Comment homo sapiens a-t-il fini par devenir la seule espèce humaine sur Terre ?
L’année 2014 a été une riche année éditoriale en paléoanthropologie. Suite aux révélations scientifiques de 2010 concernant l’hybridation partielle entre Néandertal et Sapiens, de nombreux scientifiques ont en effet proposé des théories concernant non pas l’origine des premiers hommes préhistoriques, mais celle de notre espèce : « homo sapiens ».
Je n’ai pas lu « Sapiens : une brève histoire de l’humanité » de Yuval Noah Harari publié la même année (en 2015 en France) avec un très fort retentissement médiatique, dressant, d’après ce qu’en a dit mon cher co-blogueur Guy et un certain nombre de personnes qui m’ont fait part de leur impression, une charge violente contre notre espèce.
L’ouvrage de Stringer semble beaucoup plus modéré, laissant une très grande part aux incertitudes qui planent encore aujourd’hui. Il est assez proche à ce titre de « qui a tué Néandertal ? », également publié en 2014. Stringer ne se limite pas cependant aux rapports entre « Sapiens » et « Néandertal » même s’il s’y attarde beaucoup.
Pour ceux qui s’intéressent de près à l’actualité de la paléoanthropologie, le premier tiers de l’ouvrage pourra sembler passablement obsolète. En effet, Stringer ne parle pas d’homo Naledi, nouvelle espèce d’hominidés découverte en Afrique du Sud l’année suivante, ni des fascinantes découvertes au Maroc en 2017 de restes d’homo sapiens, vieux de 300 000 ans qui semblent plaider pour une origine ouest-africaine de notre espèce.
L’approche de l’auteur n’en reste pas moins intéressante. Pour ceux qui prennent le train en marche, retenez qu’on ne pense plus aujourd’hui l’histoire du genre Homo sous forme de frise dans laquelle le singe s’élève peu à peu pour devenir l’aboutissement parfait : nous. Ce schéma, encore très largement accepté jusque dans les années 90 est aujourd’hui remplacé par celle du buisson au milieu duquel de nombreuses espèces se sont succédé et/ou croisées au cours de l’histoire. De ce buisson, une seule espèce a survécu, pourquoi ?
Stringer ne pense pas que Sapiens était forcément plus méchant que les autres, mais qu’il a bénéficié d’un contexte génétique et climatique particulièrement favorable à son extension. L’auteur s’attarde aussi sur un facteur, selon lui déterminant pour assurer le succès de Sapiens : sa capacité à interagir avec ses semblables et à fonctionner en réseau. Il fait à cet effet les louanges du phénomène religieux. C’est peut-être ce qu’il a voulu dire, mais « système de représentation » me semblerait plus approprié. En effet, il me semble évident que notre environnement est moins stressant si on lui donne un sens, nous permet de mieux vivre et de mieux appréhender l’avenir. Après, savoir si le meilleur système de représentation est le communisme, le catholicisme, le scientisme, l’islam…c’est une question que Sapiens a probablement eu longtemps la chance de ne pas se poser.
Édouard
Chris Stringer
Gallimard
2014