C’est bien connu, pour atteindre un objectif, il faut d’abord le visualiser intérieurement.
La défaite de l’Ukraine, on la connaît. La perte des régions à l’est ainsi que la perte définitive de la Crimée. Les Russes s’arrêteront-ils là ?
La victoire de l’Ukraine serait un retrait généralisé des troupes russes, y compris de Crimée. Mais si c’est le cas, combien de temps resteront-ils derrière leur frontière avant de recommencer ?
Peu importe finalement que les Russes « gagnent » ou « perdent ». La seule chose qui puisse les dissuader, c’est la présence d’une puissance militaire supérieure de l’autre côté de la frontière. Aujourd’hui, il n’y en a qu’une : l’OTAN avec les États-Unis et il n’y a pas de puissance suffisamment dissuasive de l’autre côté de la frontière, l’Ukraine n’étant pas dans l’OTAN.
Armer les Ukrainiens peut aider ponctuellement à résoudre le conflit, mais ce n’est pas une solution pérenne.
Par ailleurs, l’outrance de Donald Trump pose la question de la pérennité de l’OTAN de la guerre froide, axé autour de la lettre « A » : l’Atlantique.
Sans être un adorateur de Trump, on peut douter que l’Atlantique constitue encore aujourd’hui un axe géopolitique majeur, en tout cas pour les États-Unis qui regardent de plus en plus vers le Pacifique.
Et que reste-t-il si les Américains se retirent ? L’UE c’est-à-dire pas grand-chose en termes de puissance militaire. Pendant toute la guerre froide et encore au cours des 30 dernières années, l’Europe a vécu dans une double dépendance : énergétique vis-à-vis de la Russie et militaire vis-à-vis des Américains. Si elle semble avoir montré sa volonté de sortir de sa dépendance énergétique vis-à-vis des Russes, elle réalise aujourd’hui que le soutien indéfectible des États-Unis n’est pas gravé dans le marbre.
Bref, pour que les Russes restent derrière leur frontière après la fin de la guerre, il faudra que l’Ukraine soit intégrée à une structure militarisée continentale suffisamment puissante pour les dissuader de risquer un affrontement.
Cette structure n’existe pas aujourd’hui. Il faudra la créer, mais ça prendra du temps et celui-ci commence à manquer aux Ukrainiens.
Le tracé des frontières extérieures de l’Ukraine dépend aujourd’hui du bon vouloir des élus républicains, mais la pérennité de la paix en Europe dépend des Européens.
L’armée qui a toujours été considérée comme étant au centre du pouvoir régalien étatique ne doit-elle pas devenir une structure supranationale ?
Tant que nous n’aurons pas répondu à cette question, les Russes pourront perdre des batailles, mais pas la guerre.
Edouard