La prochaine fois, je viserai le cœur

Au cours des années 1978-1979, Alain Lamare, Gendarme et tueur en série, semait la terreur dans l’Oise, département déjà ébranlé à l’époque par un autre tueur en série : Marcel Barbeault alias, « le tueur de l’ombre ».

Cédric Anger situe l’intrigue 4 ans plus tôt et le tueur/gendarme, Guillaume Canet, devient Franck. Ce n’est pas un génie du mal du genre d’Hannibal Lecter dans le silence des agneaux, il m’a plutôt fait penser à Stéphane, ce luthier étrange et ténébreux incarné par Daniel Auteuil dans « un cœur en hiver » de Claude Sautet. Franck est malade, a conscience de sa maladie et en souffre. S’il fallait le raccrocher à une célébrité du 7e art, ce serait Norman Bates. Mais alors que dans psychose, Hitchcock ne s’intéresse qu’aux effets théâtralisés de la psychopathologie du personnage, Anger s’intéresse au conflit intérieur qui ronge Franck.
Certes, dans psychose, Marion Crane entend Norman Bates se disputer avec sa mère et on se doute bien qu’il doit y avoir un conflit intérieur, mais il ne fait l’objet d’aucun développement.

Dans « la prochaine fois… », le rapport de Franck avec sa mère est aussi évoqué dans une scène qui met très mal à l’aise, mais elle n’atteint pas les sommets hitchcockiens.

Les deux tueurs ont comme point commun leurs pulsions sexuelles qui se transforment en pulsions meurtrières. Comme Norman Bates, Franck finira sa vie dans un hôpital psychiatrique.

On peut peut-être voir aussi dans ce film une critique du mythe de la libération sexuelle qui vivait alors ces grandes heures. Ce vieux libidineux en manque de compagnie qui met des petites annonces dans les toilettes crasseuses d’un café m’a mis la puce à l’oreille. D’une certaine manière, Franck et le vieux sont tout deux exclus d’un système dans lequel règne le dogme d’une hétérosexualité standardisée et aseptisée telle qu’on peut la voir dans les films de François Truffaut (pour les fans comme moi, ne manquez pas l’expo actuellement à la cinémathèque).

La maladie de Franck n’est pas non plus la perversité jouissive chère au divin marquis (très déçu par l’expo « Sade » du musée d’Orsay), c’est plutôt un poltergeist, une sorte d’esprit, un loa vaudou qui viendrait prendre possession de Franck, un loa contre lequel il lutterait, mais contre lequel il ne pourrait en définitive rien faire.

Pour terminer, je voudrais revenir sur le titre. Bien entendu, on pense d’abord à Franck qui vide son arme sur les jambes de ces victimes au lieu de viser le coeur, mais cette phrase m’est revenue à la fin du film et j’ai essayé de lui donner une autre signification. Je l’ai imaginée prononcée en guise d’excuse par un Cupidon maladroit ayant raté son coup et dont la flèche aurait malencontreusement atteint la tête du destinataire.

Edouard

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