Et Poutine créa l’Ukraine

Pendant très longtemps, je n’ai pas eu connaissance de l’Ukraine. Plus tard, j’ai cru comprendre que c’était une région de la Russie.

Les plaines d’Ukraine étaient à peine évoquées par Gilbert Bécaud en 1964 quand il chantait « Nathalie », chanson que j’ai entendue pour la première fois en 1997, lors de la sortie du film « on connait la chanson ». Dans les années 2000, des amis m’ont fait connaître Andreï Kourkov : première fois que j’entendais parler d’un romancier ukrainien. Et puis il y a eu la révolution orange en 2004 avec Ioulia Timochenko et ses tresses qui me faisait un peu penser à la princesse Leia. Ensuite, en 2014, ce fût l’annexion de la Crimée à laquelle l’occident ne semblait prêter qu’une attention distraite.

Un peu faible, tout ça, pour faire un Etat.

Le réel acte créateur de l’Ukraine, pour moi, c’est le refus de Volodymyr Zelensky, quelques jours après l’invasion Russe, de se faire exfiltrer par les américains. C’est là que tout a basculé, que les occidentaux ont enfin compris que l’Ukraine était un Etat et que les américains, en particulier, ont compris tout l’intérêt qu’ils avaient à investir militairement en Ukraine pour faire oublier leur piètre performance afghane tout en matant la Russie et en se faisant une place au soleil en Europe de l’est.

C’est à ce moment-là que moi aussi, j’ai compris que les ukrainiens constituaient une véritable nation. Par la suite, je me suis documenté et j’ai appris que cette zone géographique avait une histoire, distincte de celle de la Russie : tampon entre l’empire russe, l’empire ottoman et le royaume de Pologne et de Lituanie ; carrefour religieux également avec les tatars musulmans, les chrétiens orthodoxes et les uniates catholiques. J’ai aussi appris que c’était d’Ukraine que venaient les fameux cosaques zaporogues, plus précisément originaires de Zaporijia. Remontant encore plus loin, j’ai découvert que c’était là qu’étaient arrivés des vikings au moyen-âge, sur le territoire autrefois occupé par les Khazars, mystérieux royaume de confession juive.

Il y a incontestablement de la matière pour donner une identité à ce pays mais sans l’invasion Russe, cette histoire serait sans doutes encore aujourd’hui perdue dans les archives du temps.

Et maintenant, plus d’un an après le début du conflit, alors que personne ne se risquerait à donner un pronostic, on entrevoit tout de même quelques signes. L’incertitude principale réside en fait dans la définition précise des frontières de l’Ukraine à l’est. Pour le reste, le divorce est maintenant Irrémédiable entre l’Ukraine et la Russie. L’affaiblissement et l’isolement durable de la Russie ne laisse pas beaucoup de doutes avec une dépendance accrue vis-à-vis de la Chine. L’Union Européenne sortira aussi renforcée avec, j’espère, l’élaboration d’une défense européenne s’articulant avec l’OTAN. Affaiblissement relatif de l’Allemagne aussi, au détriment de la Pologne comme nouvelle puissance militaire. Et enfin, accélération de la transition énergétique de l’Europe pour atteindre une autonomie.

Une fois n’est pas coutume, l’avenir semble moins sombre que l’actualité. Rêvons un peu d’horizon en attendant la suite.

Edouard

Goodbye Poutine

Alors que les Russes qui ont aujourd’hui moins de 30 ans ne connaissent l’URSS qu’à travers les propos de leurs aînés, Vladimir Poutine, ancien du KGB qui aura 70 ans cette année, déclare la guerre à l’Ukraine qu’il voit s’éloigner de son champ de contrôle.

30 ans sont donc passés. Les ex-pays de l’Est ont intégré l’OTAN et l’Union européenne et les pays tampons entre la Russie et la zone OTAN/UE lorgnent l’ouest. C’est un peu trop pour Poutine qui craint de voir son empire amputé une fois de plus. Cela explique a priori pourquoi il prend les devants et attaque l’Ukraine avant qu’elle ne bascule définitivement à l’ouest.

Tout cela peut paraître bien désuet. Le monde a bien changé en 30 ans. Dans l’immédiat, le comportement paranoïaque du président russe aura en tout cas permis de faire revivre l’ardeur d’un ancien volcan qu’on croyait éteint (merci, Jacques Brel) : l’OTAN et par là même, le leadership militaire américain.

Également vestige de la guerre froide, l’OTAN justifie son existence par l’agressivité potentielle ou réelle de la Russie. L’organisation se justifie également par l’absence de force militaire unifiée au sein de l’Europe, suffisamment forte pour pouvoir s’opposer à la Russie.

Mais l’OTAN n’est-elle pas devenue un boulet pour les États-Unis ? En agressant l’Ukraine, la Russie n’oblige-t-elle pas les Américains à porter leur attention sur l’Europe alors même qu’ils ne considèrent plus depuis longtemps l’océan Atlantique comme un axe stratégique majeur.

Comme chacun sait, les États-Unis n’ont aujourd’hui d’yeux que pour la Chine, en passe de devenir la plus grande puissance mondiale et par là même, pour la zone pacifique (voir le traité Aukus signé en septembre dernier).

Qu’adviendra-t-il si la Chine décide d’envahir Taïwan ? Les Américains pourront-ils être sur les deux fronts ? Assistera-t-on au commencement d’une troisième guerre mondiale ?

N’est-il pas temps d’admettre que l’OTAN est aujourd’hui devenue un cadre anachronique ? N’est-il pas temps de laisser à l’Union européenne le soin d’assurer sa propre défense en mettant en place une vraie armée européenne ?

Jusqu’à maintenant, le statu quo était de règle. d’une part, la volonté des Européens d’assurer seuls leur propre défense restait faible. D’autre part, la possibilité offerte aux États-Unis de garder via l’OTAN un contrôle sur des alliés devenus également des concurrents économiques présentait un certain intérêt.

L’histoire ne devrait cependant pas permettre éternellement à l’Union européenne et aux États-Unis de se satisfaire de l’ambiguïté confortable de l’OTAN. Les choses sont peut-être en train de changer, espérons qu’il n’est pas trop tard.

Vladimir Poutine restera peut-être dans l’histoire comme l’homme qui aura mis définitivement fin à la guerre froide.

Édouard Latour

Edimbourg

Cela fera huit ans cette année que j’ai commencé mon tour d’Europe. Beaucoup de choses ont changé et en particulier l’arrivée du smartphone qui a révolutionné le concept du voyage. Me concernant, compte tenu du fait que j’ai toujours un train de retard sur les avancées technologiques, cela ne m’est apparu qu’en 2017. Toute la vie du touriste est aujourd’hui dans son smartphone : la réservation de l’avion, de l’hôtel, les transports en commun et le plan de la ville. Je me demande comment j’aurai fait sans Google Map. L’urbanisme de la ville est compliqué, les noms sont très rarement indiqués au coin des rues et la multitude des variantes du mot « street » pour les désigner achève la confusion. Les monuments intéressants sont eux aussi généralement indiqués dans Google Map, ce qui relativise un peu l’intérêt du guide et surtout du plan papier. J’en avais tout de même un, le Lonely Planet que j’ai trouvé moyen. Il nous allèche par exemple avec la Rosslyn Chapel rendue célèbre par Da Vinci Code sans donner aucune indication pour s’y rendre. Bon, c’est vrai, il y a internet…les guides aussi s’adaptent. Avec WhatsApp, c’est aussi la planète qui rétrécit et la fièvre du 31 qui commençait à couver en moi dès le 15 décembre il y a 20 ans est devenue très relative. J’ai fait trois 31 dans la journée avec des proches situés sur différents fuseaux horaires.

 L’introduction était longue et je n’ai toujours pas dit ce que je venais faire à Édimbourg autour du Nouvel An. Y trouver des fantômes bien entendu : What else… ?

J’ai cherché quelque temps sans succès des formes enveloppées d’un drap blanc. Les spectres du cimetière de Calton Hill semblaient apaisés, on ne trouve pas d’âmes tourmentées dans ces lieux.  

Ce n’est vraiment qu’en arrivant tôt le matin au port de Leith, enveloppé dans le drap gris du brouillard que j’ai commencé à comprendre. Sur le quai, j’ai eu le premier sentiment d’une présence en la personne d’un harpon à baleine, dernier vestige de l’époque où la chasse du cétacé était un élément clef de l’économie écossaise.

Je les ai aussi cherchés dans les entrailles du Mary King’s Close aboutissant sur une ruelle étroite du XVIIe siècle et aux abords du château d’Édimbourg, mais il n’est pas certain qu’ils apprécient la compagnie des touristes.

Édimbourg fourmille de ses vestiges d’un passé qui ne passe pas. Ils apparaissent le plus souvent dans des lieux insolites. Qui donc est ce vieil homme portant un kilt au National Museum of Scotland ? Qu’est-ce qui justifie la présence d’une cabine téléphonique fermée sur Queen Street à l’intérieur de laquelle est installée une bibliothèque, une tasse à café et une pipe posée sur un livre ouvert ? Et cet étrange bric-à-brac visible au musée d’art moderne, n’est-il pas celui d’un sculpteur maudit d’un autre temps, n’ayant pu trouver la paix du repos éternel pour de mystérieux motifs ?

Le meilleur moyen de trouver des âmes en quête de libération est peut-être de trouver en endroit paisible. J’en ai peut-être croisé du côté de Dean village, sur un pont traversant le Watter of Leith ou non loin des murs d’une vieille masure. Quoi qu’il en soit, c’est là que j’ai senti la libération dont j’avais besoin pour poursuivre ma route.

Édouard

La revanche des Celtes

Je continue à penser que Boris Johnson est un danger public. Bojo le clown sera-t-il toujours là à l’automne ? On est tenté de se poser la question tant les événements se précipitent.

Dernier en date, le jugement d’illégalité de la décision de suspension du parlement par une juridiction écossaise. Pour moi, c’est surtout un cadeau empoisonné des Écossais à la cour de Londres qui va devoir juger en cassation. On voit mal comment la cour pourrait déclarer l’illégalité de la décision sans déjuger la reine qui a donné son aval.

Le Royaume-Uni serait-il en roue libre ? Et je ne parle pas des déboires de la famille royale.

Cela dit, tout le monde crie au scandale pour la suspension du parlement britannique en oubliant le peu d’efficacité dont celui-ci a fait preuve l’hiver dernier. A cette occasion, il est effectivement apparu comme un élément bloquant empêchant toute issue possible au Brexit.

Voter une loi pour demander un report est une intention louable pour éviter un « no deal » que tout le monde annonce désastreux, mais jusqu’à quand va-t-on jouer les prolongations ?

La stratégie du parlement britannique serait-elle de repousser indéfiniment le Brexit ? Ce n’est pas sérieux et c’est se moquer des Britanniques.

Boris Johnson s’est maintenant trop engagé pour pouvoir reculer. Les humiliations ont été tellement fortes et nombreuses depuis 10 jours qu’il n’a plus rien à perdre et s’il ne s’effondre pas, il est fort probable qu’il aille jusqu’au bout.

Mais aller jusqu’au bout, c’est fragiliser le Royaume-Uni dans ses fondements. C’est tout d’abord remettre en cause un système juridique et constitutionnel, c’est remettre en cause le pouvoir de la reine qui a promulgué la loi sur le report du Brexit et par là même le système monarchique dans son ensemble.

Certes, le résultat 48-52 du Brexit aurait sans doute pu être inversé si les politiques avaient été plus honnêtes et sans propagande russe, mais les pro-brexit restent nombreux au Royaume-Uni. Ce qui apparaît, c’est une scission de plus en plus béante de l’opinion publique britannique.

Dans ce chaos prévisible, deux nations peuvent tirer leur épingle du jeu, les vieilles colonies celtes que sont l’Écosse et l’Irlande qui pourront attirer tous les anti Britanniques désireux de garder un lien avec l’Union européenne.

La réunification de l’Irlande est la seule solution permettant un Brexit sans rétablissement de frontière entre les deux irlandes. L’Écosse qui a voté contre le brexit obtiendra elle aussi son indépendance et un nouvel État en marge de l’Union européenne verra le jour, dans lequel l’actuelle monarchie britannique aura sa place…ou pas. Édouard