Vienne

La première partie du voyage touche à sa fin. Je me donne une demi-heure. Qu’est ce que je retiendrai de Vienne ? En arrivant de l’aéroport, ce qui m’a frappé, c’est que tout m’a semblé super clean, il y avait une petite rivière avec des galets et je me suis dit que les galets paraissaient incroyablement propres, qu’un employé municipal devait certainement les frotter la nuit. Je ne peux pas dire que le coup de foudre ait été immédiat. En plus, je me suis fait engueuler par un flic en arrivant parce que j’ai traversé une rue alors que le petit bonhomme était rouge. Je ne lui ai pas répondu qu’il n’y avait pas de voitures et je me suis platement excusé, j’avais trop peur qu’il m’emmène à la kommandantur. J’ai pensé que c’était parce que j’avais les cheveux trop longs et que je n’étais pas rasé. Je me suis rasé en arrivant à l’hôtel et effectivement, je n’ai plus eu de problèmes après.
Tous ces énormes palais pleins de touristes du centre-ville m’ont semblé pour le moins indigestes. En plus, j’y suis allé le premier jour, alors que je n’avais pas encore vraiment coupé le cordon ombilical avec mon guide.
Les trucs « à faire » que j’ai faits :
– Prendre un café viennois dans un vieux café typique du centre. Heureusement, il ne faisait pas trop chaud;
– Schönbrunn. J’y suis allé en traînant les pieds, mais ça vaut quand même le détour, très joli parc, c’est ce qui manque d’ailleurs aux palais du centre ;
– Klimt. Il y a une expo Klimt, Schiele, Kokoschka jusqu’au 10 octobre au Belvédère. Le chaland est attiré en centre-ville par de grandes affiches au titre racoleur : « dekadenz ». J’ai été un peu déçu, les œuvres sont exposées comme ça, sans explications, sans grands panneaux didactiques. Ceci dit, le parc, l’extérieur et l’intérieur du palais sont magnifiques ;
– Freud. Je suis passé devant sa maison, pas un grand intérêt. Je ne suis pas rentré, je n’avais pas pris rendez-vous.
Une fois les « à faire » faits, on commence à poser ses valises, on prend de la distance avec le guide et on se laisse porter. Ce que j’ai préféré de loin, c’est tout le quartier est de la ville, de part et d’autre du Danube. Bon, moi je l’ai vu plus vert que bleu, c’est peut être une question de luminosité ou alors, parce que « le beau Danube vert », ça fait moins classe. A l’est, il y a plein de gens qui traversent la rue alors que le petit bonhomme est rouge, ça m’a fait plaisir.
Je me suis assis à la terrasse d’un café sur schwedenplatz avec « le premier amour » de Sándor Márai, c’est la que j’ai trouvé l’instant, celui qui résume ce qu’on a ressenti dans une ville et dont on se souvient longtemps. C’est une odeur, une odeur exquise qui émanait de mon voisin qui fumait la pipe. Le tabac à pipe, ce parfum un peu désuet et au charme profond.

  Edouard

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Barcelone

Avant de parler de Barcelone, je veux saluer la collection « un grand week-end » chez Hachette qui me suit dans ma quête culturelle européenne.
Quelques précisions techniques cependant. Les guides ont tous le même format ainsi que les cartes pliables qui vont avec. Bien entendu, toutes les villes n’ont pas la même taille et toutes les cartes ne sont donc pas à la même échelle. Elles ne tiennent pas non plus compte du relief.
Pour des villes « plates » comme Londres, Amsterdam ou Bruxelles, cela n’a pas beaucoup d’importance, mais pour Barcelone qui est construite au bord de la mer à flanc de montagne, c’est différent. Les distances ne veulent pas toujours dire grand-chose à vol d’oiseau.
Ainsi, la localisation du « parc Güell » semble assez fantaisiste. Le métro le plus proche est « Lesseps » et non « fontana » comme indiqué sur le guide. C’est vrai, il y a une petite flèche noire sur le plan que je saurai maintenant traduire par « c’n’est pas du tout là, mais c’est globalement par là ».
De même, c’est un peu galère d’aller à la fondation Miró depuis « Poble Sec » et encore plus depuis « Espanya ». Il faut en fait prendre le funiculaire de « Paral.lel ». Après, on peut toujours redescendre la colline de Montjuïc par les jardins : c’est magnifique.
Un peu difficile de décrire cette ville kaléidoscope en constante mutation urbanistique : impossible de faire le tour. Difficile de ne pas y trouver son compte, de ne pas être fasciné par la Sagrada Familía et de résister aux charmes de la plage de la Barceloneta quand la chaleur vous accable.
Mes trois coups de cœur :
– La fondation Mirò : allez savoir pourquoi je suis plus bouleversé par Mirò que par Giotto…je pense que le snobisme dans l’art est entretenu par les snobs et par ceux qui n’éprouvent pas d’émotions artistiques. Se sont parfois les mêmes.
– Le Palau Güell : Tous ceux qui ont vibré comme moi en lisant « l’ombre du vent » de Zafón retrouveront la splendeur des Aldaya derrière ce palais construit par Gaudí qui semble relever autant de l’architecture que du fantastique.
– La plaça de Prim dans le quartier de Poblenou. Un zest d’Amérique latine sur cette petite place d’un blanc immaculé que protègent deux grands arbres aux troncs noueux qui semblent être là depuis toujours. A13h, lorsque les serveurs d’ « Els Pescadors » installent les tables et que le soleil frappe, ils étendent leurs ombres pour préserver la chaleur du matin. On y accède par une petite rue aux murs défraîchis dans laquelle on aimerait entendre les musiciens de « Buena Vista Social Club ». Les esprits de Sepulveda et de Garcia Marquez ne sont pas loin non plus. On imagine que c’est sur ce genre de place que Santiago Nasar (le héros de « Chronique d’une mort annoncée ») a été assassiné.

Edouard

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Londres

La gare du Nord, puis l’Eurostar. 2h15 pour arriver à la gare de Saint Pancras. Je retrouve avec plaisir les Londoniens : ceux qui sortent des bureaux de la city à partir de 6h00, électrisés par un champ magnétique qui les ferait courir en tout sens ; ceux attroupés devant deux Rolls Royce sur le parvis de Saint Paul ; ceux qui regardent les acrobates et les chanteurs de Covent Garden ; ceux du métro qui s’engouffrent sans hésiter dans le boyau étroit et interminable qui permet de joindre « bank » à « monument » ; ceux de Smithfield Garden que je n’ai pas pu voir m’étant levé trop tard…

Ce que je suis venu chercher à Londres, ce n’est pourtant pas les Londoniens, ni Big Ben, ni la pluie, ni les touristes qui se font prendre en photo à Trafalgar Square devant la statue de Nelson, ni les vestiges des épreuves olympiques du Beach volley, ni 007.
Ce que je suis venu chercher, c’est l’esprit de l’époque victorienne qui a tant influencé la culture occidentale via Hollywood. J’ai voulu retrouver ce Londres de Dickens, de Stevenson, de Mary Shelley et de Bram Stocker.

Whitechapel a sans doute beaucoup changé depuis l’époque de Jack l’Éventreur. On ne peut toutefois pas dire qu’il soit devenu un quartier particulièrement riant et le fog, qui est toujours là, n’arrange pas les choses.

En me lançant à la recherche du petit musée du Royal Hospital où Joseph Merrick (Elephant Man) mourut en 1890, j’ai pu constater la pauvreté du quartier où la communauté musulmane est aujourd’hui très représentée.
En descendant jusqu’à la Tamise, j’ai aussi retrouvé execution Dock où fut pendu captain kidd, immortalisé par Stevenson dans l’île au trésor sous le nom de Long John Silver.

Mise à part la reconstitution du squelette du pauvre Merrick, je n’aurais vu aucun monstre à White Chapel, ni fantôme, ni vampire, ni loups garou.
Les monstres, je les trouverais à l’ouest, dans le très chic quartier de Holborn, au Hunterian Museum où toute une faune d’êtres difformes est conservée dans des bocaux : à l’époque victorienne, les frontières entre curiosité, science et art n’étaient pas très nettes. J’ai alors entrevu une société divisée où le malheur des uns pouvait servir le divertissement des autres.

Pour terminer en beauté sur l’imaginaire victorien, la Tate Britain propose en ce moment une très belle expo sur les préraphaélites qui révolutionneront à l’époque les codes traditionnels de la mythologie, de l’histoire et de la religion. Je suis resté interdit devant la beauté diaphane de ses personnages asexués représentés dans des scènes galantes moyenâgeuses et, songeur devant ces représentations de la femme : soit oie blanche, soit femme fatale. À leur manière, ces codes influenceront eux aussi l’histoire du vingtième siècle…pour le meilleur et pour le pire.

Edouard

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Bruxelles

La gare du Nord tout d’abord, puis le Thalys. 1h15 pour arriver à la gare du Midi. Je vais rendre visite à un vieux copain. Mon guide indique que lorsque l’on est invité chez des Bruxellois, il faut apporter du chocolat. Passage obligé donc chez Marcolini. Première bière de la journée à la terrasse d’un café dans le quartier des Sablons en regardant les vieux Belges qui semblent tous surgis d’albums d’Hergé. Il faut dire que j’en ai eu des images : du graffiti le plus vulgaire aux murs qui sont de véritables planches, toute la ville est peinturlurée.

Flânerie autour de la Grand-Place et du Mannekenpis. Le journal « Le soir » se passionne pour la campagne électorale française et se moque de l’interdiction de la publication des résultats avant 20h que le pays tente d’imposer à ses voisins.

En fin d’après-midi, le canal Charleroi dégage une ambiance à la Simenon. En chemin, je tombe sur la sculpture d’un chien qui lève la patte. Le chien du Mannekenpis ? Vient ensuite une affiche signalant la fermeture d’un musée d’art moderne…en 1970 et la photo d’un club de danse sur laquelle s’égayent pattes d’éléphant, cheveux longs et chemises à fleurs. Un peu plus loin, une affichette collée en bas de la vitre d’un magasin de déguisement « non merci, j’ai déjà ri ! ». Pas de doute, on est bien au pays du surréalisme.

Retour aux sources. Le marché de la « place du jeu de balle » n’est-il pas celui où Tintin à acheté la Licorne ? Vieux meubles, objets non identifiables par milliers, masques et statuettes africaines, coffres au trésor, épées et sabres en tout genre, mauvaises copies et tableaux volés, renards que les Bruxelloises ne portent plus depuis des décennies : tout l’univers du reporter à la houppe semble ici rassemblé.

Et ce vieil homme qui donne à manger aux pigeons non loin du marché, je l’ai déjà vu, c’est certain, mais je ne sais plus dans quel album.

Je n’arriverai pas à revenir à la réalité. Pourvu que je ne me réveille pas !! Je me réfugie au musée Magritte, ouvert il y a trois ans. Peut-être mieux que tout autre, il aura su dessiner et théoriser la belgitude.

Après Magritte, je compte sur le centre belge de la Bande dessinée pour prolonger le combat. Il fait beau et les Bruxellois profitent du bleu du ciel qui n’est pas toujours au rendez-vous. Un jeune homme fabrique des bulles de savon géantes…c’est donc bien ici que l’on fabrique les phylactères. En arrivant, je retrouve la statue de Gaston auquel je n’ai pas donné de nouvelles depuis mon dernier passage, il y a de cela une quinzaine d’années, mais qui ne semble pas m’en vouloir. Refroidi par la foule, j’opte pour la librairie et achète un album.

Et puis, mon portable sonne. C’est mon vieux copain. C’est quand même pour le voir que je suis venu à la base. On se voit pour le déjeuner, on ira manger des moules-frites.

Edouard

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Une promenade magique dans Paris

Si vous êtes amoureux de Paris, si vous êtes intéressé par les sciences occultes sans vouloir toutefois leur donner plus d’importance qu’elles n’en ont et si vous pensez que Da Vinci Code est à l’ésotérisme ce que McDonald est à la cuisine, ce livre est fait pour vous.

L’ouvrage n’est pas un roman, mais une sorte d’essai-guide que l’on déguste en deux temps. L’essai tout d’abord vous initiera au BABA des sciences occultes : alchimistes, templiers, francs-maçons…ils sont tous là, remis dans leur contexte historique. Certes, les frontières entre ces différentes confréries sont poreuses et les symboles qu’elles utilisent sont souvent les mêmes, mais de là à imaginer une fille cachée du Christ ou un complot international des forces du mal, il y a de la marge.
Pour illustrer ces propos, l’auteur se réfère à un certain nombre d’édifices parisiens qui s’inscrivent dans un triangle (forcément) dont les côtés sont « Notre-Dame », « le parc Monceau » et « le Champ-de-Mars ». Ainsi, l’initiation aux sciences occultes ne passe pas par d’obscures ruelles de Belleville ou de Montmartre, mais par le Paris du tourisme, du luxe, de la consommation et du pouvoir.
Une fois la lecture terminée, maintenant armé pour jongler avec les différents concepts de l’univers de la magie, vous pourrez aborder la deuxième phase en utilisant le livre comme un guide touristique et en vous rendant à pied aux 12 (forcément) « stations ».
L’intérêt de cette deuxième partie n’est pas uniquement d’aller voir sur place les différents monuments cités dans l’ouvrage, mais de prendre conscience de l’environnement dans lequel ils s’inscrivent.
Ainsi, après avoir vu le diable de l’église Saint-Merri, les colonnes de Buren, l’Ouroboros du Louvre et les reliques d’une utopie morte au parc Monceau, vous prendrez conscience de l’hétérogénéité et de la relativité de ces symboles. Comme moi, peut-être vous laisserez vous charmer par d’autres symboles et entrerez dans une pagode l’espace d’un quart d’heure, pour voir une exposition photo sur les intérieurs chinois.
Ce qui vous marquera ensuite, c’est le peu d’intérêt accordé par les Parisiens à cette forêt de symboles. Si on peut comprendre que les enfants qui font de la voiture à pédale au champ-de- Mars ne s’intéressent pas à l’édifice révolutionnaire qui se dresse devant leurs yeux ; que penser de la foule stationnée devant l’entrée du 117 boulevard Saint-Germain, attendant dans le froid les dernières prouesses d’Harry Potter et ne voyant pas le compas et l’équerre au-dessus de la porte d’entrée de l’immeuble ?
Votre parcours se terminera à la fontaine Saint-Michel où, comme vous vous y attendrez, personne ne s’intéressera aux efforts déployés par l’archange pour maîtriser les puissances démoniaques. En rentrant chez vous, vous vous demanderez si tous ces symboles ne sont pas en fait les témoins du besoin universel de l’homme de croire en une autre réalité. Vous comprendrez alors que vous faites maintenant partie du cercle des initiés.

    Edouard     

      

Une promenade magique dans Paris

Philippe Cavalier

2010 Anne Carrière

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