Un roman Français

Pris en flagrant délit d’absorption de substances illicites sur la voie publique, ou en moins administratif, en train de sniffer de la coke sur le capot d’une voiture à la sortie d’une boîte de nuit, l’auteur de 99 francs est transféré au poste. Les 48 heures de garde à vue qui vont suivre seront l’occasion pour l’écrivain de faire un plongeon dans son passé.

L’auteur commence par avouer son amnésie pour tout ce qui concerne son passé, mais on finira par tout savoir du quadragénaire cynique, chouchou des studios canal +. On saura tout de ses origines aristocratiques par sa mère et grandes-bourgeoises par son père, tous deux natifs du Pays basque ; de son adolescence de golden boy pourri gâté, en partie vécue dans un loft new-yorkais, du complexe d’infériorité qu’il nourrit vis-à-vis de son grand frère, de ses douleurs d’enfant de divorcés et de sa culpabilité de père divorcé…

Beigbeder tente de nous faire croire que tous ces souvenirs lui sont revenus alors qu’il croupissait entre les murs suintants de sa cellule, mais on les sent plutôt sortis du sofa douillet d’un psychanalyste parisien. L’incarcération, dit-il, lui a ouvert les yeux. Tant mieux pour lui. Il n’est plus comme avant. Tant mieux pour lui. Il va changer. Tant mieux pour lui.

À la fin du livre, il déclare qu’il aimerait que ce livre soit son premier. J’ai exaucé ses vœux puisque je n’ai rien lu de lui avant, même si, comme tout le monde, j’ai entendu parler de 99 francs et de son adaptation cinématographique. Avant de le lire, je pensais que Fréderic Beigbeder était quelqu’un qui ne présentait pas un intérêt particulier. Et puis, je l’ai vu présenter son livre à la télé et il m’a touché. Ensuite, j’ai pensé que si le jury du Renaudot l’avait choisi, ça devait être pour une bonne raison. Aujourd’hui, je pense que le Renaudot de Beigbeder, c’est un peu comme le Nobel d’Obama : des encouragements qui sanctionnent une déclaration d’intention. Wait and see. Je ferme la parenthèse Obama.

Pour résumer, j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps (heureusement, dans le TGV) avec un présentateur télé narcissique et je trouve que « 18€ » aurait été un titre plus approprié qu’ « un roman français ». Que reste-t-il de ce voyage dans la peau de Fréderic Beigbeder ? Le style et l’humour ? Oui. Une dénonciation de la politique carcérale française ? Sans doute. Les douleurs des enfants de divorcés associées à une critique de mai 68 ? Peut-être.

Edouard

Un roman français
Frederic Beigbeder
2009

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Illusions perdues

Dans les années 1820, à Angoulême, deux amis, Lucien Chardon et David Séchard rêvent de réussir leur vie. Ce sera la reconnaissance de son talent de poète pour Lucien et l’aboutissement de ses recherches sur un processus révolutionnaire de fabrication de papier pour David.
À la fin de la première partie, les existences des deux jeunes hommes prennent des tournants décisifs. David se marie avec Ève, la sœur de Lucien. Ce dernier monte à la capitale avec sa maîtresse, la belle comtesse Louise de Bargeton à qui il a fait tourner la tête.
Dans la deuxième partie, on suit les aventures de Lucien à Paris. Délaissé par Louise peu après son arrivée, Lucien va se retrouver à la rue, ou presque. Il va remonter la pente en intégrant un petit cercle d’artistes miséreux au grand cœur. Rapidement, il va prendre conscience de son talent, mais, trop peu expérimenté, il dégringolera de son piédestal aussi rapidement qu’il s’y était hissé et reviendra à Angoulême l’oreille basse.
Dans la dernière partie, on assiste aux misères de David qui, en plus de payer les dettes de son beau frère, doit affronter les foudres des frères Cointet, de puissants rivaux qui s’efforcent de profiter du fruit des recherches du jeune inventeur.

Lire « Illusions perdues », c’est se perdre dans le ventre de la « Comédie humaine ». C’est aussi se plonger dans une époque où les rapports sociaux étaient sans doute encore très proches de ce qu’ils étaient sous l’Ancien Régime et où les différences entre Paris et la province étaient évidemment beaucoup plus prononcées qu’elles ne le sont aujourd’hui. C’est aussi un style très délayé, idéal pour une époque où la lecture était une distraction majeure qui n’avait pas à craindre la concurrence du cinéma, mais peu adaptée au XXIe siècle où le temps consacré à la lecture se compte parfois en trajets de RER.

Il n’en reste pas moins qu’ « Illusions perdues » restera un chef-d’œuvre de la littérature. Ce qui restera, c’est sans doute la deuxième partie dans laquelle Balzac décortique le mythe de l’artiste maudit au grand cœur, pauvre, mais honnête que l’on retrouvera en particulier au XXe siècle dans « La bohème » d’Aznavour. C’est aussi une réflexion sur la relativité du mot « talent », sur le besoin de reconnaissance, sur la maturité… Ce que je retiendrai d’ « Illusions perdues », ce n’est pas « inutile d’avoir de l’ambition, attendez la mort de vos parents pour vous enrichir » (c’est l’histoire de David), mais plutôt, « le talent n’est rien si on ne sait pas l’exploiter » (c’est l’histoire de Lucien qui va être pris en main par un jésuite espagnol et qui sera relatée dans un autre roman).

Edouard

Illusions perdues
Balzac
1836-1843

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