La mort de la mort

À la fin des années 90, les perspectives que laissait entrevoir l’avènement d’internet couplé avec les progrès scientifiques tout particulièrement dans la génomique ont abouti sur l’idée que l’homme du futur n’aurait plus grand-chose à voir avec ce qu’il est aujourd’hui et qu’il serait donc un « post-humain ». Au dire des partisans de cette théorie, le post-humain se caractériserait par sa très forte interconnexion avec l’informatique qui en ferait une sorte de cyborg. Par ailleurs, cette créature (pas certain qu’on puisse encore parler d’individu à ce stade) serait dotée d’une longévité exceptionnelle qui le rendrait quasi immortel, ne pouvant rejoindre l’au-delà que par accident, assassinat ou suicide.

Nous n’en sommes pas là aujourd’hui. C’est pourquoi les partisans du « post-humaniste », déterminés à assurer son avènement, qualifient de « transhumaniste » la période séparant l’homo sapiens actuel du cyborg du futur. Le transhumanisme se résume en quatre lettres : NBIC. Ce serait en effet de la combinaison entre les Nanotechnologies, la Biologie, l’Informatique et les sciences Cognitives que devrait naître le post humain.

Force est de constater aujourd’hui que le monde évolue à une vitesse vertigineuse et que les progrès de l’informatique et de la génomique sont bien là. S’agissant des nanotechnologies et des sciences cognitives, les progrès sont moins médiatisés.

Comme toujours face à ces phénomènes, les attitudes des uns et des autres sont divisées : il y a ceux qui voudraient inverser la tendance, ceux qui pensent que rien ne doit entraver la marche du transhumanisme (dont Laurent Alexandre fait visiblement partie) et l’immense majorité qui tente de s’adapter aux transformations de la société sans attacher à celles ci, plus de crédit que leur valeur factuelle.

Je ne pense pas qu’un retour en arrière soit possible et je suis convaincu que des évolutions scientifiques majeures changeront effectivement l’être humain en profondeur. Ceci dit, l’abolition de tout garde-fou me semble extrêmement dangereuse. L’auteur fustige beaucoup l’Europe qui, selon lui, serait en passe de rater le tournant transhumaniste avec ses réserves bioéthiques, ce qui devrait la mettre à la traîne de la Chine et des États-Unis.

À tout bien réfléchir, le nazisme était un projet comparable au transhumanisme et ne s’en distinguait que par le contexte des années 30. Les nazis étaient eux aussi friands de ce qui était considéré alors comme des nouvelles technologies, notamment l’endocrinologie. Tout comme les nazis, les transhumanistes semblent particulièrement favorables à l’eugénisme et dans une certaine mesure à l’euthanasie sans prôner toutefois (au moins officiellement) l’extermination industrielle. Ces éléments expliquent certainement la position de l’Europe, plus échaudée que ces partenaires, qui doit rester un garde fou.

Pour ceux que le sujet intéresse, je conseillerais plutôt « le transhumanisme » de Béatrice Jousset-Couturier aux éditions Eyrolles qui m’a paru nettement plus sérieux.

 

Dr Laurent Alexandre

JC Lattès

2016

Édouard