Pour les besoins d’une enquête, l’inspecteur Fin Macléod revient après 17 ans d’absence sur l’île où il a passé son enfance et son adolescence.
Au XXIe siècle, le polar est devenu un véhicule incontournable de diffusion d’une identité nationale sous le prétexte d’un « who done it ? » universellement compris. L’important n’est pas tant de découvrir le meurtrier, que le contexte dans lequel l’enquête se déroule, permettant de dévoiler l’histoire, les mœurs et les coutumes d’un pays. Tout comme Indridason le fait pour l’Islande et Xiaolong pour la Chine, Peter May nous raconte l’Écosse.
Je ne savais rien de la culture écossaise et n’avait que le vague souvenir d’un voyage de classe au collège dont je ne garde que les images du mur d’Hadrien et de la gigantesque épée de William Wallace. C’est vrai, il y a les kilts et les cornemuses, le whisky, le monstre du Loch Ness, highlander et braveheart, mais tout ça me renvoyait à un folklore aussi sympathique que poussiéreux. Peter May nous plonge dans l’Écosse contemporaine et dans le combat identitaire qui persiste notamment par le biais de l’usage de la langue gaélique.
Les deux premiers volumes : « l’île des chasseurs d’oiseaux » et « l’homme de Lewis » répondent parfaitement aux canons du Polar contemporain. Ma préférence va pour le second opus qui m’a complètement scotché. Je n’avais pas ressenti une telle addiction littéraire depuis ma découverte de Millenium il y a une dizaine d’années.
« Le braconnier du lac perdu » est d’une autre nature. L’opus commence comme il se doit par la découverte d’un corps, mais l’enquête qui s’en suit m’a semblé pour le moins laborieuse, jusqu’à ce que je comprenne que je n’étais plus du tout dans un roman policier. Cette prise de conscience m’a obligé à revoir sous un autre angle les deux premiers volumes et m’a conduit à conclure que cette trilogie est en fait une mini « recherche du temps perdu ».
Les angoisses existentielles de Fin dans les deux premiers volumes s’effaçaient clairement derrière l’intrigue principale. Elles deviennent omniprésentes dans le dernier volet qui s’articule autour d’un personnage qui a détruit sa vie pour préserver coûte que coûte la saveur de sa jeunesse. Fin est en pleine crise de la quarantaine et les nombreux tableaux de jeunesse du « braconnier du lac perdu », s’ils ne permettent pas particulièrement d’avancer dans l’enquête, sont essentiels pour permettre à Fin de se retrouver. On n’échappe pas à son passé construit par les circonstances, par des choix qui laisseront un goût amer et par d’autres qui auront des conséquences décisives.
Les vieux amis de Fin n’échappent pas à cette loi intangible de la nature humaine avec des conséquences souvent tragiques. Fin commence à sortir du trou lorsqu’il rejette les avances très appuyées d’une amie d’enfance, prenant conscience que la jouissance immédiate ne pèserait pas grand-chose, comparée aux conséquences désastreuses qu’elles pourraient produire à moyen et long terme. Lorsque Fin comprendra que ses actes passés et ceux de son entourage conditionneront largement son avenir, il sera sauvé. Artair, Donald et Whistler n’auront pas eu cette chance.
Édouard
2009-2012
Actes Sud