
La mère du narrateur s’étant retirée au chevet d’une parente, Marcel se retrouve seul avec la très dévouée Françoise dans l’appartement parisien et en profite pour y installer Albertine.
Les trois derniers volumes de la recherche (« la prisonnière », « la fugitive » et « le temps retrouvé ») ont été publiés après la mort de l’auteur en 1922. L’intrigue de « la prisonnière » se déroule dans les années 1902-1903. Une allusion au procès Landru nous permet par ailleurs de comprendre que l’ouvrage a été écrit dans l’immédiate après-guerre. L’auteur se sentait peut-être déjà condamné lorsqu’il écrivait ces lignes, ce qui pourrait expliquer l’omniprésence de la mort. Les spécialistes de Proust l’expliquent aussi par la mort en 1914 d’Alfred Agostinelli, le secrétaire de l’écrivain qu’il avait rencontré un an plus tôt, dont il était follement amoureux et qui est souvent vu comme un modèle d’Albertine.
Tout comme l’histoire de Proust et d’Agostinelli, l’histoire de Marcel et d’Albertine est une histoire d’amour non partagé. Comme le titre de l’ouvrage semble l’indiquer, c’est en véritable geôlier que se comporte le narrateur : dévoré par la jalousie et toujours convaincu qu’Albertine lui cache son homosexualité, il la fait suivre et cherche des preuves, limite ses sorties. Narcissique, ultra-possessif, il l’observe, l’analyse, la décortique comme le ferait un entomologiste avec ses insectes. Très Pygmalion, il l’éduque, lui inculque les bonnes manières, lui donne une culture littéraire, l’habille comme la duchesse de Guermantes…mais cela reste un amour à sens unique, on comprend mal comment Albertine supporte cette vie.
Le vent tourne après une soirée chez les Verdurin à laquelle Marcel se rend seul. Le petit clan est toujours là, mais nombre des habitués sont morts ou mourrants: Swann, Bergotte, Saniette, Cottard…en parallèle, l’univers des Guermantes se délite : le duc de Guermantes n’est pas élu président du Jockey club et son frère, le baron de Charlus, qui avait intégré le cénacle par amour pour le violoniste Morel, est publiquement destitué en tombant dans un piège tendu par madame Verdurin, inquiète de l’importance prise par le baron au sein de son salon. Le terrible Charlus du côté de Guermantes se révèle un cœur tendre, naïf, pataud, peu psychologue et, comme son frère, très fragilisé à l’extérieur du milieu très codifié dont il est issu.
De retour chez lui, le narrateur se dispute avec Albertine et lui déclare qu’il souhaite une séparation. Ils finissent toutefois par se réconcilier et on sent une amélioration dans leurs rapports, même si ce n’est toujours pas le grand amour. Il semble y avoir plus d’échanges, de souplesse dans cette étrange relation. Marcel tente de s’abstenir de traquer les mensonges d’Albertine et comprend que ces derniers n’obéissent à aucune logique. Albertine ne ment pas uniquement pour cacher une vérité, mais aussi parce que, selon les circonstances et ses interlocuteurs, elle préfère telle ou telle réalité. Elle n’attache aucune importance à la vraisemblance de ses propos et aux éventuelles incohérences qui pourraient en résulter. Tout cela aurait pu durer un certain temps, mais un beau matin, Françoise apprend au narrateur qu’Albertine s’est enfuie (tout comme le fit Alfred Agostinelli).
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