Hercule

On ne le présente plus.

En matière de blockbusters mythologiques, je suis plutôt du genre classique. J’aime voir incarnées les représentations des récits que je m’étais construites à 10 ans. On ne triche pas avec la mythologie, je reste intraitable sur ce point.

« La légende d’Hercule », sorti il y a peu aura été à ce titre un nanar de la pire espèce : on ne voit qu’un seul « travail » au début du film : le lion de Némée campé par une brave bête visiblement sur nourrie et sous calmants. S’ensuit une intrigue pitoyable, maladroitement inspirée de Gladiator dans laquelle s’immiscent des interventions célestes ridicules du père du héros. Il paraît que le film de Renny Harlin a fait un flop au box-office …il y a visiblement des producteurs inconscients à Hollywood.

Le film de Brett Ratner semblait plus prometteur, la bande-annonce présentait un lion de Némée, un sanglier d’Erymanthe, une hydre de Lerne et un Cerbère qui avaient incontestablement de la gueule. En fait, on les voit au tout début, mais pas beaucoup plus que dans la bande-annonce. Ulcéré de m’être fait rouler dans la farine, j’ai failli partir. J’aurais eu tort, l’image est spectaculaire et le scénario pas si débile. Tout le film tourne autour de la légende et du décalage qu’il y a entre cette dernière et le vrai Hercule. La légende d’Hercule se lit en filigrane: dans la tête de tous ses contemporains qui ont en mémoire ses exploits, dans la voix du conteur, dans les yeux émerveillés d’un petit garçon qui lui égraine fièrement les 12 travaux qu’il a appris par cœur, dans les sourires goguenards et méprisants des puissants, dans les pommettes de ses admiratrices qui rougissent sur son passage…

Mais Hercule, qui est-il vraiment ? Plus on se rapproche du demi-dieu, plus l’image est floue et lorsqu’on entre dans la tête du fils de Zeus (cela aurait été plus cohérent de dire « Jupiter », mais bon, on ne va pas chipoter), on s’aperçoit qu’il poursuit une profonde quête identitaire. N’est-il qu’une spectaculaire montagne de muscles, un « catcheur » comme l’était Dwayne Johnson qui l’incarne à l’écran ? Quelles sont vraiment ses origines ? Quel rôle a-t-il joué dans la mort de sa femme et de ses enfants ? J’avais complètement oublié cette histoire de meurtres : je me souviens maintenant qu’elle m’avait beaucoup marquée.

Pour terminer, je voudrais revenir sur les deux morceaux de bravoure au cours desquels le héros fait usage de sa force…herculéenne. J’avoue que je me suis entendu intérieurement lui dire « vas-y, tu peux y arriver ». S’il avait échoué, cela aurait été terrible, pas du fait des conséquences scénaristiques de l’échec que cela aurait été l’arrêt de mort de la légende.

Don Quichotte, avant de mourir, renie sa propre légende, j’en pleure encore. Un héros se doit d’entretenir son mythe, ne serait-ce que pour continuer à rendre heureux tous ceux qui ont mis leur espoir en lui. Un très bon cru au final, on en sort fortifié.

Edouard

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Athènes

L’instant que je retiendrai est mon arrivée à Roissy: 13° ! Aznavour avait sans doute raison, la misère doit être moins pénible au soleil. Car de la misère, il y en a beaucoup là bas. On ne peut peut être pas tout imputer à la crise, mais quand même, les commerces indiqués dans mon guide qui ont fermé depuis sa publication, cet énorme personnage dégoulinant de graisse tagué sur un mur et sur le ventre duquel sont tatoués, un €,un $ et deux mots sans appel « always hungry »…il y a des signes qui ne trompent pas.

Donc, le soleil est là, la mer aussi, bleue, comme le ciel, Le Pirée, ce port du bout du monde que le soleil inonde, de ses reflets d’argent…et puis il y a la méditerranée, sa culture, sa cuisine, alors forcément, c’est moins pénible. Ça, c’est la carte postale, c’est le petit rab d’été que viennent chercher les Européens de l’ouest (beaucoup de Français) en octobre.

Mais bien entendu, la culture grecque ne se limite pas à son économie, à sa météo et à sa gastronomie. Athènes, pour l’occident, c’est tout d’abord l’antiquité, celle de l’Acropole, du Parthénon,  celle des mythes importés par les Romains et de la philosophie, les fondements de notre civilisation occidentale.

L’Ouest ne pense pas immédiatement à l’Empire byzantin et à la religion orthodoxe. Pourtant, cette dernière, très éloignée du catholicisme triomphant de l’Ouest, est très présente. Une religion en résistance, comme en témoignent ces microéglises qui pullulent un peu partout.

Avec la « résistance », on aborde une part de la culture grecque dont il est encore difficile de parler et sur laquelle mon guide prend bien soin de ne pas s’étendre : l’occupation ottomane.

Les Grecs ont-ils résisté pendant 400 ans sans être imprégnés par les Turcs ? Religieusement, ils ont résisté, c’est certain. Il y a bien la mosquée de Monastiraki, les bains des vents,  les pâtisseries orientales, quelques narguilés disséminés ici et là, mais…c’est plutôt discret pour la capitale d’un pays qui ne s’est libéré qu’en 1821. Peut-être que les ottomans n’accordaient pas beaucoup d’importance à Athènes, c’est bien possible. Cette influence ottomane, on la retrouve tout de même au musée des arts et traditions populaires, toute une gamme de vêtements et d’objets inspirés des cultures indienne et chinoise, importées par les Turcs. Ces 400 ans, on les retrouve aussi dans les 400 plis des jupes des gardes nationaux : la résistance à l’ottoman fait partie intégrante de l’identité nationale. Pas facile de régler le conflit chypriote ou d’admettre la Turquie dans l’Union européenne dans ces conditions.

La question de l’héritage ottoman ne concerne pas que la Grèce, mais une bonne partie de l’Europe de l’est. Qui, à l’Ouest, est disposé à reconnaître que nos bases culturelles romaines, catholiques et protestantes ne peuvent plus constituer à elles seules le référentiel culturel de l’Union européenne ? Et l’Europe de l’est, que fera-t-elle de cet héritage ? Peut-on vivre sereinement en escamotant son passé ? Un beau sujet de philo.

Edouard

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