45000 personnes sont mortes de faim dans les hôpitaux psychiatriques français pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est un fait que je ne connaissais pas. Un article était consacré à cet ouvrage dans le numéro hors série de « sciences humaines » consacré à l’histoire des psychothérapies et j’ai voulu en savoir plus.
Peut-on attribuer ce phénomène à une politique eugéniste du régime de Vichy comme beaucoup l’ont soutenu, surtout dans les mouvements de gauche depuis le début des années 80 ? Isabelle von Bueltzingsloewen décortique les faits et soutient bec et ongle qu’il n’y a pas eu de génocide, que cette situation effrayante est due à une conjonction d’éléments imputables à différents acteurs, y compris issus de la société civile (dont les familles de certains aliénés). En gros, il ressort que la France de l’occupation était un immense radeau de la méduse et que les aliénés ont in fine payé l’addition pour tout le monde. Les partisans de la thèse de l’extermination pourront toujours argumenter que les pouvoirs publics de l’époque se sont efforcés de masquer leur action, ils pourront accuser l’auteur d’avoir détourné l’interprétation de tel ou tel élément, voire d’en avoir caché certains autres…bref, les historiens n’ont pas fini sur ce point de s’envoyer des paperasses à la figure.
Ce qui m’a semblé beaucoup plus intéressant, c’est l’état des lieux qui est fait de la psychiatrie de l’époque. Cette discipline était alors loin d’avoir le statut qu’elle a aujourd’hui dans la société. Les psychiatres étaient plus souvent vus comme des garde-chiourmes que comme de réels médecins. Les deux éléments fondamentaux pour comprendre le contexte s’attachent à l’origine de la pathologie mentale et la possibilité de guérir les malades.
Concernant l’origine, la France des années 30 n’a pas fait le choix du tout génétique qui a justifié les politiques de stérilisation systématique en Suède et en Allemagne.
L’auteur n’évoque pas la psychanalyse, thérapie qui ne laisse pas de place à la génétique. Avait-elle à l’époque plus d’influence en France qu’ailleurs ? Sa nature non-eugéniste est elle à l’origine de la place qu’elle occupe aujourd’hui dans la psychiatrie française ?
Concernant les possibilités de guérison, les psychiatres de l’époque peinaient beaucoup. Leurs tentatives étaient souvent hasardeuses et les guérisons rarement explicitées. Leur pharmacopée était par ailleurs très réduite (les neuroleptiques n’apparaîtront que dans les années 50). L’electro-choc qui apparaît dans les années 40 est utilisé de manière complètement empirique.
Tous ces éléments contribuaient à faire du fou un poids mort et finalement, beaucoup acceptèrent sans doute inconsciemment qu’assurer leur survie n’était pas « prioritaire».
Les mentalités ont-elles vraiment changé ? N’est-ce pas plus simple de désigner un responsable que de s’interroger sur la place des malades mentaux dans la société ?
Edouard
L’hécatombe des fous
Isabelle von Bueltzingsloewen
2007
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