Prague

L’instant que je retiendrai est quand, dans Obecní dům (la maison municipale), j’ai commencé à comprendre comment j’allais écrire cette chronique.
J’étais venu voir le Golem, le fameux protoFrankenstein israélite, créé au XVIe siècle par rabbi Loew, sous le règne de l’empereur Rodolphe II. Dans la fraîcheur matinale de janvier, on sent bien sa présence dans le vieux cimetière juif. On se dit qu’il doit être caché quelque part, entre toutes ces pierres tombales hirsutes et rongées par le temps, mais je ne l’ai pas vu. Heureusement, pour la somme modique de 160 korunas (environ 7€), j’ai pu acheter un Golem miniature. Il n’a pas l’air très facile à manier et en plus, je crois qu’il ne comprend que l’hébreu.
Mais heureusement, j’ai trouvé autre chose. En premier lieu, la suite de l’histoire du Saint-Empire romain germanique que j’avais commencé à découvrir l’été dernier. J’ai été soufflé par la puissance de la Bohème médiévale. Contrairement à la Hongrie, elle n’avait pas à se soucier des assauts ottomans, ces derniers n’étant jamais remontés aussi haut. Rome aussi était loin et ce n’est peut-être pas un hasard si les hussites y virent le jour. Ces derniers seront à l’origine du protestantisme qui s’étendra comme une traînée de poudre sur l’Europe au XVIe siècle. Était-ce uniquement par souci de protéger la foi catholique ou était-ce un prétexte pour soumettre ce voisin aussi prospère qu’indomptable que Vienne y procéda à la contre-réforme ? Toujours est-il que les églises baroques construites un peu partout dans la ville, fleurons du catholicisme triomphant, sont souvent impressionnantes. A l’époque, pas facile de séparer art, religion et politique.
Et puis, le temps à fait son œuvre…et l’art a survécu pour donner à la ville son charme si particulier. Chaque nouvelle strate architecturale trouvant sa place dans le paysage urbain sans pour autant chasser la précédente.
A la fin du XIXe, l’art nouveau marque à son tour la ville de son empreinte. Mucha, que nous connaissons surtout en France pour ses affiches, peint les vitraux de la cathédrale saint Guy, située juste derrière le château cher à Kafka. L’art nouveau envahit la ville, mais aussi l’intérieur des maisons : meubles, tapisseries, bibelots et finit aussi par laisser sa trace dans les vêtements et même les sous-vêtements : magnifique exposition à la maison municipale jusqu’en 2015. L’art prend alors une autre dimension et s’affranchit du religieux et du politique, il devient insaisissable, imprévisible et ne cessera de grandir. Ce sera les maisons cubistes, ce sera Tančící dům, la maison qui danse, ce monstre de verre et de béton qui semble se déhancher sur un air endiablé..
L’art : ce géant qui envahit tout, qui ne s’inquiète ni des fleuves, ni des montagnes, ni des frontières, ni des forteresses, ni des langues, ni des religions, ni du pouvoir. Lui qui est seul capable de transporter et d’unir tout un continent dans un même élan d’émotion. Lui, ce Golem, dont personne n’arrêtera jamais la course. Prague a un indiscutable talent pour mettre en valeur ses différents visages.

Edouard

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Une réflexion sur “Prague

  1. Martine 14 janvier 2014 / 17 h 54 min

    Très bien ! Très intéressant !
    Il ne manque que des photos…

    Poutous

    J’aime

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