Shining

Jack Torrance est l’époux de Wendy. Leur petit garçon se prénomme Danny. Professeur d’université licencié pour avoir violenté un étudiant, Jack se retrouve au chômage avant d’obtenir un poste de gardien dans un immense hôtel perdu au milieu des rocheuses. Son travail l’oblige à passer l’hiver dans un parfait isolement, les neiges abondantes rendant inaccessibles les routes menant à l’hôtel. Il n’est relié au monde extérieur que par un poste radio.

J’étais beaucoup trop jeune pour voir le film à sa sortie. Déjà qu’à l’époque, je pleurais comme une madeleine devant Bambi et E.T., mes parents ne m’y auraient jamais emmené. Je l’ai vu bien plus tard, on va dire il y a 25 ans, un chiffre qui symbolise pour moi un âge d’or de la vie étudiante.

Quel film incroyable ! Jack Nicholson traînant sa hache dans les couloirs n’avait pas seulement la tronche de l’emploi, il en avait aussi le prénom. Et puis comme tête de fou, difficile de faire mieux. Peut-être Klaus Kinsky. Joaquin Phoenix ne se débrouille pas mal non plus.

Et puis, les spectres des jumelles Grady et Danny faisant du vélo dans les interminables couloirs de l’hôtel… Des images qui marquent pour une vie.

En 2012, j’avais vu le documentaire « room 237 », qui décortiquait le génie de Kubrick, allant jusqu’à faire changer la moquette entre deux plans pour accentuer l’effet de stupeur des spectateurs.

D’un naturel craintif, je n’avais jamais lu de roman de Stephen King. Je suis toutefois depuis longtemps intrigué par le mystère de l’écriture du mystère et c’est pour cette raison que j’ai décidé de me procurer le livre.

Internet et le téléphone portable ont fait vieillir l’intrigue. Un tel isolement ne serait peut-être plus possible aujourd’hui ou en tout cas, plus difficile.

J’ai bien aimé le premier tiers où il ne se passe presque rien. L’écriture est agréable et bien rythmée. Mais c’est dans le deuxième tiers que ce révèle le talent de l’écrivain qui est parvenu à me faire encore peur alors même que Bambi et E.T. ne m’effraient plus depuis bien longtemps.

Danny a des pouvoirs extra sensoriels et voit des fantômes un peu partout. Bien entendu, on ne sait pas si c’est juste dans sa tête ou si ce qu’il voit existe vraiment. Une scène m’a scotchée, tant par l’effroi qu’elle m’a procurée que par la qualité de son écriture et l’ingéniosité de l’auteur.

Bravant l’interdit, Danny décide d’entrer dans la chambre 217 (237 dans le film). L’ayant traversée, il entre dans la salle de bain et décide d’écarter le rideau de la baignoire. Il y voit le cadavre grimaçant d’une femme qui se met à le poursuivre. Quelques heures plus tard, ses parents le retrouvent en catalepsie avec des marques sur le cou. Pas mal mais attendez, le plus fort n’est pas là. Après beaucoup d’hésitations, Danny se résout à raconter son histoire à ses parents qui n’en croient pas un mot. Jack décide de s’y rendre pour avoir le cœur net, traverse la chambre et entre dans la salle de bain. Le rideau de la baignoire est replié et il n’y a rien à l’intérieur. Convaincu de la folie de son fils, il fait demi-tour mais en sortant, il entend un bruit provenant de la salle de bain. Revenu sur ses pas, il voit que le rideau vient d’être tiré. Stephen King ne fait pas replier le rideau par Jack, cela aurait été littérairement stupide. Soit le spectre était là et il n’y avait plus de mystère, soit il n’y avait rien et il aurait dû se lancer dans des explications compliquées pour nous dire ce qui s’était passé. Il y a bien mieux. Terrorisé par ce qu’il voit, Jack décide de s’enfuir. Et là, Jack n’est plus un personnage de roman, on communie avec lui dans la peur. Il est en nous et son environnement quitte les pages du livre pour nous envelopper.

Pour moi, c’est la scène la plus flippante de tout le roman, peut être son chant du cygne. C’est peu dire que j’ai été déçu par le dernier tiers. On ne peut pas entretenir indéfiniment le mystère et à un moment, il faut qu’il sorte de l’ombre. Et là, les choses se compliquent.

Le meurtre des sœurs Grady, assassinées par leur père, gardien de l’hôtel l’année précédente, est bien évoqué dans la première partie mais il n’en est plus question par la suite. De même, il est dit que Danny aimerait avoir un vélo mais on n’en voit pas la couleur. Que de déceptions !

A la place, en dehors du cadavre dans la baignoire qui est effectivement pas mal, on a droit à des animaux en buis taillés qui ne sont pas parvenus à me faire peur, un bal costumé un peu cliché et des forces occultes habitant le corps de Jack.

Et pour tout dire, le Jack de Stanley Kubrick me semblait avoir plus de panache : une ordure magnifique. Celui de Stephen King apparaît comme un pauvre type prisonnier de ses démons et de ceux de l’hôtel. Bref, on sent que l’auteur fait tout ce qu’il peut pour le disculper mais, à force d’être blanchi, Jack devient inexistant. S’agissant de Wendy, je l’ai trouvée aussi bien dans le livre que dans mon souvenir. Peut être le meilleur personnage du livre.

Le dénouement, avec le gentil cuisinier qui vient les sauver apparaît très conventionnel. Il aboutit sur un final qui fleure bon le puritanisme américain avec la sempiternelle scène dans laquelle le jeune garçon va à la pêche avec le brave monsieur. L’importance de la pêche dans la culture d’outre Atlantique m’échappe. Il faudra qu’on m’explique.

Vous aurez compris que j’ai préféré la version Kubrick. Mais j’ai bien conscience que le souvenir embellit et si je le revoyais, je serai peut-être déçu.

King et Kubrick racontent deux variantes d’une même histoire. Il est vrai que les différences entre les deux versions s’expliquent en partie par les contraintes et les codes de la littérature et du cinéma qui ne sont pas les mêmes, mais elles dépendent aussi de beaucoup d’autres critères : des personnalités de l’écrivain et du réalisateur, des acteurs…

Quoi qu’il en soit, ces deux hommes ont fait de Shining un mythe du 20ème siècle.

Edouard

Frankenstein

Frankenstein

J’ai presque abandonné mon blog, je lis moins et plus du tout de classiques. Frankenstein traînait au fond de ma sacoche du boulot depuis deux ans. J’avais essayé de le lire, une fois, mais sans succès. C’était devenu la lecture improbable avec laquelle passer le temps si je me trouvais dans un bunker antiatomique ou si j’étais enlevé par des extraterrestres.

Et puis, il y a quelques semaines, j’ai décidé de reprendre la lecture du célébrissime ouvrage de Mary Shelley sorti en 1818.

Je ne me souviens pas avoir vu de film avec Frankenstein même si, comme tout le monde, j’ai vu les images du monstre incarné par Boris Karloff.

En fait, je ne savais pas grand-chose du monstre en dehors du fait qu’il était laid, méchant et qu’on voyait des boulons fixer sa tête. Je savais aussi qu’il avait été créé par un savant fou à partir d’organes prélevés sur des cadavres. Je me souvenais de l’acte créateur et de l’éclair venant apporter sa force au monstre. Bref, j’avais compris que son histoire rejoignait les histoires de créations humaines devenues incontrôlables.

Robert Walton, un jeune homme ambitieux, s’est aventuré dans les glaces de l’océan arctique pour découvrir le pôle nord. Un beau jour, il observe de loin un être gigantesque sur un traîneau tiré par des chiens. Peu de temps après, il recueille Victor Frankenstein, à demi mort, à la poursuite du traîneau, et qui lui raconte tout.

Frankenstein n’est pas le nom du monstre, mais celui de son créateur, Victor Frankenstein. Le livre raconte bien son histoire et forcément, celle du monstre auquel il est lié.

Les adaptations du vingtième siècle ont effacé Victor et fait du monstre un personnage autonome. Pourtant, toute l’histoire tourne autour de ce lien et on se demande plus d’une fois si le monstre a bien une existence physique en dehors de la tête de son créateur. On n’est pas loin du Docteur Jekyll et M. Hyde, publié 70 ans plus tard, mais, contrairement à Stevenson, Shelley laisse planer le doute. La construction épistolaire du roman et l’absence de narrateur sont à cet effet parfaites pour préserver l’incertitude.

Le monstre est un sommet de solitude. Il est rejeté de tous du fait de sa laideur, y compris par son créateur. Sans parents, sans famille, sans amis, il n’a d’autre choix que de devenir l’acteur de l’effroi qu’il suscite et ses meurtres sont les seuls moyens qu’il trouve pour donner un sens à son existence. Sous une apparence inhumaine, le monstre devient ainsi presque touchant alors même que Victor, derrière son apparence lisse et irréprochable, brille surtout par sa lâcheté et son irresponsabilité. Incapable d’assumer les conséquences de ses actes, ce n’est qu’un Dieu raté.

Frankenstein est aussi une réflexion sur le progrès scientifique. L’expédition de Walton sera un échec, mais au moins, l’équipage s’en sort vivant. Les tentatives de Frankenstein pour convaincre Walton de continuer le voyage alors même qu’ils sont voués à une mort certaine, prouve une fois de plus qu’il a perdu toute humanité. Le monstre n’est pas celui qu’on croit.

Édouard

L’homme qui savait la langue des Serpents

La christianisation de l’Estonie au XIIIe siècle par des hommes de fer venus de l’ouest que l’Histoire retiendra sous la dénomination de « chevaliers porte-glaive ».

Jet d’encre dispose d’un système intégré d’auto-alimentation. C’est en effet en relisant l’ensemble des posts du blog en février que je suis tombé sur la critique de Guy écrite il y a presque deux ans et demi qui m’a incité à faire l’acquisition de l’ouvrage.

Tout comme nos ancêtres les Gaulois qui vivaient dans des huttes, les ancêtres des Estoniens vivaient en paix dans la forêt jusqu’à l’arrivée des hommes de fer qui leur imposèrent le christianisme et la fastidieuse vie de labeur du villageois moyen de l’occident médiéval. Beaucoup de références échapperont au lecteur français qui n’est pas forcément au fait des turpitudes de la culture de la société estonienne, mais cela n’empêche en rien de goûter à la verve épique de l’auteur. S’il n’y avait qu’un élément culturel local à retenir, évoqué dans la postface de l’ouvrage des éditions du tripode, ce serait que la « langue des serpents » fait référence à la langue estonienne qui a su traverser les millénaires, contre vents et marées.

Tout comme Goscinny et Uderzo, Andrus Kivirähk écorne ce mythe national qui, comme celui du Gaulois, a été forgé au XIXe siècle. Mais le message est beaucoup moins manichéen que celui d’Asterix avec son village idéal d’un côté et les affreux Romains de l’autre. Dans la forêt, les humains parlent la langue des serpents et vivent en harmonie avec les animaux (même plus qu’en harmonie parfois puisque des femmes vivent avec des ours). Au village, les paysans vénèrent le Christ, mangent du pain et cultivent la terre sous la houlette des moines et des hommes de fer. Toutefois, les affreux se rencontrent autant dans la forêt que dans le village. Ce sont les fanatiques qui justifient leurs abominations tant par le supposé message chrétien pour les uns que par les génies de la forêt pour les autres.

L’histoire commence comme un roman d’Heroïc Fantasy avant de flirter avec le surréalisme pour finir en conte philosophique avec une action qui perd beaucoup en vraisemblance en s’intensifiant. Mais c’est pas grave, c’est finalement très ennuyeux la vraisemblance.

La morale de l’histoire est résumée dans la postface : « même si nous nous croyons fort traditionnels ; nous sommes toujours les modernes de quelqu’un, car toute tradition a un jour été une innovation ». C’est donc une réflexion sur la marche inexorable du temps avec ceux qui essaient de le remonter, ceux qui tentent de vivre avec, ceux qui veulent le changer et ceux qui s’érigent en gardiens de dogmes immémoriaux attachés à un temps qui n’a jamais existé ailleurs que dans leur imagination. Nous sommes amenés tout au long de notre vie à détruire des mythes et à en ériger d’autres dont nous deviendrons les gardiens : telle est l’Histoire, telle est la condition humaine.

Si l’on y réfléchit bien, l’univers du livre n’est pas très éloigné de celui des contes de Grimm et Perrault. Et si toutes ces sorcières et tous ces magiciens qui vivent au fond des bois n’étaient en fait que les derniers vestiges de sociétés disparues ? Le bien, le mal, la magie, la sorcellerie, tout ça n’est-il pas finalement qu’une affaire de point de vue ?

Edouard

Un vrai phénomène en Estonie: 40.000 exemplaires vendus pour 1,4 million d’habitants.
Et à juste titre.
Cette foisonnante allégorie entraîne le lecteur dans un monde de conte de fées.
Cela se passe dans une époque médiévale imaginaire.
Le jeune Leemet apprend de son oncle la langue – plutôt les sifflements – des serpents.
Il vit dans la forêt. À côté de la forêt se trouve le village.
Deux mondes que tout oppose
Dans la forêt, on chasse grâce à la langue des serpents qui force le gibier à se laisser égorger.
Au village, on mange du pain, on cultive les champs, et on s’habille de tissus.
Dans la forêt, le Sage raconte des balivernes.
Au village, c’est le dénommé Johannes, sorte de cureton manqué.
Leemet est un réfractaire dans l’âme.
Il deviendra le seul représentant d’un monde en voie de disparition.
Le livre regorge de personnages fabuleux.
La sœur du personnage central est mariée avec un ours.
Sa mère passe son temps à nourrir sa famille avec des élans entiers.
Au village, on est terrorisé par les hommes de fer (les chevaliers teutons), et les moines châtrés.
La Salamandre, animal volant mythique, obnubile, comme une sorte de Graal, les habitants de la forêt.
Le grand-père, à qui les hommes de fer ont coupé les jambes, n’a qu’une obsession: les éliminer tous.La violence de la fin du livre devrait le réserver à des adultes avertis.
Toutes les fées ne sont pas angéliques.
J’ai repensé au livre de Bruno Bettelheim Psychanalyse des contes de fées.
L’Estonie, la plus nordique des républiques baltes, n’a pas fini de nous étonner.
Sofi Oksanen, à moitié finlandaise, est une autre porte-parole de ce pays que l’Europe découvre.
L’élite y a parlé l’allemand pendant des siècles, avant la chape du communisme.
Sous une forme mythologique, les langues commencent à se délier.
Pour ma part, j’en redemande.
Amitiés légendaires,
Guy (le 23/11/2013)
Andrus Kivirähk – Attila – 428 p.

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L’incolore Tzukuru Tazaki et ses années de pélerinage

Ils étaient cinq amis inséparables au lycée, à Nagoya.
Deux filles, trois garçons.
Tous portaient un nom de couleur: Blanche, Noire, Bleu et Rouge. Tous. Sauf l’incolore Tzukuru.
Il part à Tokyo pour ses études. Lors d’un séjour à Nagoya, les autres lui font comprendre qu’ils ne veulent plus le voir. Là commence son pèlerinage…
Du tout bon Murakami. Mon estime pour lui augmente d’année en année.
Comme dans ses autres livres la musique tient une grande place. Ici un morceau mélancolique de Franz Liszt.
Le mystère, le surnaturel, le désespoir, la rédemption, la solitude.
Surtout, une énorme sensibilité.
Oui, ils sont Japonais, et alors?
On touche à l’universel.
Mais qu’attendent-ils à Stockholm pour lui décerner le Prix Nobel??
Par curiosité, faites un tour à Nagoya avec Google Street View.
C’est moins cher qu’un ticket d’avion…
Puis lisez ce livre. Ou lisez-le dans l’aéronef.
Amitiés méditatives,
Guy.
Haruki Murakami – Belfond – 368 p.

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Chocolat amer

Sous-titre:
Roman-feuilleton où l’on trouvera des recettes, des histoires d’amour et des remèdes de bonne femme.
Un vrai régal.
Pas seulement à cause du titre.
Laura Esquivel est mexicaine, et elle a travaillé dans l’enseignement et le cinéma.
Au Mexique, au début du 20e siècle, parmi les convulsions de la révolution, Tita tombe amoureuse de Pedro.
C’est compter sans la terrible Mama Elena, qui a décidé que Tita étant sa dernière fille, elle doit s’occuper de sa mère sans se marier. Pedro épousera une sœur de Tita, afin de rester auprès de l’amour de sa vie.
Tous les poncifs de la littérature de gare sont présents, avec en prime le talent et les recettes de cuisine.
Tita possède des talents culinaires exceptionnels. Ses cailles aux pétales de rose se révèlent des aphrodisiaques hors norme. Ses gâteaux provoquent des effets inattendus. La magie n’est pas absente, au point de mériter la comparaison avec Garcia Marquez, autre chantre du réalisme magique.
De manière assez scandaleuse, le lecteur se régale des malheurs de la pauvre Tita.
Je n’oublierai pas Mama Elena, qui fait penser à Madame Macmiche des petites filles modèles, ou à l’horrible Folcoche de Vipère au poing. Ou à la belle-mère de mon ami Ursmar.
Les harpies n’ont pas fini de remplir les pages de nos livres de chevet.
Amitiés gastronomiques,
Guy
Laura Esquivel – Folio – 248 p.

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Le jeu de l’ange

 

Dans les années 20, le jeune David Martin tente de survivre avec sa plume. Après s’être beaucoup ennuyé au journal « la voz de la industria » et après s’être fait exploiter pendant des années par des éditeurs véreux, il se voit enfin proposer un contrat en or par un étrange personnage.

Deuxième volet de la saga du « cimetière des livres oubliés », l’action du « jeu de l’ange » se déroule avant le premier opus. On croise le père du futur Daniel Sempere, déjà dans sa librairie avec son propre père.

Il n’y a pas à dire, le style est attrayant, cela faisait longtemps que je n’avais pas dévoré un livre avec une telle boulimie. Mais le charme de « l’ombre du vent » avait été si fort que je ne pouvais qu’être un peu déçu, oscillant tout au long de ma lecture entre « Zafon fait du Zafon » et « Zafon n’est plus ce qu’il était ».

Le roman se déroule en trois actes :

– L’acte I se place ostensiblement dans la veine du premier volet de la saga. C’est celui que j’ai le plus aimé. L’intrigue, qui navigue entre Faust et « illusions perdues » de Balzac, est plus que prometteuse ;

– Le second acte est surprenant. Il apparait comme une mixture peu homogène avec beaucoup de grumeaux. Les travaux d’entremetteursde Martin pour essayer de décoincer Sempere fils sont assez amusants mais semblent plus relever d’une pièce de Molière, voire de Goldoni que d’un roman. Isabella est pas mal dans le rôle du personnage secondaire pittoresque bien que son « amitié » avec Martin soit un peu trop fleur bleue à mon goût.

– Le troisième volet m’a carrément déçu. Nombreuses invraisemblances, manque de cohérence dans l’intrigue, production industrielle de cadavres… Zafon a sans doute voulu faire dans le style des romans de gare qu’écrivaient Martin dans la première partie. Si c’était sa volonté, ce n’est pas amené très subtilement.

Pour finir, l’épilogue est tout de même très beau, on pense à « la jetée », le court métrage  de 1962 dont « l’armée des 12 singes » est inspiré. Changement d’époque pour l’Espagne. Sous la houlette du franquisme, le génie du mal Andreas Corelli ne passe plus que pour un vulgaire pantin et jette l’éponge. Bon, c’était pas mal quand même, je lirai les autres volets de la saga.

 Edouard

Le jeu de l’ange

Carlos Ruiz Zafón

2009

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Le confident

Un homme averti en vaut deux: ma petite-fille m’a prêté le livre avec la mise en garde: « C’est un livre de fille(s) ».
Et me voilà embarqué dans une histoire de couple stérile sur fond de deuxième guerre mondiale.
La dame prénommée Élisabeth ne trouve rien de mieux que de demander à son mari de féconder une certaine Annie.
L’insémination aura lieu, avec ce que l’on peut imaginer comme conséquences.
Tout cela se passe avant les fécondations in vitro.
Le mari étalon est appelé sous les armes, et donne à sa machiavélique épouse l’occasion de déployer ses talents de manipulatrice. Cherchez la femme…et l’enfant.
La forme épistolaire tient la route.
L’agacement devant les attitudes insensées amenées par un désir d’enfant, difficiles à comprendre – pour un homme, faut-il le préciser – fait place à une histoire bien ficelée, et racontée par les divers protagonistes.
Amitiés dramatico-reproductrices,
Guy.
Hélène Grémillon – Folio – 311 p.

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1Q84 Livre 2 et Livre 3

L’envoûtement continue. Maître Murakami entraîne le lecteur dans le monde magique de Aomamé et Tengo, dont le portrait se peaufine de chapitre en chapitre. Un petit fléchissement vers la fin du livre 3, paradoxalement à partir de la vraie rencontre des deux personnages. Les thèmes de l’amour, de la mort, de l’après, de la religion et de la manipulation courent en filigrane de cette très belle trilogie.
Lancez-vous, ce voyage vous transportera très loin…
Amitiés stratosphériques,
Guy.
Haruki Murakami

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1Q84

Un authentique envoûtement, et il y a trois livres 😉
Le monde magique de l’auteur japonais prend le lecteur en otage dès les premières pages.
Aomamé prend un taxi à Tokyo, elle se trouve prise dans un monumental embouteillage sur une autoroute urbaine, et finit par quitter le taxi, pour se retrouver dans un monde ‘différent’. Un nouveau genre est né: le roman de rétrocipation, puisque cela se passe en 1984. La référence au livre de Orwell est revendiquée. Et le Q du titre fait appel à la Question du pourquoi des agissements humains.
Parallèlement à la Quête d’Aomamé, le lecteur fait la connaissance de Tengo, mathématicien génial et romancier à la recherche de son identité.
Une série de personnages complète le tableau de chapitre en chapitre, alternativement consacré aux découvertes de Aomamé et de Tengo. Au bout des 548 pages, ils ne sont pas encore rencontrés, mais cette rencontre DOIT avoir lieu, c’est sûr.
Les références musicales et littéraires occidentales foisonnent, et pourtant le lecteur est entraîné dans un environnement oriental, avec son raffinement, et sa cruauté.
Un travail d’orfèvre, comme la peinture sur la porcelaine japonaise réalisée sur un bateau en pleine mer, afin d’éviter la poussière sur l’unique poil de soie du pinceau.
Amitiés sayonara,
Guy
Haruki Marukami – 10/18 – 548 p.

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L’écume des jours

Les amours de Colin et Chloé, racontées par un poète
de 26 ans, fou de la vie et du jazz.
Un livre bourré d’inventivité , de burlesque, de
tragique. Le monde magique de Vian se plie au vécu
des héros. Chaque page révèle une surprise. La langue,
manifestement héritée du surréalisme, emporte le
lecteur dans un monde de sons et d’odeurs.
Le ton est donné dès les premières pages: « il était
presque toujours de bonne humeur, le reste du temps il
dormait ». « …À l’intérieur de son thorax, ça lui
faisait comme une musique militaire allemande, où on
n’entend que la grosse caisse. » « On tombait dans un
couloir obscur qui sentait la religion ».
Les allusions à Jean-Sol Partre abondent. Avec humour
et admiration.
Néologismes et mots-valises à foison. (J’ai retenu le
docteur et sa trousse à doctoriser). Et les parents
sont des ‘relatifs’.
Un enchantement, dans tous les sens du mot…
Amitiés surréalistes,
Guy

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