Je n’ai envie de parler sur ce blog que des choses qui me semblent positives. Ou alors, c’est pour dénoncer ce qui me révolte. C’est la raison pour laquelle je ne vous parlerai pas des « amants passagers ». En plus, j’aime bien Almodovar et ça me ferait du mal de lui taper dessus.
Dans les années 30, le rabbin Abraham vit à Alger avec sa fille Zlabya et son chat.
Une dizaine d’années que j’entends parler de cette BD, mais je n’avais jamais eu l’occasion de m’y plonger et n’ai pas vu non plus le dessin animé que j’essaierai de trouver en VOD.
J’ai pu rattraper une partie de mon retard en avalant d’une traite les cinq premiers volumes. Le sixième : « tu n’auras pas d’autre Dieu que moi » est attendu…depuis sept ans (on dirait presque une blague juive).
Le graphisme est assez simple, mais se laisse regarder : ça me fait un peu penser aux albums de Fred (mort mardi dernier), mais certaines planches sont plus fouillées et se rapprochent d’Hugo Pratt : deux dessinateurs nés juste après la crise de 29. L’atmosphère un brin surréaliste du « chat du rabbin » fait elle aussi penser à celles de Philémon et de Corto Maltese. Le message de tolérance interreligieuse est aussi très bien et pas trop appuyé, dilué avec parcimonie dans les aventures des héros.
Ce qui m’a le plus intéressé, c’est le fond historique. La France coloniale, mais surtout la vie des communautés séfarades dans les années 30. Aujourd’hui avec des films comme « la vérité si je mens », la culture séfarade est très largement vulgarisée. Dans les années 30, ça n’était pas le cas même si des écrivains comme Albert Cohen avaient écrit sur elles. A ce titre, j’ai beaucoup aimé l’histoire du neveu du rabbin qui vit à Paris et qui doit « faire l’arabe » pour gagner sa vie. Il explique à son oncle que pour les Parisiens, compte tenu de son type physique, ce ne serait pas compris s’il faisait le juif. Pour eux, le juif, c’est l’allemand, le polonais, le russe, bref, l’ashkénaze.
Le retour sur cette diversité culturelle, qui n’était visiblement pas toujours bien connue au sein même de la communauté (Abraham ignorait tout des falashas, juifs noirs d’Éthiopie) est à mon avis plus utile pour lutter contre l’antisémitisme que des discours lénifiants.
Une grande BD donc, à faire lire en priorité à tous ceux qui n’aiment pas lire. Les livres sont faits pour l’homme et non l’homme pour les livres : ce serait peut-être la morale de cette série.
Le chat du rabbin
Joann SFAR
2002-2006
Edouard
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