Le procès contre Mandela et les autres

Le 11 juin 1964, Nelson Mandela est condamné à perpétuité en Afrique du Sud.
Le procès n’avait pas été filmé, mais entièrement enregistré. Un dessin animé illustre les extraits de la bande sonore. Le tout est entrecoupé par des entretiens des différents protagonistes du procès ou de leurs descendants.
« Libérez Mandela ! » est une phrase qui a bercé mon enfance. J’entendais les gens la prononcer, je la voyais écrite sur les murs. J’ai fini par comprendre que s’il fallait le libérer, c’est qu’il devait être prisonnier, mais je ne savais pas bien qui était Mandela et pourquoi il était en prison. Quand il a été libéré en 1990, j’étais enfin en âge de comprendre et j’ai partagé la liesse populaire.
À l’origine, il y avait l’apartheid, un régime qui reposait sur une stricte séparation entre les blancs et les noirs et sur l’infériorité institutionnalisée de ces derniers. Ce régime n’a été aboli qu’en 1991. C’est sans doute pour ça qu’on nous parlait tout le temps de l’apartheid en cours d’anglais. On avait regardé « cry freedom » au collège.
Le début du documentaire insiste sur les liens idéologiques entre nazisme et apartheid. Le nazisme, comme on le sait, n’était pas un phénomène isolé et s’intégrait dans un vaste réseau mondial de racisme institutionnalisé. Des mouvements identiques existaient avant les années 30, d’autres perdurèrent… jusqu’en 1991 ! J’ai du mal à réaliser quand même.
Le film s’articule autour d’une question essentielle : si Mandela et ses compagnons ont été condamnés à perpétuité, c’est donc qu’ils n’ont pas été condamnés à mort. Mais pourquoi n’ont-ils pas été condamnés à mort ?
Les prévenus n’ont pas nié être à l’origine des sabotages et ont été très explicites concernant le sens politique donné à leur action visant à déstabiliser le pouvoir en place. En d’autres temps…oui, mais justement, les temps n’étaient plus tout à fait les mêmes. Les procès de Nuremberg étaient passés par là et les idéologies racistes avaient du plomb dans l’aile.
Le fils du procureur juif du procès charge beaucoup son père, mais peut-être a-t-il pesé dans la balance pour faire éviter la peine capitale aux prévenus. Les autorités de Johannesburg ont certainement pensé, comme l’indique un passage du film, que condamner à mort les accusés risquait d’en faire des martyres et de provoquer des émeutes incontrôlables. On voit aussi un représentant des États-Unis s’exprimer à l’ONU et on imagine que le procès devait avoir un certain retentissement international. S’il propose quelques pistes diffuses, Nicolas Champeaux a toutefois l’intelligence et la finesse de ne pas nous donner le fond de sa pensée. Il en aurait fallu peu pour que la condamnation à mort soit prononcée. Le mystère reste entier et l’on attend le verdict en tremblant même si on connaît la suite. C’est donc un soulagement d’entendre la sentence et c’est avec émotion qu’on se laisse transporter par cet instant où l’histoire choisit un trou de souris pour basculer.

Édouard

13 heures

L’Afrique du Sud est un chaudron. Héritière du détestable apartheid, elle tente vaille que vaille d’exorciser un passé d’affrontements raciaux.
Deon Meyer est un Afrikaner qui écrit en anglais. Comme ses compatriotes, il décrit les contradictions de son pays dans ses livres.
Une jeune Américaine a été égorgée. Sa compagne tente d’échapper aux assassins.
Un autre crime, sans aucun rapport à première vue, met sur les dents la police du Cap.
L’inspecteur Benny Grissel, personnage en demi-teintes dans la lignée d’autres enquêteurs américains ou scandinaves, aura besoin de 13 heures pour trouver la solution des deux énigmes.
Voilà un superbe travail d’écrivain dans une mise en scène haletante.
À consommer sans modération, même si certaines scènes peuvent soulever le cœur.
Amitiés en hyperventilation,
Guy.
Deon Meyer – Points – 566 p.

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Disgrâce

Chef d’oeuvre, par le titulaire du Prix Nobel 2003.

Le professeur David Lurie enseigne à l’université du Cap. Âgé de 52 ans, divorcé deux fois, sa vie sexuelle cahotante le satisfait jusqu’au jour où il rencontre et séduit une jeune étudiante, qui l’accusera de harcèlement sexuel. Il démissionne, et se réfugie chez sa fille Lucy, qui dirige une petite ferme au milieu de nulle part. Leur vie à tous deux basculera quand ils seront violemment agressés.
L’Afrique du Sud décrite par Coetzee porte les séquelles de l’apartheid. Les habitants de race blanche paient comptant les erreurs de leurs prédécesseurs. Le dialogue interracial est difficile, sinon impossible. Peu de personnages sympathiques dans ce roman où règne pourtant un humanisme entraînant.

Il y a du Philip Roth dans Coetzee, l’élégance en plus.
Amitiés afrikaners,

Guy.
John Maxwell Coetzee
Points – 273 p.

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