent des scandales pédophiles. La pédophilie n’est pas l’apanage de l’Église catholique et se rencontre dans tous les cercles dans lesquels des adultes sont amenés à côtoyer des enfants, y compris au sein des familles. Seulement, l’Église, comme toute religion, parle de morale sexuelle. Pour ce qui concerne l’islam, c’est la flagrante inégalité entre homme et femme dans les pays musulmans et l’intolérance de celle-ci vis-à-vis de l’homosexualité qui est décriée.

Ce qui reste aujourd’hui de l’esprit de 68, c’est peut-être cette volonté populaire de s’affranchir du religieux pour édicter sa propre morale sexuelle.

Dans ce contexte, l’homoparentalité reste un sujet complexe puisqu’il conjugue la liberté et l’égalité des droits des couples homosexuels et ceux de l’enfant. Y a-t-il un droit de l’enfant à avoir des parents de sexes opposés ? Certains l’affirment, d’autres soutiennent que le fait d’être élevé par deux parents de même sexe n’a pas d’impact sur le développement de l’enfant…on manque de recul. Ce qui est certain, c’est que l’homoparentalité bouscule le schéma traditionnel du couple prévu par les religions, mais aussi par l’Œdipe Freudien à la base de la psychanalyse qui, au regard de l’Histoire, aura été la première grande tentative de sécularisation sexuelle. Ceci dit, Freud a lui aussi été confronté au problème de l’homoparentalité puisque sa fille, Anna, élevait les enfants de sa compagne Dorothy Burlingam. Si Freud avait vécu 160 ans, il aurait certainement revu son Œdipe.

Une affaire à suivre…

Édouard

Mes Voyages avec Hérodote

L’ami Ryszard (1932-2007) a parcouru le monde avec son livre de chevet, les « Histoires » dont voici le premier paragraphe « Hérodote d’Halicarnasse présente ici les résultats de son Enquête afin que le temps n’abolisse pas le souvenir des actions des hommes et que les grands exploits accomplis soit par les Grecs, soit par les Barbares, ne tombent pas dans l’oubli ;
il donne aussi la raison du conflit qui mit ces deux peuples aux prises. »
Hérodote, ami de Sophocle, est surnommé le Père de l’Histoire.

Kapuscinski est devenu le précurseur de la non-fiction littéraire. Ses récits sont empreints d’une grande empathie, même s’il se laisse parfois emporter par son sujet.
Égypte, Pologne, Inde, Chine, Soudan, Iran, Congo, Éthiopie, chacune de ces étapes donne lieu à des rencontres parfois drôles, parfois dramatiques.
Dans des circonstances difficiles (la Pologne communiste), avec des moyens fort éloignés des grands reporters contemporains, il est arrivé à passionner de nombreux lecteurs à l’Est comme à l’Ouest.

Pour ceux qui aiment l’histoire, allez jeter un coup d’œil au site

https://www.herodote.net/  dont la lettre hebdomadaire gratuite est un modèle du genre.

Amitiés historiques, bien sûr

Guy

Ryszard Kapuscinski