Point de situation sur les sources babyloniennes ayant incontestablement influencé l’histoire du célèbre héros biblique et de sa ménagerie flottante.
La découverte au lycée de « la naissance de Dieu » de Jean Bottero aura été un véritable coup de foudre littéraire. C’est dans cet ouvrage que je fis la connaissance de l’épopée de Gilgamesh et du personnage d’Utnaphisti, survivant du déluge ayant construit une arche dans laquelle il fit entrer tous les animaux de la création. Les influences mésopotamiennes sur le récit biblique sont connues depuis la fin du XIXe siècle. J’étais donc très méfiant en lisant la critique de cet ouvrage publié il y a quelque temps dans Lemonde, me demandant si elle allait vraiment m’apporter quelque chose que je ne savais déjà : je n’ai pas été déçu de mon acquisition.
L’épopée de Gilgamesh s’articule autour des conséquences de la mort d’Enkidu et du chagrin que cet événement produit chez le héros mésopotamien. C’est dans ce contexte que Gilgamesh rencontre le survivant du déluge auquel les dieux ont donné l’immortalité. L’entrevue avec Utnaphisti ne constitue qu’une petite partie de l’épopée. Finkel nous présente ici d’autres versions babyloniennes du mythe, écrites antérieurement à l’épopée, en particulier l’histoire d’Atrahasis, d’ascendance royale cette fois-ci, qui a la charge, comme Utnaphisti et plus tard Noé, de sauver l’humanité et le monde animal en construisant une embarcation susceptible de le protéger du déluge.
La grande nouveauté apportée par Irving Finkel est une tablette contemporaine du récit d’Atrahasis, se concentrant cette fois-ci sur les modalités techniques de la construction de l’arche qui s’avère être ronde et correspondre à un type d’embarcation bien connu en Irak : le coracle. Si les dimensions globales de l’arche n’évoluent guère d’un récit à l’autre, il n’en est pas de même de sa forme, très dépendante du contexte géopolitique et culturel de l’époque au cours de laquelle le récit est raconté, ainsi que de l’importance que l’auteur a voulu lui accorder dans l’intrigue. À titre d’exemple, la référence à une arche carrée dans l’épopée de Gilgamesh, dont les capacités de flottaison sont plus que douteuses, met bien en évidence le fait que la physionomie du navire était le cadet des soucis des auteurs.
Ainsi, le plus passionnant ne réside pas dans l’événement relaté, ni dans sa potentielle réalité historique, mais dans les différents récits qui en ont été donnés. C’est donc un prétexte pour voyager dans l’histoire de l’écriture cunéiforme depuis le commencement (le récit existait probablement bien avant) jusqu’à son abandon au début de notre ère. Une grande partie de « L’Arche avant Noé » s’intéresse à la transmission du récit cunéiforme vers sa forme hébraïque. Il est incontestable que l’exil à Babylone est un événement clef de l’histoire de l’écriture de la Bible. Les auteurs du livre saint, s’étant attachés à dénoncer les coutumes des habitants de la ville où ils avaient été déportés, se sont bien gardés de dire combien cette cohabitation avait été importante pour eux et encore moins ce qu’ils devaient à la culture babylonienne. Finkel rassemble patiemment les indices mettant en évidence cette influence…une affaire à suivre.
Edouard
Irving Finkel
JC Lattès
2015
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